Après dix-sept ans passés à la tête de l'espace Sophonisbe de Carthage, Mohsen Ben Abdallah prend sa retraite qui sera studieuse puisqu'il met actuellement la dernière main à un livre qu'il consacre à Aly Ben Ayed, son compagnon de route... Par ailleurs, plusieurs hommages devraient être prochainement rendus à celui qui a longtemps dirigé le Théâtre municipal de Tunis. Mohsen Ben Abdallah revient juste du Maroc où il a été invité à participer à la célébration dédiée récemment à Taieb Seddiki, grand artiste international et ami de la Tunisie. S'exprimant à cette occasion, il a rendu hommage à celui qui fut l'un des compagnons de route du théâtre tunisien des années soixante. A cet égard, la mémoire de Ben Abdallah est infaillible. Il se souvient précisément de ce 31 juillet 1964 lors de l'ouverture du festival international de Hammamet. Cette ouverture avec "Othello" de la Troupe de la Ville de Tunis (TVT) coïncidait avec l'inauguration du théâtre de plein air du centre culturel international de Hammamet. Une des racines de la vie théâtrale Ils étaient tous présents et "Othello" mis en scène par Aly Ben Ayed prenait les allures d'une grande co-production internationale. Avec Jamil Rateb dans le rôle d'Othello et Ben Ayed dans celui de Iago, ils étaient venus de tous les horizons à l'image de la Libanaise Tea Rassi ou de l'Algérien Abdelkader Farah. Ce dernier était le chargé des décors de la pièce et menait alors sa barque du côté du Royal Shakespeare Theater de Londres. Tout en jouant un rôle mineur dans cette création tuniso-britannique, Mohsen Ben Abdallah avait été l'assistant du maître d'armes britannique qui avait réglé les scènes de combats à l'épée de la pièce. Ben Abdallah venait de commencer en 1962 un long parcours avec la TVT, un chemin d'art et de responsabilité qui ne s'achèvera qu'en 1999. Comédien à la TVT, Ben Abdallah enseignait également le théâtre au collège Sadiki où il sera l'initiateur des Mohamed Driss, Raja Farhat, Abderraouf Basti et autres Raouf Ben Amor. Par ailleurs, il enseignait le mime au conservatoire de la rue Jemaa Ezzitouna et n'hésitait pas à parfaire sa formation comme lorsqu'en compagnie du regretté Abdelmajid Lakhal, il fréquenta l'Université du Théâtre des Nations et côtoya Jean Vilar ou Vittorio Gassman. Comédien pendant une dizaine d'années, Mohsen Ben Abdallah a assumé les responsabilités de directeur de la TVT, la plus importante de nos troupes théâtrales à l'époque, entre 1972 et 1975. A l'origine de plusieurs créations de cette compagnie, il sera ensuite nommé directeur du Théâtre municipal de Tunis et le restera de 1976 à 1999. Un bail qui fut l'une des plus belles périodes de ce théâtre, celle qui vit opéras italiens, comédies françaises ou artistes tunisiens peupler une Bonbonnière qui allait vers son siècle d'existence. Du Théâtre municipal à l'espace Sophonisbe Après son départ du Théâtre municipal, Mohsen Ben Abdallah poursuivra sa longue carrière à la tête de l'espace Sophonisbe de Carthage pendant dix-sept ans, de 1999 à 2016. Samedi dernier, il organisait sa dernière grande exposition en conviant Aouatef Bejaoui Arfaoui à présenter ses oeuvres issues d'une collection intitulée "Tounès". Pendant ces années passées à Sophonisbe, Ben Abdallah a toujours gardé ouverte la porte de l'espace aux créateurs, aux artistes et aux jeunes. Plusieurs chorales, des ateliers de peinture, des conférenciers et des artistes de tous horizons ont donné à Sophonisbe des couleurs et un relief appréciables dans notre panorama culturel. En ce mois d'avril 2016, Mohsen Ben Abdallah s'apprête à quitter l'espace culturel de Carthage mais, toujours actif, disponible et engagé, s'apprête à faire paraître un livre de témoignages sur Aly Ben Ayed tout en continuant à animer des cercles de théâtre amateur faisant profiter les jeunes des quartiers populaires de sa longue expérience. Plusieurs hommages en perspective Toujours d'aplomb, efficace et connaissant sur le bout des doigts l'histoire culturelle de la Tunisie contemporaine, Mohsen Ben Abdallah est un témoin essentiel de la scène culturelle tunisienne. A l'image d'un Omar Khlifi ou d'un Moncef Charfeddine, il est la mémoire vivante d'un passé encore proche. Nul doute que sa longue carrière inspirera les jeunes d'aujourd'hui et soulignera la fidélité d'un homme à ses choix artistiques et éthiques. Pour l'heure, ils seront plusieurs à rendre un hommage mérité à Mohsen Ben Abdallah dans les prochaines semaines, à l'image des Anciens de Sadiki, du ministère de la Culture, de la Ville de Tunis et bien sûr de la Ville de Carthage où ce grand homme de culture a achevé une carrière placée sous les signes conjugués de l'excellence et de l'engagement.