Dans un climat politico-social morose, l'information est venue comme une éclaircie embellissant le ciel tunisien où les âmes de Chokri Belaïd et Haj Mohamed Brahmi regardaient... Ces deux héros de la Révolution, lâchement assassinés, ont été indirectement et sans le savoir, à l'origine des rassemblements et des crises qui avaient secoués le pays. Le peuple tunisien s'était levé comme un seul homme dans le sit-in « Errahil » et avait obtenu gain de cause grâce à l'initiative prise par le « Quartet », formé de l'UGTT, l'UTICA, la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme et le Conseil de l'Ordre des avocats. Cette invention typiquement tunisienne dans la gouvernance de la transition démocratique, a fini par porter ses fruits et pacifier le pays. Enfin, la fête est permise pour les Tunisiens qui n'ont encore pas fêté leur Révolution... Quelles leçons tirer de cette consécration mondiale et surtout, quelles sont ses incidences sur le paysage politiquo-économique sur le moyen et sur le long terme du pays ? Détails. Tout d'abord, les faits les plus saillants d'avant l'obtention du prix. Angela Merckel était sur la liste des candidats. Quant à la Suède qui avait réduit sa représentation diplomatique à Tunis, a pesé de tout son poids pour que la Tunisie remporte ce prix, si convoité, partout dans le monde. Hier, un communiqué a encouragé les Suédois – d'anciens habitués des hôtels tunisiens – à aller en nombre visiter la Tunisie, nobélisée, cette terre de paix et de modération. La voie est grande ouverte pour booster et ressusciter le tourisme tunisien. Ce dernier, principale cible des actions terroristes (opérations du Bardo et de Sousse) redeviendra un jour, la colonne vertébrale qu'il a de tous temps été, de l'économie nationale. Comme le déclarait, hier, au « Temps », Ezzeddine Saïdane, expert financier, dont le nom avait circulé pour remplacer Chedly Ayari, en fin de mandat, comme gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie : « C'est une excellente nouvelle. Elle aura des conséquences énormes. Que tous les médias étrangers en parlent si bien de la Tunisie, cela boostera le tourisme, améliorera la note souveraine et encouragera les investisseurs étrangers à revenir en force... j'espère que les partenaires sociaux en tirent les leçons pour instaurer une paix sociale, authentique et durable, qui sera le prélude d'un retour de la croissance, d'autant plus que la réussite de la transition démocratique dépend, de plus en plus, de la donne économique et sociale. La messe est dite. Après des années de vaches maigres, plutôt médiocres, où tous les clignotants étaient au rouge, la remontée est attendue. Mais que l'UGTT et l'UTICA arrêtent leurs bagarres. Un message de paix interne L'adage stipulant : « Quant le bâtiment va tout va », peut s'appliquer à la vie politique... Car, quand la roue économique est en marche, toutes les augmentations de revenus deviennent envisageables. L'ironie avec laquelle réagissait à la radio, hier matin, Houcine Abassi, au silence de l'UTICA durant les premières heures de l'annonce de l'octroi à la Tunisie du Prix Nobel, montre combien l'entente entre nos partenaires sociaux avait pris un niveau de civisme élevé. Il disait, en substance, qu'ils ne se levaient pas tôt le matin. L'UGTT qui s'est autoproclamée, la locomotive du dialogue national. Le dialogue... rien que le dialogue ! La paix sociale ne pourra être concrétisée que par un dialogue responsable... incitera les hommes politiques à mettre en sourdine leurs tiraillements. Le nouveau mot d'ordre consacré depuis hier, c'est le partage équitable des responsabilités. Les deux grands mentors des grands partis politiques, Chafik Jerraya et Kamel Ltaïef (le dernier par la voie d'un membre du bureau politique de Nida Tounès et patron d'un journal électronique) et le 1er par sa propre voie, hier, sur Mosaïque FM. Cet homme aux multi-alliances, allant de Tripoli à Bizerte et aux nombreux « amis » dans les médias, a bien épargné... son ami de longue date, K.L. Entre le Soussien et le Sfaxien, l'amitié suppose une paix des braves... Leurs politiciens suivront. Ils se calmeront, nécessairement, les Hafedh, Sahraoui, Ben Ticha... La réussite est au bout du chemin. Que le président du parti Nidaa Tounès, Mohamed Ennaceur emprunte l'autoroute ouverte pour accélérer la tenue consensuelle du congrès. Comme la veille, Essebsi avait refusé la tenue, en son honneur, d'une cérémonie d'unité de façade entre les clans. Ce dernier, après le choix du nom du prochain Gouverneur de la Banque Centrale, aura tout son temps pour dire qu'il n'est concerné, ni de près, ni de loin, par les luttes fratricides... au sein de son ex-parti, Nidaa Tounès. Nombreux, les frictions et les conflits que le Prix Nobel obtenu, va décaler, sinon effacer. Peut-on, au moment où le monde entier félicite les Tunisiens, continuer à se faire la guerre à l'intérieur du pays et au sein du même parti ? Une paix fondée sur le dialogue se profile à l'horizon. Et aux prochains rendez-vous électoraux, les coups bas sous la ceinture, n'auront plus de raison d'être. Quant aux financements privés des partis, ils font partie du jeu accepté partout, dans toutes les démocraties occidentales. Les puristes auront encore perdu.... Un nouveau palier La transition démocratique va gagner en rapidité, consistance et souveraineté. Lorsque le monde entier soutient le pays abritant paisiblement la Ghriba, l'optimisme est permis. D'ailleurs, les deux cheikhs qui étaient deux candidats malheureux pour le Prix Nobel, ont montré hier, un fair-play digne des grands joueurs. Béji Caïd Essebsi a dit que l'obtention par le « Quartet », parrainant le dialogue nationale, du Prix Nobel de la Paix, « n'est pas une consécration exclusive du Quartet, elle est aussi un geste qui honore la voie du dialogue et des solutions consensuelles convenus par la Tunisie ». Le Chef de l'Etat a ajouté : « Une rencontre, hier matin, avec le président d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, a été l'occasion de réaffirmer l'importance du dialogue et du consensus durant l'étape actuelle ». Essebsi a précisé qu'il recevra l'après-midi, de la même journée, le S.G de Nidaa Tounès, il sera question de jeter la lumière sur l'importance du consensus. L'entente entre les deux Cheikhs L'adoption de la voie des solutions consensuelles avait commencé depuis la rencontre de Paris, en France entre les deux Cheikhs. Il a reconnu : « Ghannouchi s'était engagé à la réussite de cette voie depuis la rencontre de Paris et il a rejoint le Dialogue national ». Le Président de la République a ajouté : «La Tunisie n'a pas d'autres choix et solutions. Le dialogue est l'unique voie en dépit des divergences idéologiques, confessionnelles... Nous devons nous mettre d'accord, que nous sommes dans une guerre contre le terrorisme et nous devons nous engager ensemble pour combattre notre ennemi commun, le terrorisme ». Chacun tire pour lui seul, les dividendes... De son côté, Rached Ghannouchi, futur Khomeiny du pays, a félicité le « Quartet » pour le Prix Nobel, obtenu avec mérite et panache. «C'est un honneur et une récompense pour les efforts fournis par le Quartet, un hommage pour la Tunisie qui a pu, grâce à Dieu, et la bravoure de ses enfants, éviter la guerre civile qui prévaut dans des pays frères... et ce, en ayant adopté le principe du dialogue, du consensus comme seule voie pour la résolution des différends, des divergences et des problèmes ». Et au Cheikh Rached Ghannouchi de poursuivre, dans son envol en disant : «C'est ce qui a fait l'exception tunisienne et a généré l'admiration internationale qui ont conduit à l'hommage... Nous devons nous en tenir compte à ces principes et nous engager à en faire la seule voie pour vaincre les divergences ». Il a conclu : « Mabrouk au Quartet, à tous ceux qui ont participé au dialogue. Mabrouk à la Tunisie ». Un observateur averti a résumé les vagues d'autosatisfactions et d'autoglorifications en rappelant les propos de Ghannouchi pour défendre le maintien de son poulain Ali Laârayedh, en invoquant les réussites divines de son protégé... puisque « lorsque vous ouvrez le robinet, l'eau coule et quand vous appuyez sur l'interrupteur la lumière jaillit ». Des années lumières séparent ces deux déclarations espacées de seulement quelques trimestres... Un premier enseignement : les intérêts rapprochent les hommes politiques... Et chacun a plutôt intérêt à glorifier l'autre. Il augmente par ricochet sa propre valeur »... Il n'est vraiment pas temps de tout tirer pour soi... Le peuple, toujours seul perdant devant les chamailleries des chefs, qu'il savoure sa victoire car le sit-in d'Errahil était à l'origine de l'initiative du Quartet, du Dialogue national, de l'arrivée de Mehdi Jomaâ au pouvoir, des élections de 2014, de la rencontre de Paris... Tout ce processus, c'est le peuple spontanément qui l'a engagé... Il mérite bien un Prix Nobel. Hier, c'est fait. La prochaine fois, une de nos universités nous produira un autre Prix Nobel... d'une discipline scientifique. Ce jour-là, la fête sera totale et du robinet... coulera du miel...béni. Hassine BOUAZRA * Houcine Abassi, SG de l'UGTT : «Un hommage,entre autres, à tous les partis politiques convaincus du dialogue» Le secrétaire général de l'union générale tunisienne du travail (UGTT), Houcine Abassi a déclaré à la presse à l'issue de l'audience que lui a accordée le Président de la République, Béji Caid Essebsi, hier au palais de Carthage, que l'attribution au quartet du prix Nobel de la paix, est un hommage, non seulement à ses membres, mais à tous les partis politiques qui étaient convaincus que le dialogue était le seul moyen pour sauver le pays. Il s'agit, aussi, a-t-il ajouté, d'un hommage à tous les martyrs de la nation parmi les militants, les leaders et les agents des institutions sécuritaire et militaire ainsi qu'aux composantes de la société civile et à tout le peuple tunisien. Par ailleurs, le responsable syndical a indiqué que sa rencontre avec le chef de l'Etat a permis de discuter de plusieurs questions d'ordre socio-économique ainsi que des moyens d'impulser l'économie du pays pour réaliser le développement. *Wided Bouchamaoui, présidente de l'UTICA: «L'UTICA a présenté le dossier du Quartet au comité de sélection du Prix Nobel » La présidente de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA), Wided Bouchamaoui, a réagi, dans une déclaration à Mosaïque Fm à l'obtention du Quartet du Prix Nobel de la Paix. Mme Bouchamaoui s'est félicité et a félicité le peuple tunisien pour cette récompense internationale qui est une fierté pour la Tunisie, pour ses institutions et sa société civile. Grâce à la confiance du peuple tunisien, de la coopération de ses partis politiques et de tous les Tunisiens et des journalistes, le Quartet a reçu cette distinction prestigieuse, a-t-elle expliqué. «Grâce à ce prix nous avons grandi et nous avons permis au drapeau tunisien de se hisser pour la première fois à Nobel !», a-t-elle affirmé, souhaitant que la Tunisie soit toujours sur le devant de la scène et sur le chemin de la réussite. Wided Bouchamaoui a indiqué que c'est l'UTICA qui a présenté le dossier du Quartet au comité de sélection du Prix Nobel, avec l'appui de la présidence de la République. Elle a remercié, dans ce cadre, tous ceux qui les ont appuyés.