Habib Falfoul est un écrivain tunisien bilingue : il a déjà à son parcours un roman en langue arabe paru en 2012, deux autres en langue française parus respectivement en 2013 et 2014. Il est également essayiste, ayant publié en 2011 un essai intitulé « la civilisation occidentale : mythes et limites » et aujourd'hui il signe son deuxième essai « La littérature tunisienne francophone » qui vient de paraître en janvier 2016 aux Editions Latrach. Ce livre traite de la littérature tunisienne d'expression française en mettant en relief ses spécificités et celles des écrivains tunisiens qui s'expriment dans la langue de Molière. A travers cette étude, l'essayiste relie la situation actuelle des écrivains tunisiens francophones à l'histoire de la langue française dans notre pays et aux statuts qui ont régi cette langue, devenue de moins en moins usitée, par la faute d'une politique éducative d'arabisation, débouchant sur un nombre de plus en plus important d'écrivains en langue arabe et une régression dans le nombre d'écrivains francophones. De même, l'auteur insiste sur le fait que les écrivains tunisiens francophones ont toujours été empreints de leur identité tunisienne et leur culture arabo-islamique, si bien qu'ils ont transmis à travers leurs œuvres écrites en français la culture authentique tunisienne, sachant qu'un bon nombre parmi ces écrivains pensent en arabe et rédigent en français, ne pouvant se détacher complètement de leur milieu arabo-tunisien. Ensuite, ces écrivains francophones ont contribué à l'enrichissement de la sphère culturelle tunisienne, à travers les thèmes de leurs écrits qui traitent de l'indépendance du pays, de la liberté de la femme, de l'immigration, de l'exil, de l'errance, de la nostalgie, du mariage mixte, de l'acculturation, de la technologie moderne... Cet intérêt accordé à l'Occident, surtout après l'indépendance du pays, a fait naitre une génération bien cultivée et bien informée sur la civilisation française, sur sa culture et sa littérature dont elle fut énormément séduite. Cependant, l'auteur insiste sur le fait que les écrivains tunisiens francophones sont essentiellement bilingues, pourtant bien ancrés dans leur contexte culturel arabo-tunisien et sont ainsi confinés dans cette dualité linguistique. S'ils préfèrent écrire en français pour relater des faits typiquement tunisiens, ce n'est pas parce qu'ils méprisent la langue arabe, loin s'en faut, mais c'est tout simplement parce qu'ils maitrisent mieux la langue de Molière. Selon Habib Falfoul, cette dualité linguistique s'explique, d'une part, par l'existence d'une identité tunisienne qui s'est forgée sur plusieurs siècles à travers les différentes civilisations qui se sont relayées sur la Tunisie et, d'autre part, cela est dû à l'ouverture de nos écrivains francophones sur la littérature française. L'auteur de cet ouvrage passe en revue les étapes par lesquelles est passée la littérature française, les courants littéraires qui se sont succédé et les grands écrivains qui ont marqué cette littérature à travers les siècles, histoire de montrer à quel point les écrivains tunisiens francophones ont étudié cette littérature à travers leurs cursus scolaires et universitaires et, par conséquent, se sont influencés par ces écrivains français et leurs œuvres, allant du Moyen-âge jusqu'au 20è siècle en passant par la Renaissance, le classicisme, les philosophes des lumières, le romantisme, le réalisme et le surréalisme. La spécificité culturelle et la langue arabe ont également fait l'objet en Tunisie de mesures visant à consolider le contexte arabo-islamique de la Tunisie dans les écoles et les universités, quoique certains individus restent tiraillés entre deux cultures. Toutefois, on remarque une certaine spécificité chez les écrivains tunisiens francophones que l'auteur classifie en deux catégories : ceux qui ont « tunisifié » le roman ou la poésie d'expression française et ceux qui sont restés « puritains » et fidèles à la langue française dans leurs œuvres. Dans les deux cas, les écrivains francophones tunisiens ont contribué à l'installation et à la consolidation de la littérature francophone en Tunisie A la fin du livre, loin de faire un inventaire de tous les écrivains francophones en Tunisie, Habib Falfoul cite quelques noms en faisant une petite synthèse sur leurs œuvres respectives (roman, poésie, essai...) et en soulignant l'apport de chacun dans l'enrichissement de la langue française et de la littérature tunisienne.