Ennahdha devrait ne pas trop tirer sur les cordes au sujet des « Imams limogés ». L'image qu'elle donne n'est pas du tout rassurante, car elle confirme toutes les suspicions au sujet de son évolution vers un parti « civil » et démocratique. En démocratie civile, ce qui prime c'est la loi et la transcendance de l'Etat régisseur du champ religieux, parce que respectueux des cultes sans en être un « Etat religieux » ! Encore une fois, l'Eglise et sa séparation de l'Etat en Europe ! Ce qui n'empêche pas d'avoir des partis « chrétiens » civils et démocrates comme la CDU en Allemagne ! Or, le parcours de ces « Imams » limogés n'est pas transparent. Que fait un ministre des Affaires religieuses à la Mosquée El Fath... sinon des prédications toutes archivées et pas très « civiles » ni démocratiques ! Cet ancien ministre qu'on présente comme un docteur de l'Islam exceptionnel et très performant, l'est certainement pour ceux qui partagent son idéologie extrémiste et excessive, mais pas pour les musulmans de ce pays qui depuis 14 siècles, ont une perception de l'Islam, des dogmes musulmans et surtout de la pratique musulmane des cultes... très différente. M.Noureddine El Khademi, pour le nommer, serait plutôt influencé par la doctrine islamique d'Orient qui n'a rien à voir avec l'identité tunisienne spécifique. Ce qu'il appelle « Ayemet el Iîtidal » (les Imams de la modération), c'est tout simplement une véritable catastrophe identitaire. La preuve, revoyer et réécoutez les discours haineux de la discorde et de la violence de M. Jaouadi, imam de la grande mosquée Ellakhmi à Sfax, et vous en serez plus que convaincu ! Ouvrez le Net... tout est là et sans appel ! Cette frange d'Imams politisés à l'extrême, jusqu'à la moelle en faisant campagne fervente pour le parti islamiste Ennahdha pendant toutes les élections précédentes, ont fait une confusion délibérée entre l'Etat et la religion, mais avec une lecture spécifique, la leur, celle inspirée par les « frères musulmans » d'Egypte dont le fameux Cheikh Karadhaoui reçu à Tunis du temps de M. Khademi, comme un chef d'Etat ou plutôt un Empereur conquérant venu célébrer le nouveau « Fath » (libération) de l'Ifriquiya... la Tunisie ! Ces messieurs veulent tout simplement faire des mosquées des « cellules » d'encadrement politique et de propagande partisane, pour un parti déterminé, présenté comme le seul dépositaire de la doctrine islamique légitime dans ce pays ! Eh bien, les Tunisiennes et les Tunisiens en bonne majorité ont tout simplement dit « Non » et rejeté cette culture extrémiste et excessive de la Religion et son modèle de société importé et certifié « Iso » de l'Orient « frères musulmans » avec pour symbole le Saint Coran... Mais, aussi l'épée ! Les dernières élections ont exprimé clairement l'attachement des Musulmans de ce pays et de notre peuple à l'Islam spécifique « Tunisien », de la grande « Zitouna », combiné avec toute la culture méditerranéenne et la modernisation « sadikienne », celle des grands ulémas de ce pays et j'en cite les Ben Achour (Sidi Tahar et Sidi El Fadhel), les Sellami, les Belkhoja, les Belkadhi, les Jaïet, les Neïfer, les Békir etc... etc... C'est toute cette culture, en tout point supérieure, à celle de l'Orient Wahabite rétrograde et déclassée, qui a été plébiscitée par notre peuple. Alors, de grâce, Messieurs les Ben Salem et compagnie, arrêtez de ramer à contre-courant et de vouloir redéployer Ennahdha sur le terrain du Parti religieux par excellence. N'imposez pas notre lecture particulière de l'Islam aux Tunisiens ! Tiens, l le Cheikh Rached El Ghannouchi et ses lieutenants « libéraux-réformatistes », devraient éclairer notre lanterne une fois pour toute : Ennahdha est elle un parti civil et démocratique ou un parti religieux ?! Mais, la réponse, la bonne, vous la trouverez chez mon frère et ami Si Samir Dilou... imbattable sur la rhétorique ! Vivement plus de réformes à Ennahdha... tunisienne, question de crédibilité ! A titre de rappel, depuis l'indépendance, le système éducatif tunisien a accueilli annuellement des milliers de jeunes tunisiennes et tunisiens qui sont, aujourd'hui, docteurs, ingénieurs, industriels, commerçants et cadres spécialisés dans tous les domaines d'activité. A ces millions de citoyens éveillés on ne peut pas leur raconter n'importe quoi, ni leur vendre du « beurre » avec l'argent du beurre ! La crise aiguë de Nidaa Tounès permet aujourd'hui à Ennahdha de sortir la tête de l'eau et de se replier à nouveau sur le champ identitaire et religieux qui a fait sa force mais aussi sa faiblesse. Ses cadres ont tiré la moitié de la leçon de l'échec cuisant de la Troïka. Ils ont essayé de rassurer les millions de Tunisiens qui ne veulent pas du Wahabisme et de la culture « frères musulmans » en déclarant qu'ils allaient séparer le domaine politique (civil) du domaine « daâwiste » (des prédications) religieuses qui s'entremêlent dans la vie et l'action du parti Ennahdha. Mais, ça ne passe pas. Les Tunisiennes (surtout) et les Tunisiens s'en méfient car dans l'Islam politique, le religieux et le politique font une totalité inséparable ; D'où la difficulté de R.Ghannouchi et ses ailes libérales à faire passer la « pilule » et convaincre la Tunisie et le monde qui nous observe, de la démarche proposée ! Finalement, nous sommes confrontés à deux thèses : La première consiste à dire que Ennahdha peut accoucher dans la douleur et aller vers le modèle « CDU allemand ». Mais, il faut du temps et de la patience. La seconde, c'est tout simplement, de reconnaître que Ennahdha est ce qu'elle est, qu'elle ne changera jamais et ne fait que manœuvrer pour se replacer en pôle position. Pour ma part, je ne ferai pas le pari de Pascal. La Tunisie est trop belle et trop chère pour risquer un pari sur les véritables intentions d'Ennahdha, surtout quand on voit tout cet acharnement contre le ministre Othman Battikh parce qu'il a osé limoger un « imam » obscurantiste rétrograde et haineux comme celui de Sfax ! Ennahdha aurait dû le soutenir dans cette démarche au lieu de le culpabiliser, si réellement elle avait changé ! Le mot pour la fin. La politique est un rapport de forces. Nidaa Tounès doit rebondir et très vite. Faute de quoi, rebonjour une nouvelle « Troïka » avec une nouvelle hégémonie d'Ennahdha, qui sera sur un boulevard, car des millions de Tunisiens n'y croit plus à cette légende (khourrafa) de l'équilibre politique. Chassez le naturel... il revient au galop ! Si le « Nidaa » ne refait pas surface d'une manière ou d'une autre, pour être le contrepoids crédible, « Ennahdha » nous gouvernera en 2020... qui sait, peut-être, même avant ! K.G