Le changement, très important, intervenu dans la configuration des blocs représentés au sein de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) suite aux divers flux migratoires et à ce phénomène de nomadisme parlementaire consistant à des démissions en cascades, à la formation de nouveaux blocs et à des permutations. Le dernier communiqué du Bureau de l'ARP rendant publique la nouvelle physionomie de l'Assemblée est passé inaperçu et n'a pas suscité de sérieuses réactions ni commentaires malgré l'ampleur de la métamorphose desdits blocs qui, en d'autres temps, aurait, sûrement, eu l'effet d'un séisme. Mais la domination de la scène nationale par cette affaire de Panama papers qui tarde à constituer vraiment une affaire au vu des révélations à caractère mineur, jusque-là malgré le tollé soulevé par l'apparition du nom de Mohsen Marzouk en tant que premier cité sur la liste des personnalités tunisiennes, alors que la publication du nom de Samir Abdelli, pourtant candidat à l'élection présidentielle en 2014 n'a pratiquement pas eu les effets voulus. Et d'un. Et de deux, le parti d'Ennahdha, devenu la première formation à l'ARP, de par le nombre de députés, a observé un silence total et curieux, continuant, ainsi, de suivre la même attitude de profil bas et ne recherchant nullement à exploiter l'avantage que devrait lui procurer, normalement, son nouveau statut de premier parti du pays. Il faut dire qu'après la victoire de Nidaa Tounès aux élections législatives de 2014 et ses 17 sièges d'avance sur son poursuivant immédiat, Ennahdha (86 contre 69), personne ne croyait à un tel remue-ménage. Et même lorsque la crise battait son plein au sein de Nidaa en fin d'année passée, les observateurs n'ont jamais imaginé qu'on pouvait en arriver là ! S'il est évident que, même en tant que nouveau premier parti du pays, le mouvement Ennahdha n'est pas en mesure de former un gouvernement de coalition, il aurait pu réclamer une part autrement plus importante dans la répartition des portefeuilles ministériels. Mais il ne l'a pas fait. Il y a eu, juste, la voix de Mohamed Ben Salem, ex-ministre nahdhaoui de l'Agriculture sous la Troïka, qui a évoqué la « faible représentativité de son parti au sein du gouvernement actuel d'Habib Essid malgré son nouveau poids législatif... ». M. Ben Salem dit que « le pouvoir et les postes ministériels ne sont pas la priorité de son parti» présentant comme argumentation le partage de ce même pouvoir après la victoire massive en 2011. Ceci est faux dans le sens où le parti islamiste n'avait tout de même pas la majorité absolue et était tenu de recourir à des coalitions, d'où la naissance de la célèbre et controversée Troïka. D'ailleurs, on ne compte pas les multiples déboires qu'elle a engendrés. Or, par les nouveaux temps qui courent, Ennahdha semble ne pas vouloir pousser le bouchon trop loin et préfère rester loin des lumières sachant qu'il est bien au pouvoir à travers l'Assemblée des représentants du peuple où il dicte sa loi sans oublier les coulisses où il est passé maître dans l'art de tirer les ficelles dans la mesure où on constate l'empreinte de ce parti dans pratiquement toutes les décisions, surtout celles cruciales. C'est dire que la réaction d'Ennahdha était attendue, mais ce qui étonne plus d'un, c'est que cette métamorphose s'est passée comme si de rien n'était. Comme si c'était courant que les rangs, entre le premier et le second soient aussi, aisément, inversés. En effet, l'absence de réaction chez les médias et les réseaux sociaux sur ce point laisse perplexe. Des faits beaucoup moins importants que celui-ci au niveau d'un simple parti ou d'ordre social ou encore même un simple fait divers ont créé le buzz sur la toile et provoqué l'organisation de nombreux plateaux radiotélévisés. C'est peut-être l'absence de réaction ou même du moindre commentaire de la part des responsables d'Ennahdha qui se trouve derrière l'indifférence de l'opinion publique. On imagine, effectivement, le branle-bas qui aurait été soulevé si le parti islamiste avait réclamé quoi que ce soit. Mais une lecture du dernier graphique des listes des différents blocs parlementaires fait ressortir certaines remarques quant à la solidité des uns et la fragilité des autres. On constate, en effet, que le parti Ennahdha n'a connu aucune déficience – même du temps de la précédente Assemblée nationale constituante (ANC). Et c'est une grosse performance en soi en comparaison au « tourisme » partisan enregistré chez les autres formations politiques. Pas que cela. On n'a jamais entendu des propos dissidents, on n'a jamais entendu une voix critiquer publiquement la marche de ce parti ou un membre souligner un différend avec un autre. Ceci nous rappelle les anciens partis au pouvoir dans les pays du bloc socialiste de l'Est. Bien entendu, les dirigeants nahdhaouis répètent à qui veulent bien les entendre, qu'à l'intérieur du parti tout se passe démocratiquement, mais qu'une fois une décision est prise par vote démocratique, personne n'a plus le droit d'ouvrir la bouche en dehors des enceintes et des structures du parti. C'est exactement ce qui se passait dans les partis communistes et autres dans certains pays à régime autoritaires, y compris la Tunisie. D'ailleurs, ceci nous amène à parler du Front populaire qui, lui aussi, reste, en apparence, uni et sans aucune voix discordante, gardant ainsi, intacte sa formation de quinze élus à l'ARP. Et chez ce Front, on n'a jamais entendu quelqu'un faire la moindre critique publique. Le linge sale, s'il y en a, on le lave en catimini. Par contre, l'Union patriotique libre (UPL) semble emboîter le pas à Nidaa en matière de crise avec la récente cascade de démissions et de « chamailleries » allant jusqu'à parler de fusion avec un parti beaucoup plus petit, du moins de par la représentativité au sein de l'ARP. Dire que ce parti suit le rythme de l'évolution du Club Africain, il n'y a qu'un pas que certains n'ont pas hésité à franchir dans le sens où le président de l'UPL n'a, selon ces voix, aucun passé ni expérience de la politique politicienne, condition sine qua non pour réussir dans la jungle partisane. En attendant l'évolution de ce paysage et s'il n'y a pas la naissance de cette probable entente entre Nidaa et le MPT de Mohsen Marzouk qui, tous les deux, parlent d'un front électoral avec d'autres partis, dont probablement Afek Tounès, on voit mal qui pourra tenir tête à la discipline de fer d'Ennahdha, surtout si cette rigueur est confirmée lors de son prochain congrès. En effet, tout le monde s'accorde à mettre en exergue l'importance et le caractère crucial du futur scrutin municipal pour fournir le poids réel et l'importance de chacun des partis, ce qui pourrait être déterminant, voire décisif, pour les élections législatives de 2019. Une échéance qui paraît lointaine, mais les politiciens avertis nous diront que c'est...demain !