En une soirée, de jeunes et talentueux artistes tunisiens sont parvenus à ressusciter le parcours éblouissant et palpitant de l'âge d'or de la musique arabe. Et pour cause, pendant plus de trois heures, la troupe Attarab a joué à la gloire de la Bonbonnière dans la soirée du samedi 20 juin 2015. Il faut dire que l'occasion n'était pas des moindres. Il s'agit de célébrer les premiers frémissements musicaux propres au mois saint: l'inauguration de la 33ème édition du festival de la Médina. Ramadan n'est là que depuis trois jours que les rideaux rouge pourpre du Théâtre Municipal de Tunis se sont levés pour annoncer solennellement le coup d'envoi du célèbre festival. Place à la musique d'antan! Le moins que l'on puisse dire c'est que la soirée fut un véritable moment de pure jouissance musicale. Les jeunes virtuoses de la troupe Attarab, ont rebroussé le temps, ont invoqué les rêveries d'une époque et ont ressuscité les forgerons de la musique égyptienne des années 50 et 60. Un choix du comité du Festival de la Médina qui a enivré le public, curieusement, peu nombreux pour une Première d'un tel festival. Plus que les mélodies jouées ce soir-là, les instantanés de la mémoire, l'émotion étaient au rendez-vous. Du "tarab" à en revendre! Fidèle à son répertoire musical, la troupe Attarab, composée essentiellement de jeunes tunisiens installés à Paris et exerçant des métiers nobles tel que l'avocatie ou la médecine, ont présenté la quintessence de la musique égyptienne qui a ébranlé la scène artistique et cinématographique durant les années 50 et 60 en Egypte et dans le monde arabe. La première partie de la soirée était dédiée aux grands classiques de la musique des films égyptiens les plus célèbres de l'époque pour ne citer que la Diva Chadia dans le film "La Soirée du Henné", "Wided" d'Om Kalthoum, "Lahn El Khouloud" ou le Chant immortel de Férid Latrach, "Ayam w Layali" ou Les jours et les nuits d'Abdel Halim Hafedh et bien d'autres merveilles qui ont replongé le spectateur dans les eaux dormantes du Vieux Nil. Une époque aussi riche que sobre, aussi dense qu'enivrante. Doté de cet amour inconditionnel pour les joyaux classiques de l'Egypte, les musiciens et les chanteurs de la troupe ont enchaîné avec le chant dans la seconde partie du spectacle. Une aubaine offerte aux nostalgiques d'une époque révolue. Pendant une heure de temps, les spectateurs ont feuilleté les pages du passé. Chaque chapitre musical enlevait la poussière sur des trésors musicaux et faisait ressortir du grenier de la mémoire ces éphémères et précieuses créatures qui ont marqué leur temps et qui continuent à faire frémir de bonheur nos contemporains, jusqu'au vertige. Une onde de frisson s'est emparée de tous les présents en ce soir-là. Ils nous ont chanté, le temps d'une soirée, une constellation du registre musical égyptien: du Karem Mahmoud (Annabi), du Mahmoud Barakat (Sallam Alay), du Feiza Ahmed (Yamma el Amar Al Beb). La Diva et somptueuse Om Kalthoum était également au rendez-vous avec sa légendaire chanson Gahnnili (Chante pour moi). Pour garder le meilleur pour la fin, la Bonbonnière a vibré aux mélodies du virtuose Férid Latrach à deux reprises: "Boussat Errih" (Le Tapis volant) et "Tounes ya Khadhra" (Tunisie la Verte). Saliha, la divine, Saliha, le séïsme kéfois Le public qui écoutait religieusement durant la soirée et qui accueillait chaque fin de chanson avec de vifs applaudissements, a été ému par la chanson qu'avait dédiée Férid Latrach à la Tunisie. La salle était en effervescence totale. L'on chantait, dansait et applaudissait joyeusement cet hymne qui ne fit oublier, le temps d'une soirée, l'accablant présent et les temps durs par lesquels passe cette belle Tunisie. Les paroles de la chanson retentissaient à la gloire d'une terre de paix, d'amour, d'hospitalité et de tolérance... A la tombée des rideaux, le maestro Mohamed Aydi a longuement remercié les spectateurs. Sa voix était étouffée par les applaudissements d'un public conquis et enivré. Un public qui demanda une dernière faveur, une dernière gâterie à la troupe Attarab: "Chantez-nous du tunisien", "On veut du tunisien". Il est vrai que pour une grande Première du festival de la Médina, le spectateur aurait aimé voir ressurgir les grands classiques tunisiens tels que Khemais Tarnan, Chafia Rochdi, Hbiba Msika, Hédi Jouini, Ali Riahi ou encore Cheihk El Efrit, pour n'en citer que quelques-uns. L'ode à ce bal musical classique, nous l'aurions aimé à la gloire de la musique tunisienne d'antan bouillonnante, jaillissante et frémissante. Nous aurions aimé voir la djellaba et la chachia tunisiennes dans la seconde partie de la soirée au lieu de la tenue «saïdienne» typique. Pour sauver la mise ou disons pour répondre à la demande des spectateurs, le spectacle reprit mais sur des notes tunisiennes cette fois-ci. La salle resta allumée. Les rideaux se refermèrent le temps que les musiciens accordent leurs violons. L'attente n'était pas longue. Le verdict tomba. Quelques minutes plus tard, la Bonbonnière dansait aux sons de la chanteuse tunisienne qui "respirait son art", le séisme kéfois, la divine Saliha. Le public a dansé sur "Fregh el Hia" ou encore "Ah ya Khlila". Au final, cette Première de la 33ème édition du Festival de la Médina, dans un endroit qui vit chanter les génies de la musique durant plus d'un siècle, était tout simplement une cure de ferveur, un moment où la majorité présente a revécu, émerveillée, enchantée, une époque inédite, authentique et unique.