Un retour au devant de la scène du parti islamiste Ennahdha et qui pourrait à l'image de son « frère marocain » le PID, du Premier ministre, Abdelilah Benkirane, coiffer au poteau tout le monde et remporter les municipales annoncées pour fin 2016, doit-il être perçu comme une « malédiction » ! Ma première réaction serait du 50/50, oui et non ! Je m'explique. Certainement, une malédiction, si Ennahdha cherche plus le contrôle social et identitaire, que le pouvoir lui-même, l'un devant assurer l'autre, mais sur le long terme, le contrôle identitaire installerait la centrale islamiste et ses dirigeants dans une option « erdoganienne » à la Turque avec une réappropriation de l'Etat par le parti conservateur islamiste et avec une mainmise sur l'armée, la police, la justice et la presse (telle que vécue en ce moment en Turquie, totalement déconnectée du Kémalisme d'Attaturk et sa « laïcité musulmane ». D'ailleurs, rien qu'à voir les réactions passionnées des dirigeants d'Ennahdha les plus modérés et les plus ouverts à l'évolution « civile » et démocratique du parti islamiste à l'instar de M. Lotfi Zitoune ou même du cheikh Rached Ghannouchi, à propos des limogeages des Imams archi-connus pour leurs prêches obscurantistes et rétrogrades surtout à Sfax, un des bastions d'Ennahdha, pour s'en convaincre. C'est la défense sans concession de « l'espace religieux » estimé « sous contrôle » et qui joue le rôle de relais essentiel au parti islamiste Ennahdha. Par conséquent, une victoire aux municipales, en 2016, donnerait des ailes à Ennahdha pour remettre à niveau « sa » feuille de route initiale d'avant et après la Révolution, avec l'infiltration du tissu local et régional. Et alors rebonjour les nominations cette fois à l'échelle locale de fervents sympathisants, la création d'associations (toujours à but non lucratifs et « neutres » politiquement S.V.P... !), d'écoles dites « coraniques », mais encadrées par des « éducateurs » et des « éducatrices » engagées à l'extrême et tout le reste. Le bilan de la Troïka « nahdhaoui » est impressionnant à ce niveau et surtout ne me demandez pas le nombre de gardes forestiers « déplacés » par la haute sollicitude et la bénédiction zélée du ministre de l'Agriculture de l'époque, ou des « omdas » accusés de connivence avec l'ancien régime. Il ne fallait pas plus pour voir le résultat sans appel sur le terrain : La Tunisie a perdu ses frontières et le terrorisme n'avait même plus la peine de se dissimuler aux contrôles des passages frontaliers... Les « Radars » ne fonctionnaient plus ! Par conséquent, la Tunisie joue gros tant qu'Ennahdha n'aura pas décroché avec cette attitude de défendre l'espace, « son espace » religieux « politisé », comme un patrimoine du parti et son outil de mobilisation et de combat. Même chose, d'ailleurs, avec les mosquées « hors la loi » avec les jardins d'enfants, véritables laveries des cerveaux de mômes de trois ans qu'on prépare déjà au « Niqab » des W.Ghoneïm et autres, apôtres de l'intolérance orientale. D'où l'importance capitale de ces élections et je dirai la voie de l'irréversible, à voir le parti islamiste, très attaché encore à ses fondamentaux « frères musulmans » des années 70 et du temps des braises et de la répression que ses cadres dirigeants ont subie et endurée pendant des années. J'en viens maintenant à l'antithèse de la « non-malédiction » d'une possible victoire d'Ennahdha aux municipales et régionales qui ne serait pas une menace par le modèle sociétal tunisien. Disons tout de suite, que ses concurrents et surtout Nida Tounès ne font qu'accumuler les erreurs et les signes de faiblesse, qui ouvriront toutes grandes les voies de la reconquête de la Tunisie profonde par Ennahdha. Et c'est à partir de là que nous pouvons déjà entamer le problème. Il est plus qu'évident de constater qu'Ennahdha compte, en ce moment, plus d'un « khateb » comme le dit le mot arabe, candidat empressé à une « alliance » opportuniste avec elle pour coller au pouvoir à l'horizon 2020. Une certaine « famille destourienne », en rêve, selon toute apparence ! Déjà on appelle au secours le cheikh nationaliste Abdelaziz Thaâlbi pour sceller l'héritage commun depuis la fin du 19ème début du 20ème siècle! Mais, si mes souvenirs sont bons, Thaâlbi était plus proche de Ali Bach Hamba, le Sadikien réformiste et leader incontesté du mouvement nationaliste, à l'aube du 20ème siècle, que des cheikhs et ulamas conservateurs de la Zitouna. Autre question fondamentale, Ennahdha est-elle, aujourd'hui, plus proche du cheikh tunisien Thaâlbi que de Karadhaoui, l'Egypto-Qatari, ou de Wajdi Ghoneïm, ou à la limite de Tarek Ramadan, tous « frères musulmans » ! That is the question !? Ces partis-candidats à une alliance possible avec Ennahdha, sont attirés surtout par son potentiel structurel et la solidité de sa présence dans les milieux musulmans (je dis bien musulmans) populaires et conservateurs. Mais, ils doivent savoir qu'ils risquent le même sort que les Troïkistes, anciens alliés d'Ennahdha, dans les premières transitions post-révolutionnaires et n'auront que les miettes avec une soumission presque totale à la politique du corps dominant. Ettakattol et le CPR ne se relèveront jamais de leur « expérience » de « sous-pouvoirs » périphériques d'Ennahdha, en 2012-2013. Mais, que voulez-vous, le virus de la politique et les attraits du pouvoir ont les faveurs et la transcendance auprès des acteurs qui s'estiment « destinés » à nous gouverner ! Les choses étant ce qu'elles sont, y a-t-il une troisième voie possible ! qui sait, une nouvelle alliance d'Ennahdha et du Nida n'est pas de l'ordre de l'impossible. Cette fois, c'est le Nida qui en profiterait au vu de sa faiblesse actuelle, ses divisions internes et l'égo abusif de certains de ses prétendants aux hautes charges de l'Etat à l'horizon 2020 ! « Allons doucement », disait, Talleyrand, pressé ! D'ici là, beaucoup d'eau coulera sur les deux rives de la Medjerda, marqués par une Tunisie dramatiquement divisée et troublée entre sa quête de la modernité proche de l'Occident mais spécifique et son attachement aux appels de l'Orient obscurantiste et décadent qui n'arrive pas à éteindre les feux qui ravagent ses entrailles en Irak, en Syrie et maintenant au Maghreb, et qui ont pour source : les conflits identitaires et religieux ! Et dire que Bourguiba croyait que « sa » modernisation consolidée par l'enseignement, la culture et la libération de la femme était irréversible ! Mais, qu'il se console, Attaturk qui est allé plus loin en Turquie, a émigré à son tour vers l'Allemagne ! K.G