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Entretien: Walid Louguini, conseiller du ministre de l'Intérieur chargé des médias.. «Des brigades démantelées avant de commettre leur forfait et des plans déjoués»
2015 n'a pas été une année facile pour la Tunisie sur le plan sécuritaire : de l'attentat du Bardo à celui de l'Impérial, pour finir avec l'attentat du bus contre la Garde présidentielle, cette année a été marquée par le sang. Cependant, et malgré ces douloureux attentats, les forces de l'ordre accomplissent des opérations sécuritaires réussies permettant au pays d'éviter le pire. Bien que le ministre de l'Intérieur ait choisi une stratégie de communication plutôt discrète, son conseiller chargé des relations avec les médias, Walid Louguini, a bien voulu nous recevoir pour un entretien où il met les points sur les i sur certains sujets et où il nous dévoile les détails des dernières opérations sécuritaires. -Le Temps: Le ministère a accompli des opérations sécuritaires réussies ces dernières semaines, cependant, certains se demandent pourquoi ces opérations surviennent presque toujours aux lendemains des attaques terroristes. Comment expliquez-vous cela ? Walid Louguini:Au cours de cette année, nous avons sauvé le pays d'une catastrophe. Avant-hier, nous avons réussi à démanteler une brigade terroriste qui planifiait plus de quatorze attentats dans différentes régions du pays. Cette brigade a donc été arrêtée avant qu'elle ne commette d'attentat et il ne s'agit nullement d'un cas isolé. En juillet dernier, nous avons déjoué un plan terroriste à Bizerte et à la prison d'El Mornaguia. Pendant le mois de Ramadan, nous avons déjoué d'autres plans qui visaient des postes sécuritaires au Kef, à Sidi-Bouzid et dans d'autres régions. La brigade ‘Forqan' préparait des plans bien pires que tout ce que nous pouvions imaginer et nous avons réussi à la démanteler juste avant. Notre ‘faute' était peut-être de garder toutes nos actions secrètes vu que les opérations étaient toujours en cours. Et, comme vous le savez, quand une opération est en cours, il vaut mieux ne rien dévoiler de peur de voir les terroristes exploiter nos informations en leur profit. Le devoir de réserve nous garantit plus d'efficacité. -Pouvez-vous nous en dire plus en ce qui concerne la dernière brigade que vous avez arrêtée à Kasserine ? Les membres de la brigade islamiste à Sbiba, gouvernorat Kasserine ont été arrêtés le 10 décembre. Vingt-cinq individus ont été arrêtés. Ils visaient, entre autres, des civils, des écoles primaires, des postes de police, des zones touristiques (durant le réveillon) et des marchés. Nous avons arrêté un jeune garçon âgé de quatorze ans qui comptait se faire exploser dans un poste de police... Tout cela représente des réussites du ministère de l'Intérieur. Les actions sécuritaires ont déjoué les plans noirs des terroristes et ont sauvé le pays d'une catastrophe. -Depuis l'attentat du 24 novembre dernier, le pays est sous l'état d'urgence et Tunis continue à vivre sous le couvre-feu. Vous avez effectué plusieurs descentes depuis mais vous avez aussi marqué plusieurs dépassements. Par ailleurs, plusieurs vous en veulent pour avoir profité de cette situation pour arrêter des artistes pour consommation de cannabis. Quel est votre avis ? L'état d'urgence et le couvre-feu ont été décrétés afin que l'on puisse faire régner l'ordre public. Selon les textes juridiques, quand des agents de l'ordre mettent la main sur des fraudeurs de loi, il faut impérativement que le ministère public en soit informé. Par exemple, si l'on effectuait une descente dans une demeure et que l'on y découvrait un assassinat n'ayant aucun rapport avec le terrorisme, on est obligé d'en informer le parquet. Pour les descentes, on les effectue selon les renseignements de terrain qui nous parviennent. Il y a eu un problème au niveau de la Goulette et uniquement là-bas. Et là il faut que ceux qui disent que le terrorisme n'existe pas à la Goulette comprennent que le terrorisme existe un peu partout en Tunisie. Quand une information concernant des individus suspectés d'appartenir à des groupes terroristes nous parvient, nous ne perdons pas le temps à la vérifier ; on préfère agir et effectuer la descente de peur que les terroristes ne passent à l'acte avant leur arrestation. Je rappelle bien-sûr que toutes les descentes ont été effectuées suite à une coordination avec le ministère public. Nous faisons de notre mieux pour qu'il n'y ait pas de dépassements et tous ceux qui ont en souffert peuvent aller vers la Justice. -La crise de confiance entre les forces de l'ordre et le corps des magistrats devient de plus en plus flagrante notamment suite à la libération du porte-parole d'Anssar Al Chaâria. Comment évaluez-vous les relations entre la Justice et la sécurité aujourd'hui ? Les terroristes misent sur la division entre les différentes institutions de l'Etat pour mieux se propager. C'est pour cela que l'on refuse d'entrer en conflit avec le corps des magistrats et que l'on respecte toutes les décisions judiciaires. On est sûrs et certains que la Justice tunisienne fait de son mieux pour l'intérêt du pays. Il existe des pages Facebook qui ne font que publier des choses qui visent à accentuer cette crise. Ce sont des pages dirigées par des terroristes et cela explique tout. Ils tentent aussi de créer une crise entre les institutions de l'Etat et la société civile. Cela sans parler de leur tentative de raviver la flamme du régionalisme et on a bien vu cela lors des interrogatoires des membres de la Brigade ‘Forqan'. -La région du Sahel, et plus spécialement Sousse, vit une sorte d'acharnement de la part du terrorisme. Sur l'un des rapports des brigades arrêtées, on lit que le but est de pousser les tensions régionalistes. Où en est-on aujourd'hui ? Les menaces terroristes pèsent encore sur toute la Tunisie. Après les dernières découvertes des dépôts d'armes à Sousse et dans les autres régions, nous sommes certains d'avoir empêché plusieurs attentats. De plus, les enquêtes sont en train d'avancer, ce qui va nous permettre d'avoir de l'avance par rapport aux cellules terroristes dormantes qui sont un peu partout dans le pays. Mais, et malgré cette réussite, n'oublions pas que nous vivons une grande et longue guerre contre le terrorisme et on n'est pas les seuls ; dix-sept pays du monde se trouvent dans la même situation que nous. Quelques-uns de ces pays, à l'instar de la France, des USA ou encore de la Grande-Bretagne, possèdent des moyens techniques et logistiques impressionnants et cela ne leur épargne pas d'être ciblés par le terrorisme. Dans notre cas, nous travaillons afin que nous ayons le moins de dégâts possible. -Daech se trouve à soixante-dix kilomètres de chez nous selon le chef du gouvernement. A quel point cette donnée menace notre Etat ? Toutes les enquêtes relatives aux attentats du Bardo et de l'Impérial, sans oublier celles qui concernent la brigade ‘Froqan', indiquent que le danger provient de la Libye vu la situation qui y règne. Donc, on est en train d'étudier ce danger et l'une des décisions sécuritaires prises est la construction du mur isolateur au niveau des frontières tuniso-libyennes. Par ailleurs, la participation de la Tunisie à la coalition mondiale contre Daech est en train de nous aider énormément vu que l'on dispose d'informations fournies par différents systèmes de renseignements. -Le chef du gouvernement a parlé de trois mille nouveaux recrutements ausein du MI, est-ce qu'une date a été fixée pour cela ? Le concours sera bientôt ouvert. Nous allons respecter les consignes du chef du gouvernement en ce qui concerne les recrutements des jeunes habitants des régions intérieures et frontalières du pays. Il s'agit d'une très importante décision qui va avoir de grands et importants impacts auprès de nos jeunes. Des jeunes qui vont renouveler leur relation avec la Patrie.