Première lecture à chaud, le remaniement ministériel opéré par le Premier ministre Habib Essid, a visé la consolidation de la coalition au pouvoir. Le dosage est très précis et ciblé, le locataire de la Kasbah est allé dans le détail avec doigté et prudence calculée pour avoir la latitude de travailler dans un climat de stabilité sereine... politiquement ! Maintenant, que faut-il en déduire au cas par cas. Première grande constatation, M.Habib Essid s'est résolu a « sacrifier », le ministre courageux des Affaires religieuses, pour apaiser Ennahdha et ses « faucons » totalement montés contre le Cheikh Othman Battikh. Certes, le Premier ministre a amorti le choc, en laissant entendre que l'ancien ministre serait de nouveau le « Mufti de la République », façon de sauver un peu la face de la crédibilité de l'Etat « civil », seul protecteur de l'identité musulmane spécifique de notre pays. Mais, le fait est là, Ennahdha, tout en finesse, cette fois, après une campagne musclée en faveur de l'Imam Jaouadi, de la Mosquée Sidi Ellakhmi à Sfax, a fini par avoir gain de cause et la peau du ministre Battikh intraitable sur la neutralité des mosquées. Le message est, on ne peut plus clair, la centrale islamiste tient au contrôle d e l'espace religieux et identitaire et toute cette « fable » sur Ennahdha « parti civil », à l'image des partis de la démocratie chrétienne en Europe n'est qu'une sorte de «peau d'ours » commercialisée aux naïfs potentiels de ce pays. Nous fermons la parenthèse. Maintenant, au nouveau ministre des Affaires religieuses de nous dire de quelle sauce notre « identité islamique » sera-t-elle arrosée !... Wait and see ! But take care ! Le deuxième volet du remaniement est en rapport avec le climat social. Là encore, l'ancien ministre des Affaires sociales M. Ammar Younbaï, paye les frais d'une année 2015, chahutée au plus haut point, par la mobilisation syndicale excessive, au vu des difficultés économiques et des menaces sécuritaires du terrorisme ascendant. M. Younbaï, connu, pourtant, pour être proche de l'UGTT, a été malheureusement, souvent débordé. Il a subi comme le pays le harcèlement intensif des bases syndicales, qui s'est installé dans la durée au-delà de ce qui était supportable par une économie fragilisée avec des secteurs sinistrés et décimés comme les mines, le Tourisme et surtout l'investissement. L'année 2015 a battu tous les records de débrayage malgré l'accalmie au niveau de la fonction publique et à un degré moindre l'Education nationale. Finalement, l' UGTT, n'a pas su préserver « son ministre », totalement, livré au charbon ardent de la revendication sociale. L'arrivée de M. Mohsen Hassen, du parti de M. Slim Riahi, très libéral et méthodiquement conciliant et apaisant pourrait s'avérer très utile, pour restructurer en douceur le commerce « parallèle » et celui de la contrebande, avec une intégration à l'Etat de droit et aux circuits légaux. Encore, qu'à l'actif de son prédécesseur, notons la diminution remarquable de l'inflation ramenée de 5,3% à 4,1%, ce qui n'est pas négligeable, bien que le phénomène de la déflation et l'importance de l'offre des denrées alimentaires, supérieure la demande, y soit pour quelque chose. Le maintien de certains ministres de l'infrastructure et du développement, spécialement, M. Yacine Brahim à la Coopération internationale (jugés pas assez performants) et critiqués dans la presse tunisienne, est indicative sur la volonté du Premier ministre de consolider la coalition quatri-partite au pouvoir, alors, que nous sommes à l'aube d'une étape cruciale pour la mise en œuvre du plan 2016/2020. Par conséquent, le Premier ministre et la signature discrète de la griffe présidentielle de BCE à Carthage, a joué plutôt la continuité et la stabilité au détriment du buzz et de l'apparat. C'est donc, beaucoup plus une mise au point gouvernementale technico-politique qui vise l'efficacité et le soutien de la coalition majoritaire, qu'un exercice forcé de « changement radical », inapproprié dans l'étape actuelle. Je pense que le Premier ministre a visé juste dans la mesure où le pays a été suffisamment « tripoté » et traumatisé depuis les gouvernements successifs des transitions post-révolutionnaires. Plus que jamais, nous avons besoin en ce moment de calme, de stabilité et de sérénité sur tous les plans et spécialement le front social et sécuritaire pour repartir vers l'avant. Reste maintenant à passer à la vitesse supérieure au niveau de la dynamique économique, l'investissement et le développement régional. Le vrai examen de l'étoffe ministérielle et gouvernementale commence maintenant ! K.G