Faut-il revenir à l'Iliade d'Homère et à la guerre de Troie, 13 siècles avant Jésus Christ, pour comprendre ce qui se passe en Tunisie, en ce moment ! Troie, cité antique de l'Asie mineure, était cette civilisation brillante et attachante qui a payé sa résistance contre l'hégémonie grecque montante en se faisant détruire et incendier suite à une ruse et un piège des corps d'élites de l'armée Hellène. C'est, peut être, la plus célèbre des ruses de l'Histoire de l'humanité : « Le Cheval de Troie » ! (Ruse imaginée par Ulysse). Cette ruse, immuable, fait encore aujourd'hui les beaux jours des puissances américaines, russes, chinoises, britanniques, françaises et autres, qui ont recours aux « unités spéciales d'intervention » sur les terrains des conflits au Moyen-Orient, en Iran, en Irak, en Syrie et en Afrique, afin de détecter les forces et les faiblesses des belligérants et arrêter les stratégies et les tactiques de pénétration des lignes adverses puis d'opérer les bombardements des cibles localisées. Mais, le « militaire » n'est pas le seul concerné par cette technique de guerre. La politique en a usé et abusé à toutes les époques et les plus patients, les plus subtils, ceux qui savent attendre et qui ne sont jamais pressés de dévoiler leurs cartes, finissent par vaincre. Notre pays, à l'Histoire plusieurs fois millénaires, a connu toutes les ruses, aussi bien politiques que militaires. Carthage a bien été soumise et détruite, grâce aux alliances « locales » que Scipion a su mobiliser et mettre de son côté, dont des cités stratégiques clefs, comme « Utique », première alliée de Rome, contre le Royaume punique de Carthage. Au temps des Hafsides, les Espagnols et les Turcs avaient déjà leurs « chevaux de Troie » au Palais. D'où les « promenades » de l'Armada de Charles Quint à La Goulette et les « missions » des Rois Hafsides au Sultan Ottoman pour confirmer l'allégeance à la Turquie, notre sœur de toujours..., ou lui demander de l'aide pour repousser les Espagnols des côtes tunisiennes. Mais, l'Histoire confirme aussi, que si la Tunisie est menacée de l'extérieur, c'est que le front intérieur l'a voulu et y a contribué de façon substantielle par sa dislocation et ses luttes d'intérêts. Bourguiba le disait bien : « je n'ai peur pour la Tunisie que de ses enfants » (Ma Nkhaf aâla Tounés Kan min awladha) ! Après la Révolution, « l'infiltration » dans le camp et les partis adverses n'échappe à personne même aux moins avertis. Ceci est aidé en fait par notre appartenance et notre culture d'attache l'Islam, de manières différentes, mais avec le partage de certaines valeurs minimales de solidarité et de fraternisation (attention aux « Frères »... à consommer avec modération, mais n'en abusez pas !). La Troïka a donné la première « infiltration » post-révolutionnaire de l'Islamisme politique ascendant et libéré de la répression de ses élites par le Régime précédent. Tous les partis ou presque à l'exception de la gauche, avaient, à des degrés divers, « des sympathisants » de l'Islam politique et de sa centrale Ennahdha, dans leurs rouages et leurs structures décisionnelles. Un Parti comme le CPR a succombé sous le charme des nouveaux islamistes réformateurs. Pourtant ce Parti a été crée et dirigé par Dr Moncef Marzouki, Sadikien, moderniste professeur en médecine ayant même enseigné en France, farouche défenseur de la Démocratie pluraliste et de la liberté aux goûts et aux couleurs occidentales parce qu'il n'y en a pas d'autres à ce jour dans le monde et pour preuve observez ce qui se passe en Turquie, où bientôt le régime parlementaire va s'éteindre pour le présidentialisme. D'ailleurs, il serait intéressant de suivre l'évolution de la Nahdha sur le sujet, elle qui a imposé le régime parlementaire à l'ANC. Au Takattol, les choses étaient un peu plus différentes et le phénomène moins visible, mais perceptible. L'alignement du Parti de Dr. Mustapha Ben Jaâfar, connu pour la défense des libertés publiques et des valeurs « citoyennes », sur la tentation d'Ennahdha de retoucher à sa manière l'identité spécifique de la Tunisie depuis l'an 50 de l'Hégire et la fondation de Kairouan, puis de la Zitouna, ne fait pas l'ombre d'un doute. D'ailleurs ce Parti en a payé le prix fort aux élections de 2014. Le zèle de certains de ses hauts cadres à défendre cette alliance « sacrée » avec la Nahdha, a fait les beaux jours et les belles soirées des débats houleux à l'époque sur les plateaux T.V. Mais les Tunisiennes et les Tunisiens n'ont pas suivi. Puis vint le « miracle » Nida Tounès, et on pensait que les Tunisiennes et les Tunisiens étaient au bout de leurs peines, et enfin, trouvé, habit à leur mesure : une synthèse magique entre Bourguiba, Farhat Hached et El Allama Echeikh El Fadhel Ben Achour. Quoi de plus lumineux pour équilibrer le paysage politique et contenir dans des limites raisonnables et acceptées par la société tunisienne sculptée aux valeurs des mouvements réformistes depuis Kheireddine Bacha, l'ascendance de l'Islamisme politique, qui a failli emporter l'ensemble du modèle identitaire tunisien, et le raccorder à l'Orient des frères musulmans d'Egypte et du Wahabisme d'Arabie. Une nouvelle équation tout à fait motivante a été mise en place avec la victoire de Nida Tounès aux législatives et présidentielles de 2014. La modernisation et l'identité islamique spécifique tunisienne furent sauvées, ainsi que la démocratie sociale chère au leader et martyr de la nation Farhat Hached. Mieux encore la Nahdha n'est pas punis mais ramenée à un volume acceptable par la société tunisienne et le monde. La gauche du Front Populaire est bien là pour jouer son rôle de sauvegarde des valeurs sociales et populaires. Ainsi donc les conflits majeurs ont été circonscrits et les risques de fractures limités. Bref, tout avait l'air de baigner dans cette mer couleur azur de la Tunisie éternelle, mais nouvelle de la 2ème République. Mais le bonheur ne dura pas ! Il fallait compter avec les « chevaux de Troie » impénitents, pour infiltrer la belle machine du « Nida » et gangréner sa mécanique impeccable, qui a pu renverser une situation désespérée en moins de deux ans d'existence. Certains ont même réinventé, feu « Thaâlbi », Cheikh nationaliste et patriote, mais déclassé à partir de 1934, par le Néo-Destour qui a mené le pays à l'indépendance et la Construction de l'Etat national moderne. Ce support idéologique aurait pu être positif à Nida Tounès, si on avait rappelé que le Cheikh Abdelaziz Thaâlbi, était finalement le compagnon de Ali Bach Hamba le grand leader Sadikien et moderniste, qui l'a chargé de l'édition du journal « Le Tunisien » de langue arabe, et que finalement le leader des « jeunes tunisiens » était bien Bach Hamba et non Thaâlbi. Mais ce choix de balancer à nouveau « Thaâlbi » dans le paysage politique et identitaire tunisien et spécialement au Nida est loin de respirer l'innocence. Ça sent l'odeur du « cheval » hellène devant les murailles de la citadelle de Troie. Le pire c'est que ça à l'air de prendre... Le Nida est au bord de l'implosion. Pourvu qu'il n'ait pas le destin de « Troie » ! Quant à la Nahdha, elle n'a pas l'air d'être pressée d'entamer la reconquête du pouvoir et d'achever les murailles du Nida. Pourtant elle a l'eau à la bouche, mais elle attend que le fruit gâté tombe de lui-même ! Encore une fois, chapeau Cheikh Rached Ghannouchi ! K.G