«Gai, gai, l'écolier », c'est aujourd'hui la rentrée ! Au terme de près de trois mois de vacances, voici que des dizaines de milliers d'enfants et de jeunes tunisiens retrouvent aujourd'hui le chemin de leurs écoles, collèges, lycées ou encore universités. Finis l'été, la plage, la grasse matinée et le farniente ! L'heure est désormais au sérieux, aux études et au savoir. Depuis plus d'une dizaine de jours, parents et enfants s'activaient déjà à l'achat des fournitures scolaires, tout en suivant, inquiets, les rebondissements quotidiens du bras de fer qui oppose le Ministère de l'Education aux différents syndicats de l'enseignement. Alors qu'elle semblait compromise jusqu'à il y a quelques jours, la rentrée se déroulera finalement comme prévu sur le calendrier scolaire, soit le 15 septembre à 8h du matin. Lourds cartables sur le dos ou à la main, vêtus de leurs tabliers, les élèves tunisiens se rendront aujourd'hui à leurs établissements scolaires pour un peu plus de neuf mois de dur labeur. S'il est un jour qui n'a pas son pareil dans la vie d'un élève, c'est bien celui-ci. Sur le chemin, certains ont la mine grave, d'autres sourient à pleines dents. Chacun ses impressions, ses appréhensions, ses attentes et ses craintes. Avant de pénétrer dans l'enceinte de l'établissement scolaire, l'heure est aux chaleureuses retrouvailles entre amis et camarades de classe. Quelques accolades par-ci, quelques embrassades par là et c'est déjà l'heure de se mettre en rang pour rejoindre les classes et découvrir les enseignants de l'année. Wiem, 14 ans, passe cette année son brevet de neuvième année de l'enseignement de base. Elle déclare : « Pour moi, la rentrée est un jour de fête. Chaque année, mes parents nous offrent de nouvelles tenues et chaussures à cette occasion. Le matin, à la maison, on se croirait le jour de l'aïd. Si d'habitude nous n'avons pas toujours l'occasion de nous réunir à table le matin, le rituel du petit déjeuner de la rentrée est sacré chez nous. Ma mère nous gâte mes frères et moi et nous gave de friandises. Mon père, lui, prend des photos et raconte des blagues pour nous détendre. Avant de sortir de la maison, nos parents nous embrassent tous les trois sur le front et nous souhaitent de réussir brillamment. C'est toujours un grand moment d'émotion pour nous.» Mais tout le monde ne partage pas l'avis de Wiem et ne considère pas ce premier jour d'études comme un moment privilégié et heureux. C'est le cas de Nadia, 16 ans, élève de deuxième année secondaire. Elle déclare : « Je n'aime pas la rentrée ! Chaque 15 septembre est une torture pour moi. Je me réveille toujours avec une boule au ventre qui m'accompagne toute la journée. Même si y retrouver mes camarades de classe me fait plaisir, cela ne m'empêche pas d'être angoissée et de me sentir mal à l'aise. Mais heureusement tout disparaît dès le lendemain et la routine des cours s'installe de nouveau. Vivement que je décroche mon bac dans deux ans ! Je suis sûre que je n'aurai plus de boule au ventre lorsque je serai à l'université. » Doutes et inquiétudes La rentrée scolaire est un moment important dans la vie des élèves mais aussi de leurs parents. C'est aussi et surtout un passage douloureux pour leurs portefeuilles. Selon un sondage réalisé par l'ODC (Organisation de Défense du Consommateur), le coût de la rentrée pour un élève tunisien coûterait entre 152 et 1500 DT selon son niveau scolaire. Pour un écolier, elle varierait entre 152 et 1000 DT. Pour un collégien, elle serait comprise entre 200 et 1000 DT. Pour un lycéen, elle coûterait entre 188 et 1500 DT. Ce montant qui peut sembler excessif concerne surtout les élèves des filières scientifiques qui nécessitent souvent des fournitures spéciales. Des sommes que les parents tunisiens dépensent sans compter, ne pensant qu'à l'intérêt de leurs enfants et à leur avenir. D'ailleurs, nombreux sont ceux qui ont fait le choix cette année de l'enseignement privé payant au détriment de l'enseignement public gratuit, craignant la recrudescence des mouvement protestataires des enseignants et la survenue de grèves menaçant le bon déroulement de l'année scolaire qui débute aujourd'hui. Ainsi, 25.000 nouvelles inscriptions dans des écoles privées ont été enregistrées ces mois-ci et vingt nouveaux établissements scolaires ont reçu l'autorisation pour conformité au cahier des charges relatif au secteur. Contrairement aux années précédentes, les parents tunisiens sont aujourd'hui rongés par l'inquiétude. « J'ai longtemps hésité avant de renouveler l'inscription de mon fils dans son école publique. Le privé coûte cher mais c'est le prix à payer pour garantir l'assiduité des enseignants et la continuité des cours. Sincèrement, je redoute la répétition du scénario de l'année dernière. Et si les grèves des enseignants reprenaient ? Et si, de nouveau, nos enfants étaient empêchés de passer leurs examens ? Quel avenir pour eux dans ce contexte opaque ? », demande inquiète Saïda, mère de deux élèves du primaire. A l'issue d'un houleux feuilleton de négociations de part et d'autre, un accord a été trouvé entre le Ministère de l'Education et les syndicats de l'enseignement. Pas de grève en vue pour les jours à venir. Voilà de quoi rassurer élèves et parents, du moins momentanément, car rien n'est moins fragile que cette accalmie et ce semblant de paix dans cette guerre sans merci qui oppose le ministère aux syndicats et dont la vraie victime n'est autre que l'élève tunisien.