Bâti à travers les siècles, témoin architectural indélébile qui atteste d'une civilisation cosmopolite et d'une fusion de styles variés et riches, le patrimoine architectural tunisien dépérit à vue d'œil, dans une indifférence gouvernementale totale et affligeante. Les joyaux qui relatent l'osmose entre le style oriental et le style occidental, le style antique, comme le style moderne, tombent inexorablement en ruine. Pour faire face à cette situation alarmante, un projet intitulé «Patrimoines Partagés» vient de voir le jour. En partenariat avec la coopération italo-tunisienne promue par l'association italienne REA et l'ADSI (Association des Demeures Historiques Italiennes), l'Association des Amis des Arts Plastiques de Sfax lance un projet-pilote. Péril dans la demeure Le but étant de promouvoir, mettre en valeur et révéler au grand public d'anciennes bâtisses et demeures inédites à Sfax, une table ronde s'est tenue récemment dans ledit gouvernorat. Experts et historiens se sont penchés sur la question du patrimoine privé menacé de disparaître et qui demeure très souvent inaccessible. Il suffit de se balader dans les villes tunisiennes pour voir tristement ces merveilles et ces perles architecturales, d'un autre temps, agoniser et s'effriter dans un silence aberrant. Parmi les raisons de ce délaissement, évoquées par les experts durant la table ronde, le manque de moyens financiers, les contraintes de restauration et l'absence de sensibilisation. Avant de se réunir, une délégation ADSI (Association des Demeures Historiques Italiennes) de la région d'Umbria composée de propriétaires et d'experts en patrimoine vient d'effectuer une visite à Sfax dans le cadre du projet «Patrimoines Partagés». Ils ont découvert un premier circuit exclusif de résidences historiques. Une constellation architecturale qui témoigne de l'influence occidentale et beylicale tels que les borj, les dars ou encore les villas coloniales. A l'issu de cette visite, les experts du secteur, les représentants du Ministère de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine, les éditeurs, les architectes, les propriétaires de demeures historiques, auxquels se sont joints des chercheurs et des universitaires se sont réunis dans le somptueux Borj Kallel de Sfax. Patrimoine historique privé : quête essentielle de la résurrection Cette rencontre a mis la première pierre à cet édifice qu'est le projet «Patrimoines partagés» qui ambitionne de mettre en place une stratégie concrète et pratique pour sauvegarder, promouvoir et gérer les résidences historiques. Il ouvre la voie à un projet de coopération plus ample entre propriétaires italiens et tunisiens des demeures historiques selon le principe de réciprocité. Pour enrichir le débat, les propriétaires-gestionnaires italiens et tunisiens et les membres de l'ADSI ont débattu longuement afin de stimuler l'échange de problèmes et de réfléchir ensemble aux solutions les mieux adaptées pour préserver, gérer et promouvoir le patrimoine privé à travers la création d'associations de demeures historiques. A cette occasion, la délégation italienne, qui compte actuellement des milliers d'associés, a présenté son expérience associative qui remonte à plusieurs décennies et sa stratégie pour faire vivre et connaître au grand public des biens culturels privés. Notons que, selon l'UNESCO, ces résidences historiques représentant 60% du patrimoine mondial si l'on compte l'ensemble des monuments publics en Italie. La table ronde à Borj Kallel n'est que le premier pas, selon l'ADSI. La prochaine étape de «Patrimoines Partagés»se fera sous forme de stages entre l'Italie et la Tunisie. Des activités sont prévues tel que le voyage annuel des membres de l'Association des demeures historiques pour toute l'Italie prévue en fin d'année et qui mettra le cap sur la Tunisie. Un circuit des somptueuses demeures coloniales, arabes et beylicales est prévu. Il permettra la promotion d'un tourisme culturel durable dans les régions chargées d'Histoire, de culture et de joyaux architecturaux méconnus et agonisants. Le projet «Patrimoines partagés» travaille avec la Tunisie pour essayer de trouver avec les propriétaires de ces lieux, les chercheurs tunisiens et les autorités de tutelle sur comment revaloriser et mettre en exergue l'unicité du propre territoire à partir des ressources humaines et culturelles déjà existantes. Il cherche, notamment, à susciter l'intérêt des amateurs de l'art et de la culture au-delà des touristes de passage, des aventuriers en quête de découvertes inédites loin des sentiers battus et à la découverte des patrimoines privés authentiques, de grande valeur historique et artistique.