La Bibliothèque diocésaine de Tunis (BDT) poursuit ses activités sous la férule du père Marc Léonard, conservateur et animateur des lieux avec Nadia Djellouli. Pour cette saison, la BDT a axé ses rencontres et conférences autour de deux thèmes principaux, à savoir "Connaissance de Saint-Augustin" et "Transversales". Les deux cycles complémentaires organisés à la BDT sont venus confirmer les orientations prises en 2014 autour des questions de la diversité et de l'héritage. En effet, la BDT a dans les années antérieures entamé une réflexion en profondeur sur les questions des racines multiculturelles de la Tunisie et organisé également un séminaire ayant pour thème les sources latines. Interdiciplinarité et interculturalité Pour 2016, c'est le cycle "Transversales" qui regroupe plusieurs réflexions sur les questions contemporaines, qui constitue l'articulation principale des activités intellectuelles de la BDT qui, par ailleurs, cultive une tradition d'hospitalité dont bénéficient plusieurs associations de jeunes à l'image du club Carthagena et d'autres. Pour "Transversales", un cycle qui privilégie interdisciplinarité et interculturalité, les conférenciers ont eu les profils les plus divers, allant de Mohamed Aziz Ben Achour, venu évoquer la question du pouvoir dans le monde arabe à Nelly Amri qui a donné une magistrale conférence sur Sidi Bou Said. Récemment, le cycle de rencontres accueillait Alfonso Campisi qui a donné des éclairages sur la communauté sicilienne de Tunisie. Par le passé, la BDT a accueilli Habib Ben Younés ou Hamza Essadem qui ont décliné divers aspects du patrimoine tunisien qu'il soit archéologique ou médical. Prochaine invitée de la BDT, le 5 mai, Najet Abdelkader Fakhfakh parlera de l'histoire et de la cause des femmes en Tunisie. Prenant appui sur son ouvrage "La liberté en héritage", Fakhfakh évoquera les femmes illustres de Tunisie tout en parlant du combat contemporain des Tunisiennes. Prolégomènes pour la pensée augustinienne C'est toutefois le cycle augustinien qui constitue la plus grande nouveauté dans les activités de la BDT. Après avoir consacré l'année 2015 aux héritages latins de Tunisie, c'est au tour de la vie et l'oeuvre de Saint-Augustin d'être abordés dans le cadre d'un cycle de conférences. En effet, le cycle "Héritages latins de Tunisie" s'était d'abord intéressé à Terence, Apulée ou Tertullien, avant de se tourner vers Saint-Augustin. Après une conférence initiale faisant la liaison entre littérature latine classique et littérature chrétienne, c'est le père Jean Fontaine qui présenta une conférence sur Saint-Augustin et la culture maghrébine. Fontaine a ainsi expliqué la genèse de la pensée augustinienne mais aussi sa situation en prise profonde avec le Maghreb de son époque. Cette réflexion a été approfondie le 21 avril par une tout aussi brillante conférence de Dominique Martinet, responsable de Via Augustina. Ce dernier a suivi les pas d'Augustin de sa jeunesse à sa maturité. Devenu un évêque "sans frontières", Augustin a en effet sillonné l'est de l'Algérie, le nord de la Tunisie mais aussi l'Italie. Martinet a tenté de rendre compte de ces pérégrinations tout en analysant la structure de la route romaine qui reliait Cirta, l'actuelle Constantine, à Carthage. Une conférence passionnante qui a permis de suivre les pas de Saint-Augustin tout en comprenant bien les axes de circulation de son époque. Martinet qui balise en ce moment les chemins qu'empruntait Augustin a étudié toutes les routes alternatives qui reliaient la Tunisie à l'Algérie et qui demeurent de nos jours encore les grands axes qui se sont substitués à la route romaine. Cette introduction à Saint-Augustin sera complétée le 26 mai prochain par une conférence de Liliane Ennabli qui évoquera la Carthage de Saint-Augustin. Très topiques, les trois premières conférences du cycle cherchent en effet à situer Augustin dans son topos et mettre ce grand homme en situation afin de pouvoir aborder son oeuvre d'une manière plus documentée. Une bibliothèque pour les sciences de la religion Ce sont ainsi des prolégomènes à la pensée augustinienne qui permettront d'envisager l'oeuvre proprement dite à l'automne prochain. Ces approches augustiniennes sont en tous cas remarquables car, comme le soulignait Jean Fontaine, elles sont rares et permettent de retrouver l'essence d'une pensée centrale, d'une racine profonde de la modernité. La BDT continue par ailleurs son travail de fond et propose à ses lecteurs un fonds de livres ayant trait aux sciences de la religion. Essentiellement francophones, ces ouvrages permettent de retrouver toutes les traditions religieuses - surtout islamique et chrétienne - au sein d'une même bibliothèque très appréciée par les chercheurs et située rue Sidi Saber, en plein coeur de la médina.