Mona Belhaj est plasticienne. Elle est reconnue, aujourd'hui, comme une artiste qui travaille essentiellement et spécifiquement, le bois. Elle a entamé sa « confrontation » avec ce matériau, il y a de cela quelques années. Elle s'est frottée aux meilleurs artistes dans ce domaine comme Ali Bellagha, mais aussi les artisans de la médina. Elle est passée par des tentatives de figurations (ronds de bosse) sur le bois ou même franchement fonctionnelles comme les meubles qu'elle a confectionnés pour les amis. Cette confrontation plurielle avec le bois a abouti à une première exposition personnelle qu'elle a tenue en 2013 à la Galerie Mille-feuilles. La deuxième exposition personnelle, celle d'aujourd'hui, se tient également dans le même espace Mille-feuilles (avril 2016). L'artiste, dans cette exposition, choisit de suivre la même voie artistique et se coltine avec le même matériau avec lequel, elle a établi des rapports suivant tantôt de friction conflictuelle, tantôt de connivence coupable. Mona Belhaj utilise dans son travail aussi bien le bois aggloméré que le bois naturel de l'hêtre ou de l'acajou. Transformer le bois plat ou massif n'est pas toujours facile. Le bois même « tendre » exige un effort pour graver, pour travailler au burin, au rabot ou au ponçage. Le bois peut être, en outre, tourné ou sculpté ou même peint. Dans sa première expérience l'artiste a apprécié le bois comme matériau pouvant se constituer en réceptacle de l'action de l'artiste de transformer sa surface ou son volume à travers des lignes, des stries, des bas-reliefs... ou des couleurs. L'artiste a su, ainsi unifier la vie au bois et une nouvelle configuration de telle manière que le bois ainsi traité est devenu artistique et qu'il acquiert une plasticité aussi intense qu'un tableau parcouru de lignes, de couleurs dans un certain ordre assemblé comme le disait Maurice Denis. En conclusion, d'un point de vue plastique, les allusions aux textiles est à une transmutation des mouvements de fibres sensibles à des mouvements graphiques abstraits, est le chemin emprunté par l'artiste et ceci indépendamment des prétextes invoqués et qui sont de l'ordre nostalgique et poétique. Le résultat semble être une réponse de la mémoire de la trace conjugale au présent. Houcine TLILI 3 questions à...« ... Poser, une à une, les sculptures de celles qui, désormais, seront mes Déesses » Le Temps : Qu'en est-il du travail développé, aujourd'hui, dans votre deuxième exposition ? Mona Belhaj : Au départ, le but du jeu était de creuser dans le bois des stries, avec le burin. Un jour, ces stries se sont mises à ressembler aux franges d'un tapis. De là, est né le thème de la première exposition personnelle, en mai 2013. Un libre parcours qui m'avait fait remonter le temps pour retrouver le langage universel des signes et autres graphismes que l'on trouve sur les tapisseries tunisiennes, et plus particulièrement sur celles de Gafsa et de Gabès. Aujourd'hui, les signes ont déserté les tableaux gravés. Les stries ont repris de leur superbe et ont pris le pari de porter à elles seules le projet : celui de retourner à la source et faire abstraction de tout ce qui peut détourner notre attention du tissage en soi. Cette fois-ci, encore, vous parlez de tissage ? Du tissage, oui, mais dans sa forme la plus abstraite. Fil à fil, la trame du tissage est retrouvée : des stries sont creusées au burin comme autant de fibres sensibles, qui s'entremêlent et s'entrelacent, qui se souviennent des étoffes aux chuchotements tendres et parfois coquins. Les costumes anciens, qui, avec le temps, se sont effilochés. Car, ils ont vécu. Qu'on n'a plus voulu porter sur soi par peur de les perdre à jamais. Qu'on a accrochés, ici ou là. Comme pour porter aux nues un passé qui n'est plus, mais qui laisse toute la tendresse du monde derrière lui. Qui parle de tissage, souvent pense aux noces et à ses festivités. Sept jours et sept nuits. Et l'histoire ancienne se mélange aux légendes. La « monstrance » (Jalwa) un héritage de la déesse carthaginoise Tanit, qui va ainsi, veiller à la fertilité de la jeune mariée. Dès lors, il devenait évident, qu'il me fallait emprunter le sentier du souvenir et comme autant de jalons, poser, une à une, les sculptures de celles qui, désormais, seront mes Déesses ». Y a-t-il un avenir à votre connivence - confrontation artistique avec votre matériau fétiche du bois ? Bien évidemment, le bois reste important pour moi. J'ai bien envie de continuer la connivence/confrontation amicale, avec le bois. L'exploration du bois n'est pas encore terminée. J'ai beaucoup d'autres projets pour lesquels j'ai commencé les recherches et les ébauches d'envergure. Ces projets vont voir des grandes réalisations monumentales aux objets les plus petits, des installations aux objets design.