Le mardi 28 juillet, Kamel Touati était l'invité du Festival du Jasmin à Radès avec son one man show « Inâch » (Réanimation), l'une des cinq pièces théâtrales programmées dans cette 22è édition. Mais il faut dire qu'il n'en reste que quatre seulement après que Lamine Nahdi a annoncé à la dernière minute son absence à la soirée du 22 juillet où il devait jouer son dernier one man show « Lila Ala Dalila », sous prétexte d'être subitement pris d'un malaise, quoique ce désistement malencontreux ait causé une perturbation sur la programmation, surtout qu'un contrat en bonne et due forme a été signé entre l'intéressé et le comité directeur du Festival. "Cette absence semble être sans mobile apparent d'autant que le comédien s'est produit ailleurs à la veille. Un tel comportement provenant d'un grand comédien comme Lamine Nahdi envers le public ne pourrait que nuire à son parcours et à sa renommée" a indiqué le directeur du festival. En effet, ces annulations de dernière minute de la part de certains artistes, même les plus célèbres, sont devenues si fréquentes qu'elles provoquent parfois des chambardements au niveau du programme et de l'organisation en général (publicité, billetterie...). Un problème qui mérite qu'on s'y attarde ! Pour revenir à notre soirée du 28 juillet, Kamel Touati a su retenir en haleine les spectateurs du début jusqu'à la fin, avec une œuvre théâtrale pleine de symboles, de métaphores, d'allusions et de suggestions. C'est que le comédien, qui est aussi le réalisateur de sa propre pièce, a évité les sentiers battus empruntés par d'autres comédiens de one man shows bien de chez nous qui se basent sur la narration ou l'autobiographie en se collant trop à la réalité, sombrant parfois dans le vulgaire. Le manque de public s'explique peut-être par le fait que ce one man show est classé dans le genre de monodrame social qui ne peut être accessible que par un spectateur avisé et non pas pour un néophyte venu essentiellement pour rire en présence d'un comédien très populaire dans les familles tunisiennes à travers ses sitcoms télévisés, tels que « Nsibti Laaziza » et « Choufli Hal ». La pièce relate l'histoire d'un homme anxieux, insomniaque qui se trouve dans un espace fermé (une prison ou un asile psychiatrique !) Il essaye de se débarrasser de ce milieu suffocant et voler de ses propres ailes pour avoir un second souffle... Il rêve alors de partir, de décoller, de découvrir un autre monde où il pourrait vivre en paix. Son rêve est à chaque fois interrompu par son vécu difficile et sans issues... Le thème est sans doute inspiré de la période post-Révolution où un malaise général gagne le pays et les gens sur tous les plans au point de ne plus savoir à quel saint se vouer, si bien que certains ont pensé à déserter le pays pour vivre ailleurs. Le décor est sobre et se borne à une table de consultation, une chaise, des murs pareils à ceux d'une prison. Ajoutons à cela les habits blancs portés par le personnage. Il va sans dire que la « réanimation » du personnage devrait mener à la réanimation de tout un peuple et de tout un pays ! Nous avons aussi remarqué que le comédien a évolué dans son jeu depuis la sortie de cette pièce puisqu'il y a fait introduire de nouvelles scènes et a reformulé légèrement certains passages de son discours initial. Cette évolution est sans doute très appréciée dans ce genre de création théâtrale. D'ailleurs, les grands humoristes du monde qui ont joué la même pièce pendant plusieurs années à guichets fermés sont ceux qui évoluent d'une représentation à l'autre, même au niveau de l'improvisation. Rien ne manque d'ailleurs à Kamel Touati, ni sa présence sur scène, ni la subtilité de son jeu, ni son sens de l'humour. Il a joué ses personnages avec adresse et professionnalisme. Une carrière de plus de trente ans y est pour quelque chose ! Cependant, depuis qu'il a commencé à représenter son one man show, il y a plus de trois ans, beaucoup d'événements ont eu lieu en Tunisie sur tous les plans (social, culturel, économique, politique). Il aurait pu en profiter pour créer une nouvelle pièce qui corresponde aux nouvelles circonstances survenues depuis la disparition de la Troïka ou, du moins, enrichir sa pièce pour qu'elle reste au diapason des actualités, car pour quelqu'un qui a déjà vu cette pièce plusieurs fois découvrirait que le texte est resté le même, les situations et les gestes comiques sont pareils et la scénographie n'a pas bougé d'un iota. Or, le comédien aurait pu mettre à jour son discours afin de ne pas se répéter et tomber dans une routine devenant agaçante pour les gens. Aurait-on droit à une nouvelle création de Kamel Touati qui tienne compte des événements récents dans la société tunisienne ? D'ailleurs, ceci est vrai pour tous les humoristes tunisiens qui sont appelés à réviser leurs textes et leurs dialogues en fonction de l'évolution des actualités dans le pays.