Le chef du gouvernement a convié ses ministres à le rejoindre, demain samedi, pour une réunion qui bien qu'on insiste pour la décrire comme ordinaire et périodique, n'en est pas moins, assez particulière, pour le moins qu'on puisse dire. En effet, Habib Essid a décidé d'organiser, demain samedi, une réunion ministérielle, une fois n'est pas coutume, à Hammamet. Et comme pour susciter encore plus la curiosité et la suspicion des observateurs quant à l'éventualité que cette réunion soit assez extraordinaire, non seulement de par son lieu, mais aussi, de par l'ordre du jour qu'elle pourrait avoir, les services de communication de la présidence du gouvernement se sont empressés d'annoncer que cette réunion n'a rien d'extraordinaire et qu'elle est périodique, mais que toutefois, elle verra la tenue d'une séance « d'évaluation » du travail du gouvernement. Ce qui n'a pas manqué de raviver les bruits et chuchotements de couloirs, dans le sens, qu'il allait, très probablement, y avoir ne serait-ce qu'un petit remaniement ministériel partiel. D'ailleurs, et d'un autre côté, les observateurs ont pu noter, ces derniers jours, des mouvements de coulisses assez insistants, notamment de la part des membres d'Ennahdha qui ont commencé à multiplier les assauts médiatiques pour fustiger les mesures prises par le ministre des affaires religieuses, Othmen Battikh, envers leurs protégés, les Imams extrémistes dont Noureddine Khademi, Ridha Jaouadi, Bechir Hassen et consorts. Les leaders d'Ennahdha ont trop violemment réagi à ces limogeages de leurs prêcheurs favoris, qui ont su s'incruster dans le milieu des mosquées à très haut risque, et s'illustrer comme de redoutables promoteurs du Jihad et autres formes d'extrémisme religieux. Leur réaction a été tellement prompte et vigoureuse qu'on en vient à se demander si le gouvernement n'a pas finalement mis le doigt dans l'engrenage qu'il ne fallait pas, ou s'il n'a pas touché au principal fond de commerce des islamistes, fond pour lequel ils ont, en apparence, délaissé le pouvoir, pour mieux le reprendre en partant à la reconquête des fidèles, en prévision des prochaines échéances politiques. D'ailleurs, et en rapport avec la réaction d'Ennahdha pour protéger ses imams prédicateurs jugés trop virulents, d'aucuns voient d'un mauvais œil l'hésitation du chef de gouvernement, voire même le camouflet dont il a gratifié son ministre des affaires religieuses, en le désavouant par rapport à la décision de limoger Ridha Jaouadi, le tristement célèbre imam de la mosquée Lakhmi de Sfax. Et c'est, entre autres, pour ces considérations, que de nombreux observateurs ne donnent pas cher de la peau du Cheikh Battikh ou de son maintien au poste de ministre des affaires religieuses, du moment qu'il a eu le tort de farfouiller dans le nid de vipères de la sacro-sainte et omnipotente Ennahdha. Donc que Othem Battikh soit déjà installé sur la rampe d'éjection du gouvernement, cela ne sera pas du tout une surprise pour certains. Et il ne manquera plus que de le remplacer par Noureddine Khademi, tant qu'on y est. Rien ne sera trop beau ni trop cher pour être en phase, et en paix, avec les maitres d'Ennahdha. Et c'est cette perspective qui donne des frissons aux observateurs qui attendront, demain, les « décisions » de cette réunion pas si ordinaire qu'on le prétend, pour connaitre, entre autres le sort de Othmen Battikh, qui aura eu le tort de s'illustrer en prenant son travail à cœur et en entreprenant les changements pour les quels, il avait compris que le gouvernement dont il fait partie avait été intronisé par la volonté du peuple. Les observateurs attendent, donc, avec une appréhension certaine, la réunion ministérielle de demain, non pas juste pour s'assurer de l'avenir du Cheikh Battikh, mais aussi et surtout pour comprendre un peu les grandes orientations de Habib Essid ou des vrais décideurs, où qu'ils soient. Car il serait très grave qu'on limoge un ministre qui a bien fait son travail, juste parce qu'il aura vexé des partenaires politiques. Car, alors, il ne faudra pas s'étonner de voir limoger le meilleur ministre du moment, Néji Jalloul, qui jouit de l'unanimité des avis favorables des tunisiens, uniquement parce qu'il aura contrecarré les sombres desseins d'un certain Mastouri Gammoudi, fier étalon de la redoutable et non moins omnipotente centrale syndicale !