Mokhtar Hénen qui expose actuellement jusqu'au 20 décembre courant à la galerie Aïn, aux jardins de Salammbô, est un artiste plasticien chevronné qui fait partie de la première génération de l'école des Beaux-arts de Tunis des années 60.Artiste confirmé et chevronné, il a durant toute sa carrière privilégié l'huile dans ses travaux en portant ce grand intérêt à la composition des différents éléments et au contraste entre l'ombre et la lumière. L'artiste qui nous a habitués au monde de la Médina et à tous ses charmes, semble élargir ses travaux vers les quartiers populaires situés à la périphérie de Tunis ou des grandes villes, sans pour autant s'éloigner de sa vocation première qu'est la peinture de la Médina dont il passe pour un grand maitre depuis de longues années, c'est qu'il ne se contente pas de reproduire les lieux et leur architecture, les personnages et leurs attitudes, mais c'est une impression personnelle qui s'en dégage, qui évolue et qui varie d'une exposition à l'autre, où la couleur et la lumière sont toujours de mise. Dans cette exposition, l'artiste nous présente sa nouvelle collection de 28 tableaux de dimensions différentes qui passent pour un véritable témoignage d'un patrimoine architectural riche où l'on peut voir plusieurs scènes quotidiennes vécues par les gens de ces quartiers traditionnels que le peintre a reproduites jusqu'aux moindres détails. Le visiteur est enchanté devant ces tableaux représentant les vieilles maisons de la Médina avec leurs murs délabrés et parfois envahis par la végétation, à cause des intempéries, leurs ruelles obscures au fond desquelles surgit un flux de lumière, tantôt vive et intense, tantôt voilée et tamisée, leur architecture dominée par les coupoles, les arcades et les minarets et surtout les gens aux habits traditionnels qui y circulent nonchalamment ou exercent fièrement leurs métiers artisanaux. Les couleurs tantôt claires, tantôt sombres riment avec les touches de lumières que l'artiste fait filtrer au bout d'une ruelle ou à travers une porte ou une fenêtre entr'ouverte, suggérant ainsi une sorte de clair-obscur très charmant. Les fissures qui se sont formées à travers les années sur les murs des maisons où les fentes qui se sont creusées sur les portes et les fenêtres des maisons sont minutieusement représentées par l'artiste.Et cette couleur de chaux dont sont enduits les murs extérieurs des maisons ou encore ces bandes de vert et de rouge qui entourent la porte d'un hammam ou d'une zaouïa ! Tout ce monde nous rappelle la Médina d'antan, du fait que l'artiste a su garder les particularités des lieux tout en évitant de peindre les objets intrus qui finissent par défigurer l'aspect général du patrimoine et trahir la dimension folklorique des lieux. On apprécie fort les travaux sur « Café Souk El Rebaa », « Rue Zarkoun », « Rue Halfaouine », « El Hafsia », « Kotteb Bab Lakwasse », « Hammam »... Chaque toile est une référence à l'histoire, rappelant aux nouvelles générations, habituées aux immeubles, aux embouteillages des heures de pointe et aux clameurs des villes : « C'est là que vos ancêtres ont vécu ! » L'artiste quitte la Médina pour nous inviter à visiter d'autres quartiers populaires où les traditions semblent persister jusqu'à nos jours, malgré la poussée de la technologie moderne. Il nous présente cet homme assis sur sa charrette tirée par un âne et chargée de ferrailles, comme on en voit souvent dans nos quartiers où modernité et tradition cohabitent. On peut voir aussi, ce marchand de poisson debout derrière ses caisses de poissons, vantant sa marchandise pour attirer les clients... Toutes ces toiles sont abordées par grandes ou petites touches, faisant émerger des fluctuations de lumière qui donnent une grande vivacité à l'ensemble. Outre cette peinture de la Médina et des quartiers populaires, l'artiste s'intéresse également au paysage et à la nature : ainsi nous pouvons contempler ces toiles intitulées : « Vieux port de Bizerte » entouré des remparts, où sont amarrées quelques barques de pêche ; « Le chemin du village » où l'on peut voir ses sentiers forestiers et étroits, entourés de part et d'autres de végétation verte ; « Sur la Colline » qui fait apparaitre ces hauts arbres encore feuillus qui font jaillir des flots de lumière. L'architecture et la vie à la Médina et les quartiers populairesdemeurent l'objet de prédilection de l'artiste qui par ses travaux voudrait fixer dans la mémoire commune les attraits de ces lieux et exprimer ainsi son attachement aux origines arabo-musulmanes et à toutes les richesses architecturales du passé. Mokhtar Hénen nous invite à voyager dans l'histoire, dans le patrimoine culturel et architectural à travers ses tableaux sur la Médina, ce lieu qui a abrité nos ancêtres et qui continue à aviver les souvenirs de pas mal d'artistes pour qui il sert aussi de source d'inspiration intarissable. Sans doute, à travers son œuvre, l'artiste veut faire passer un message : « sauvegardons notre patrimoine ! »