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Les objets ont leur symbolique
Publié dans Le Temps le 28 - 04 - 2016

Badreddine Ben Henda est enseignant de littérature et civilisation françaises à l'Université tunisienne. Il est l'auteur d'une thèse de Doctorat sur Vercors, l'auteur du Silence de la mer. Mais la plupart de ses travaux de recherche portent sur l'œuvre de Gustave Flaubert. Grand admirateur et fervent passionné de ce grand écrivain du 19è siècle, Ben Henda lui consacre aujourd'hui un livre pour aborder une question à laquelle jamais un lecteur ordinaire n'aurait pensé, à savoir les objets dans l'œuvre de Flaubert ; un sujet vu surtout d'un œil académique. En effet, le lecteur de « Madame Bovary » ou de « L'éducation sentimentale » ou même d'un autre ouvrage de Flaubert pourrait bien apprécier l'œuvre et savourer le style de l'auteur, mais sans jamais se soucier de la dimension symbolique des objets mentionnés par l'auteur.
En effet, ce livre traite du symbolisme des objets cités par l'auteur dans ces romans : rien n'est mentionné par hasard dans l'œuvre de Flaubert. Ben Henda a puisé dans les différents ouvrages de cet auteur pour extraire tous les objets qui ont une connotation spécifique renvoyant à cette époque, à la classe sociale des personnages et à leurs relations professionnelles, familiales et affectives. En effet, une montre, une pendule ou une horloge, ou encore un miroir, un piano, une armoire ou des chaussures pourraient passer inaperçus pour un lecteur distrait ou peu concentré, mais chez Ben Henda chacun de ces éléments fait l'objet d'une étude, d'une analyse minutieuse afin de montrer à quel point tel ou tel objet correspond à un état psychologique du personnage, à ses rapports avec les autres et à la conjoncture sociale et économique de l'époque. Aussi peut-on lire dans la quatrième de ce livre : « Dans tous ses écrits, Flaubert ne montre aucune complaisance en jugeant ses contemporains. Ses nouvelles et romans ainsi que sa Correspondance et son Dictionnaire des idées reçues sont autant de réquisitoires contre les mœurs de son temps et contre la bêtise des hommes d'une manière générale. Le présent ouvrage s'efforce, dans chacune de ses parties, de souligner cette portée éminemment critique de l'œuvre entière... » Oui, les exemples donnés par Ben Henda proviennent de plusieurs œuvres de Flaubert, notamment « Madame Bovary », «L' Education sentimentale », « Un cœur simple », « Trois contes », « Bouvard et Pécuchet » qu'il avait lues et relues, mais aussi il a dû se référer à des études antérieures consacrées à l'œuvre flaubertienne.
Symbolisme des objets chez Flaubert
Pour revenir au symbolisme des objets et des meubles figurant dans les romans de Flaubert, nous dirons que si l'auteur de ce livre propose de traiter de l'importance des objets (horloges, miroirs, chaussures...) dans l'œuvre de Flaubert, ce n'est pas pour se livrer à une simple constatation de la présence de ces objets dans l'ensemble des romans et d'en faire l'inventaire. Loin s'en faut ! Son propos consiste à parler de ces objets particuliers dans la mesure où ils attestent d'un contexte bien déterminé de l'époque et d'une attitude singulière des personnages dans les différents ouvrages. Ces objets sont donc abordés à l'intérieur de la société, mais aussi à l'intérieur du foyer bourgeois. C'est dans ce contexte que l'auteur cherche l'importance et le symbolisme des objets dans l'œuvre flaubertienne. C'est que souvent, les sentiments intérieurs des personnages s'extériorisent et se concrétisent à travers les objets. Vus sous cet angle, les objets n'y sont plus de simples éléments fonctionnels et utilitaires. Tout en gardant leur contexte habituel, ils ont l'air d'avoir une nouvelle fonction, de jouer un rôle important : en définitive, les objets sont de véritables personnages. En voici quelques exemples donnés par l'auteur qu'on peut lire en page 46 : « Dans l'Education sentimentale, Flaubert attribue ce rôle d'horloge humaine à Regimbart dont la ponctualité est exemplaire, mais qui n'est pourtant pas au rendez-vous le jour où Frédéric a terriblement besoin de lui. Félicité, l'héroïne d'Un Cœur simple, fonctionne elle aussi comme une horloge. Bien que vivant presque hors du temps (« A vingt-cinq ans, on lui en donnait quarante. Dès la cinquantaine, elle ne marqua plus aucun âge »), la servante de Mme Aubain a les gestes mesurés et ressemble à une « femme en bois, fonctionnant d'une manière automatique ». Autour d'elle, tout est réglé comme une montre. » Peu avant, en page 40, l'auteur cite un autre exemple du roman Bouvard et Pécuchet, soulignant le fin rapport entre cœur et horloge : « Le tic-tac de l'horloge lui (à Pécuchet) rappelait les battements de son cœur ». Autres exemples, le lit, chez les Bovary, joue le rôle d'un régulateur de la vie sexuelle du couple, comme on peut lire en page 56 : « Plus tard, non plus, le lit conjugal ne sera jamais l'espace d'une quelconque plénitude pour Emma. Au contraire, celle-ci finit par en chasser Charles et par déserter sa chambre pour bien d'autres couches adultérines... » Les tables, les chaises et les assiettes sont autant d'objets qui rappellent les repas somptueux et les dîners mondains chez la bourgeoisie du 19è siècle. Les cérémonies alimentaires qui réunissent beaucoup de monde de différents caractères, où la table et le couvert qui font partie d'un décor luxueux, pourraient être à l'origine de discorde : « Au sein du couple Bovary, la table n'est jamais le lieu d'une communion familiale. A l'instar d'autres objets de leur décor domestique, la table témoigne de la désunion qui s'installe dès les premiers jours de mariage entre Emma et Charles. Les heures de repas ne sont pas vécues comme des moments heureux que par ce dernier qui croit que son foyer et son épouse ne manquent absolument de rien. Charles ne rentre, du reste, que pour se mettre à table et tenir les discours les moins compatibles avec les humeurs et les rêves de sa femme... (pp.71-72)
En effet, le comportement de Charles envers sa femme Emma nous rappelle qu'à cette époque, le XIXe siècle, l'objet prend une importance accrue à cause du commencement de l'ère industrielle, la priorité étant de fournir son foyer ou meubles les plus riches qui puissent exister sur le marché et par là même satisfaire les caprices et les besoins des siens, pour se faire distinguer dans la société. Avec l'acquisition d'un maximum d'objets, même superflus, revêt un sentiment de sécurité et en assure la respectabilité. Toujours est-il que la possession de ces objets est synonyme de richesse et de bien-être. Chez le bourgeois donc, l'accumulation des objets, c'est d'abord la réussite sociale mais aussi un besoin humain qui cherche à s'accomplir. Ce besoin de stabilité, de permanence, de sécurité. Chose que Flaubert, tout en restant neutre et impartial, a bien montré dans l'ensemble de son œuvre en assimilant à chaque objet son rôle à jouer et son influence sur les lieux, les personnages et les rapports qu'ils entretiennent.
L'être et le paraître au 19è siècle
Cependant, Gustave Flaubert ne cache pas son point de vue sur son époque. C'est surtout dans sa Correspondance et dans son Dictionnaire des idées reçues qu'il s'exprimait sur les questions de son temps : « Je déteste fort mes semblables et ne me sens pas leur semblable...Je suis sûr d'ailleurs que les hommes ne sont pas plus frères les uns aux autres que les feuilles des bois ne sont pareilles, a-t-il confié à Louise Colet en 1853. (p.222) Ce sont donc les valeurs bourgeoises qui prévalaient à cette époque où on accordait plus d'importance à l'argent, au statut social et aux apparences matérielles plus qu'aux valeurs morales,intellectuelles et spirituelles ; en d'autres termes, le « paraitre » le remportait sur l'« être ». L'auteur de cet ouvrage a consacré à cette question primordiale la troisième partie de son livre, intitulée : « Etre ou avoir, thatis the question » où l'on peut lire : « Chez les riches et les moins riches, la maladive tendance à l'ostentation dissimule en réalité une indigence profonde et grave : il s'agit de leur affligeante pauvreté spirituelle. Frank Evrard et Bernard Valette mettent le doigt sur cette tare « honteuse » du bourgeois flaubertien : « Révélateurs d'une certaine société, ou plutôt de la décadence morale de cette société, les signes de l'opulence tentent de dissimuler le vide inhérent à la pauvreté intérieure des personnages : la plénitude du paraitre ne parvient pas à masquer l'absence totale de l'être. » (p. 241). Pour mieux concrétiser cette idée, l'auteur écrit en conclusion : « Pour Flaubert, il y avait péril en la demeure face aux flots de médiocrité qui submergeaient la société de son temps, société qu'il peint sous l'aspect d'une jungle de prédateurs dont les individus ne sont mus que par des instincts bassement matérialistes. Son combat de tous les instants contre la bêtise bourgeoise, contagieuse et mortelle pour l'intelligence et la création, est mené de front, dans chacune de ses œuvres et dans sa volumineuse correspondance. » (p. 294)
Un livre bien écrit où références et citations abondent avec beaucoup d'annotations en bas des pages et qui servira d'un grand apport pour nos étudiants désireux d'explorer plus profondément le monde romanesque de Gustave Flaubert dont l'œuvre présente encore des mystères qu'il faut dévoiler et ce, malgré les nombreuses recherches faites auparavant sur ce grand romancier du 19è siècle.


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