La rencontre In situ qui s'est déroulée du 3 au 13 aout à Sidi Bou Saïd à l'IMET de Sidi Dhrif s'est achevée par une exposition des produits artistiques élaborés durant une dizaine de jours par une cinquantaine d'artistes venus de plusieurs pays dont beaucoup de Tunisie, des pays arabes mais aussi d'Europe et d'Asie. La rencontre était fort amicale. Ce fut aussi une fête de la tolérance et de l'échange... Elle était conviviale surtout. La rencontre s'est déroulée loin de toute contrainte. La rencontre n'a pas été « dirigée ». Elle n'a pas été axée sur un thème unique ou commun, de recherche. Aucune imposition de démarche ne fut exercée, aucune restriction d'aucune sorte ! Cette rencontre a été un exercice de liberté, une victoire sur toutes les prétentions salafistes à réduire nos libertés de création et d'expression. Remember El Abdelliya de juin 2012 où les toiles furent alors lacérées, brûlées, et où les artistes furent agressés, menacés de mort avec la bénédiction d'un ministre de la culture de l'époque, de siniste mémoire ! Cette liberté totale dans le choix des moyens, dans la réalisation artistique a abouti à la production d'un grand choix et d'une grande diversité de propositions artistiques, picturales... quelquefois trop différenciée, cacophoniques mais rarement médiocres... fort heureusement ! Dans cette rencontre, la peinture, le genre artistique le plus pratiqué lors de ces journées l'a été parce que c'est le genre le plus commode et le plus aisé à entreprendre (toiles, couleurs et autres produits facilement disponibles, ateliers nombreux et aérés...) les conditions de séjour presque bonnes selon les participants eux-mêmes). Evidemment d'autres genres artistiques furent tentées comme la pholosophie, les installations, les collages, les grafites, la petite sculpture en argile en métal ou en bois. Certaines proterbérances naturelles (roche en même des pans de mur furent traités un situ par Najet Grissi par exemple ou en style land-art (entrée de l'IMET). Il va sans dire que c'est la peinture, parfois le dessin, le design l'art graphique qui a dominé la scène de la production artistique de cette rencontre. Comment lire toute cette Polysemie Il serait présomptueux de vouloir ramener la lecture de toutes ces innombrables tentatives artistiques à une seule ou même à deux ou trois directions. Il est également difficile de réduire la polysémie qui se dégage de cette profusion de sens. Nous sommes presque obligés de nous contenter d'une lecture directe, spontanée d'œuvres personnelles non systématiques. Toute autre grille savante de lecture ne peut être, ici opérationnel le tellement les démarches sont plurielles. Les expositions qui nous intéressent semblent être provisoires mais elles sont néanmoins disponibles aujourd'hui dans l'espace du Musée de Sidi Dhrif. L'exposition définitive sera organisée plus tard, peut être lorsque les acheteurs, dont l'Etat seront disponibles pour le faire. Au Musée de Sidi Bou Saïd : L'exposition Au Musée de Sidi Bou Saïd, les œuvres artistiques sont nombreuses. Certaines d'entre elles attirent l'attention. Les travaux qui ont paru les plus remarquables sont réalisés par des peintres venus de beaucoup de pays du monde. Omar Saadoune, Marocain nous a impressionnés par ses recherches Pollockiennes doublées d'un graphisme presque calligraphique cursif très marqué. Son compatriote Abdallah El Haitout, plus constructif et moins enclin à produire des structures lourdes au niveau de la composition étale ses traces et ses saupoudrages sur des surfaces en à plats géométriques légers. Les travaux de Khaled el Khalef du Koweit sont aussi très solides et ne manquent pas d'intensité chromatique. Le travail de Mourad Abdellaoui (Algérie) ainsi que ceux de Serguei Antreusky (Macédoine) sont également à relever. Hilda Hiary de Jordanie et l'Allemande Monika Witte témoignent d'un grand professionnalisme artistique. Monika Witte, peintre allemande d'un grand réalisme contemporaniste s'est vouée à dessiner à Sidi Dhrif des objets communs trouvés par hasard sur un sol labouré d'histoire et de mémoire. L'apport des Tunisiens Les peintes tunisiens très nombreux dans le WorkShop, le sont aussi dans l'exposition. Certains sont connus, d'autres moins. Leila Semaoui s'impose dans sa nouvelle démarche qui noie ses aplats habituels dans de nouvelles concentrations de valeurs chromatiques voisines. Olfa Jomaa, Rabaa Skik, Nahla Dkhili et d'autres encore semblent vouloir emprunter d'autres voies pour s'exprimer. Rachida Amara attend de nous émerveiller plus tard. L'évaluation du travail pictural réalisé est rendu quelque peu difficile par la richesse des potentialités plastiques des uns et des autres et par la richesse des propositions artistiques. Il reste que la manière et le choix qui séparent deux espaces éloignés l'un de l'autre de quelques Kilomètres ne facilite pas une lecture déjà rendue difficile par la profusion des œuvres. Malgré tout cela, il reste que des artistes de renom tunisiens et étrangers se démarquent quelque peu des jeunes, pour leur professionnalisme et leur acuité expressionniste. Au niveau de la sculpture, nous retrouvons Khaled Zaki l'Egyptien dont nous avons déjà parlé et Najet Ghrissi pour son travail de land art mais surtout pour l'œuvre exposée au Musée de sidi Bou Saïd. Cette œuvre qui intègre l'horloge du temps dans une structure en bois. Le temps passe nous dit l'artiste. Nous en entendons le tic-tac. L'horloge, devenu structure mobile ne peut plus avancer. Le temps ne mesure plus l'espace. Désespérance ! Najet Ghrissi déploie à travers son travail des problématiques très significatives que son bleu outre mer n'arrivait plus à soulever. Au niveau de la peinture, des artistes devenus aujourd'hui des valeurs confirmés sont réellement présents dans cette aventure d'In Situ. Nous voulons nommer Zied Lassram, Lamine Sassi... Le travail prolifique de Lamine Sassi produit en très peu de temps nous rappelle la veine habituelle de la production de l'artiste. Ce qui nous a semblé le plus intéressant ne se situe pas au niveau de ce travail habituel mais nous mène ailleurs vers une esquisse, d'une silhouette évidée, légère ou le noir absolu est atteint... Jusqu'y compris les fils tenus qui l'accrochent au temps. Zied Lasram réalise toujours à sa manière fortement hiératique un portrait au premier plan qu'il lacère d'écoulements colorés labourant la surface de la toile. Mais Zied Lasram se force à garder l'homogénéité de la représentation et de l'expression. L'intensité de la rencontre « In Situ » de Sidi Dhrif ne fait aucun doute. Cette intensité ne semble pas avoir de rappels avec celle très problématique du festival de Mahres. L'approche, le sérieux, la clarté des termes de référence, les résultats subjectifs, ceux des expositions confirment que la rencontre de Sidi Dhrif a trouvé la voie de l'alternative qui est essentiellement celle de la Transparence de la démarche libre et claire et surtout celle de la bonne gestion... Mais est-ce que tout cela suffit pour réussir un festival qui dure ? « L'in Situ » des arts actuels de Sidi Dhrif, a certes réussi. Tant mieux ! mais est-ce que cet événement fort intéressant est à même de pouvoir changer la situation des arts plastiques en Tunisie ? Pourra-t-il en fait solutionner tous ses problèmes ? La question principale concerne les rapports entretenus des arts plastiques avec la société et son environnement, avec la ville. Cette question n'a pas trouvé de réponse jusqu'à nos jours. Elle reste donc posée dans les mêmes termes. La rencontre discrète de Sidi Dhrif a certes rassemblé beaucoup d'artistes sur une colline boisée entre Sidi Bou Saïd et la Marsa, mais est ce que la Marginalisation de l'art plastique en Tunisie a cessé pour autant. Les artistes sont toujours isolés. Même lorsqu'ils proposent des œuvres à l'exposition, très peu de gens viennent leur rendre visite. Même si les « In Situ » se déplacent de ville en ville et nomadisent la culture. La culture restera éphémère, provisoire et marginalisée. L'activisme est nécessaire pour mettre en valeur pendant quelque temps l'art mais cet activisme intermittent et provisoire ne permettra pas d'ancrer l'art dans la société d'une manière durable. L'art restera donc marginal ! Il nous faudra envisager un développement durable des « In Situ » d'une manière continue partout dans nos villes, grandes et petites de notre pays... Les « in Situ » pourraient entrainer un « essaimage » concret et durable en évitant de proposer des opérations artistiques, culturelles, de type opération coup de poing éphémères. C'est le développement d'une nouvelle politique culturelle basée sur le développement tout azimut de l'art dans ses dimensions créatrices, formatrices médiatiques, muséographiques généralisées à toutes les couches sociales et à toutes les villes de notre pays qui reste la condition sinequanon de l'insertion réelle de l'art et la garantie de sa pérennité. Pratiquer une politique éphémère des « In Situ » est peut-être envisageable, mais elle reste peu efficace si elle n'est pas accompagnée d'une autre pratique visant davantage l'intégration de l'art dans toutes les couches et régions de notre pays. Nous proposons dans ce cadre de procéder d'abord à un transfert au profit des principales régions de notre pays d'une partie de notre fonds pictural national. Les 6 régions identifiées par le ministre de l'équipement peuvent alors recevoir, à tour de rôle, une partie du fonds (collection nationale) entreposée dans de mauvaises conditions, à Ksar Saïd. 11000 œuvres non encore totalement inventoriées peuvent après inventaire exhaustif, faire l'objet d'une sélection privilégiant le futur musée d'art moderne contemporain mais créant 6 autre collections susceptibles d'être exploitées régionalement. Cette approche permettra de rapprocher l'art des régions et de toutes les structures d'enseignement (écoles, lycées, Universités). Les arts plastiques deviendront, à l'instar de la musique et du théâtre, des arts intégrés dans la société et dans les régions les plus reculées de notre pays et cela suscitera certainement des vocations et pourront ainsi constituer un terreau fertile pour un développement futur des arts. Les « in Situ » des rencontres nouvelles et nomades au Kef, à Gafsa... viendraient ainsi dynamiser le terreau dont on parle plus haut, l'animer, le fonctionnaliser autrement. Les arts plastiques deviendraient alors un élément structurant de la culture, de la réalité sociale culturelle et pédagogique. Ces « in Situ » gagneraient ainsi en efficacité. L'idée « d'essaimage » chère à Mahmoud Chelbi pourrait devenir mobilisatrice et provoquerait des changements profonds dans la société et la culture parce que le terreau, le code... qui lui sont nécessaires sont déjà là, à proximité des yeux, des mains et du cœur. C'est à ce prix et à ce prix seulement que l'art deviendra socialement opérationnel, qu'il pourra faire échec à l'obscurantisme, à la laideur des actes fanatiques, à l'intolérance et nous aider à saisir les beautés de l'homme et du monde aussi bien dans leur spécificité et singularité que dans leur universalité.