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"Madame Bovary" reprend des couleurs
Publié dans Le Temps le 13 - 03 - 2016

Avis aux passionnés : le manuscrit du chef-d'œuvre de Flaubert est publié pour la première fois. L'occasion de voir qu'un génie peut être un laborieux...
Depuis quelques années, les éditions des Saints-Pères se sont spécialisées dans la reproduction manuscrite des chefs-d'œuvre du patrimoine culturel universel. Bien souvent, les manuscrits originaux dorment dans des coffres sécurisés, chez des collectionneurs privés ou dans des institutions publiques. Pas facile, pour les passionnés, d'y avoir accès et de ressentir le frisson intime qu'offrent ces pages sacrées. Comment l'auteur a-t-il écrit son texte ? Par quels détours est-il passé pour trouver son chemin ? Que révèlent toutes les ratures de ses brouillons ? Parmi les petites découvertes de cette petite maison d'édition normande (comme son nom ne l'indique pas !), on citera le manuscrit de Vingt Mille lieues sous les mers de Verne, Les Fleurs du mal de Baudelaire, Le Voyage au bout de la nuit de Céline ou, plus près de nous, Hygiène de l'assassin, le premier best-seller d'Amélie Nothomb...
C'est un autre grand texte qui est exhumé cette fois. Puisqu'il s'agit du manuscrit de Madame Bovary. Conservé à la bibliothèque de Rouen, ce document totalement inédit offre une plongée fiévreuse dans le roman culte. Et cette fois-ci l'expression « roman culte » n'est pas galvaudée. On découvre ainsi que le grand Flaubert était aussi génial que laborieux. « La Bovary marche à pas de tortue », se confie-t-il à Louise Colet dans une lettre, le 13 septembre 1852. Il mettra en effet plus de cinq années à rédiger ce classique, et les pages raturées sont nombreuses. Il ne cesse de réécrire ses chapitres, de les relire à voix haute, de transformer son intrigue.
Le roman paraît d'abord en feuilleton
Inspiré par un fait divers (l'affaire Eugène Delamare), Flaubert a l'ambition de s'affranchir du romantisme, et c'est tout de suite un coup de maître. En octobre 1856, le roman paraît en feuilleton dans La Revue de Paris. Malgré des coupes imposées à l'auteur, c'est tout de suite le scandale, et Flaubert est accusé d'outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs par le procureur Ernest Pinard. Mais n'est-ce pas souvent ainsi que commencent les grands succès ? Deux mois après, Madame Bovary est publié par l'éditeur Michel Lévy : plus de vingt mille exemplaires s'écoulent en quelques jours !
Parions que la frénésie autour de ce texte ressuscitera : seuls 1 000 exemplaires numérotés seront mis en vente sur le site de l'éditeur ou sur Amazon. Alors, si « Madame Bovary, c'est vous », dépêchez-vous ! Ce tirage de tête se distingue par sa couverture rouge de l'ouvrage qui ne le fait ressembler à aucun autre...
Gustave Flaubert mettra 5 ans pour achever son livre.
Marqué par le scandale, le roman Madame Bovary ne cesse d'inspirer les cinéastes. Publié dans la prestigieuse revue littéraire La Revue de Paris en six feuilletons, d'octobre à décembre 1856, le premier livre de Gustave Flaubert choque la bourgeoisie bien pensante. Après plusieurs plaintes de lecteurs, et craignant un procès, le rédacteur en chef Léon Laurent-Pichat s'autorise quelques censures, sans l'accord de Flaubert, furieux. Après plusieurs mois de démêlés judiciaires, le livre est finalement publié en avril 1857.
À l'occasion de la sortie du film de Sophie Barthes, Le Figaro vous propose de découvrir la première critique du livre signée Jules Habans. Ce long article analyse particulièrement approfondie et soignée du talent d'observation et du regard lucide de Gustave Flaubert. Toutefois, il n'oublie pas d'émettre certaines réserves, comme d'autres critiques de l'époque, notamment sur le style de l'auteur «indécis, incorrect, vulgaire».
Voici un article paru dans Le Figaro du 28 juin 1857
Madame Bovary, roman par M. Gustave Flaubert
«Mieux vaut tard que jamais», dit un proverbe complaisant, et je suis bien aise de le trouver tout à fait au moment où je prends la plume pour dire un mot du roman de M. Gustave Flaubert. Les proverbes sont bien inventés; je leur promets respect à l'avenir, particulièrement lorsqu'ils seront signés Musset ou Octave Feuillet.
[...] Dieu merci! Madame Bovary n'est plus une inconnue pour personne. Son irruption dans le monde a été si soudaine, que le public entier s'est retourné au bruit de sa voix et au frôlement de sa robe. Surpris de ses façons d'agir, M. le procureur impérial l'a menée au juge, mais elle n'était pas femme à perdre ainsi son aplomb, elle a montré ses papiers, fait viser son passeport par l'autorité compétente, et conquis son droit de cité définitif. Je n'ai donc plus à faire l'analyse minutieuse d'une action que les lecteurs ont suivie avec un grand intérêt. Je me bornerai à présenter quelques observations qu'une lecture attentive ont fait surgir dans mon esprit.
M. Flaubert, en prenant la plume, a-t-il eu l'intention bien arrêtée d'écrire le roman que nous connaissons?
Et d'abord, M. Flaubert, en prenant la plume, a-t-il eu l'intention bien arrêtée d'écrire le roman que nous connaissons? Lorsqu'il nous fait connaître ab ovo la vie de Charles Bovary, que durant les quatre premiers chapitres il le tourne et le retourne sous nos yeux pour nous le faire bien connaître, qu'il le suit pas à pas, du collège à la Faculté, et le conduit de la salle d'examen au lit conjugal dans lequel s'éteindra bientôt sa première femme, n'a-t-il pas en vue la monographie d'un médecin de campagne?
Cette hypothèse prend dans mon esprit un nouveau caractère de certitude, lorsque du portrait de Charles je rapproche celui de l'apothicaire Homais, charlatan boursouflé, tartuffe voltairien, ambitieux sournois, dont toutes les démarches tendent à ruiner dans l'esprit des paysans le crédit des médecins qui viennent exercer dans son village. Il est le seul qui reste sur la brèche.
Ne vous semble-t-il pas que, dans la première intention de l'auteur, tout le drame ait dû exister dans l'antagonisme de ces deux individualités l'officier de santé et le pharmacien?
Aussi ce dernier, avec quel soin il nous est présenté, avec quelle vigueur de pinceau il nous est décrit! Comme il tient bien sur ses jambes! Comme c'est ça!
-Le connaissez- vous? Où n'y a-t-il pas un Homais? Et tandis que l'intrigant se dégage de mieux en mieux, Bovary, au contraire, s'efface et recule dans l'arrière-plan. On finit par ne plus l'apercevoir que par-dessus l'épaule de sa femme.
Emma Bovary l'héroïne du livre, n'entre en scène qu'au sixième chapitre.
Cette dernière, Emma Bovary, deuxième du nom, l'héroïne du livre, n'entre en scène qu'au sixième chapitre, et lorsque la veuve du charcutier Dubuc est passée de vie à trépas pour lui faire place.
Par tous ces motifs, à tort ou à raison, j'ai vu là deux actions dont l'une est restée à l'état rudimentaire, tandis que l'autre a dévié ou grandi pour devenir sujet principal, d'épisode qu'elle était. Cette première indécision passée, voici enfin madame Bovary qui entre en scène.
Mariée à ce grand nigaud, et tandis que, «la chair contente,» il ronfle à ses côtés, elle rêve à ces romans, à la poussière desquels elle a graissé ses mains de pensionnaire, elle récapitule ses aspirations de jeune fille, ses rêves de bonheur, ou plutôt l'auteur le fait pour elle. Avec quelle vigueur, quelle ironie incisive, vous le savez déjà, et ce chapitre, à coup sûr, est un des plus remarquables du livre.
Ainsi posée, dans quel milieu va-t-elle vivre? Voici à peu près. Autour d'elle se groupent en premier lieu son mari, l'idéal de l'insignifiance, l'ineptie faite homme. Il digère, ronfle et chauffe ses pieds au feu, guérit par «miracle» et se trouve père un beau matin, un dimanche, vers six heures, au soleil levant. Il n'en est pas étonné. Moi, beaucoup.
Rodolphe désire avoir madame Bovary, comme on souhaite une brioche après le pain noir.
Après lui se présente Rodolphe, le premier amant d'Emma. Celui-ci est un coq de village, beau fils, solide gaillard qui, après avoir eu toutes les margotons de l'endroit, désire avoir madame Bovary, comme on souhaite une brioche après le pain noir. Nature épaisse et brutale, tête creuse, poitrine sans cœur, ignoble assez pour abandonner platement la femme qu'il a séduite, parce que la garder, «serait trop bête.»
Vient ensuite Léon, clerc de notaire. Celui-ci n'est pas conquérant, au contraire; il est conquis par Emma. Elle aime en lui ses cheveux bien pommadés, ses ongles longs et taillés en amande. Il profite de l'aubaine, cela va de soi; mais dès qu'il lui faut un peu de courage pour la conserver, il ouvre les bras, la couardise détend ses nerfs, et la pauvre femme retombe une seconde fois à terre, du poids de toute sa honte.
Ai-je dit pauvre femme? - Je ne m'en dédis pas. Au milieu de pareilles gens, et surtout après la poignée d'arsenic qu'elle avale pour fuir le remords et la ruine, elle devient le seul personnage attachant du livre par suite des efforts inouïs qu'elle fait pour éviter le destin; on lui accorde cet intérêt que l'on ne refuse pas à Catilina, dépensant son génie dans une œuvre infernale, et mourant sur un monceau de cadavres ennemis, dans le champ de Pistoria.
Peut-être l'auteur n'a-t-il pas voulu qu'il en fût ainsi. - Alors pourquoi son Bovary est-il si bête, qu'après lui, il n'y a plus que le crétin? -S'il l'avait fait intelligent et timide, savant qui n'ose se produire, amoureux qui se recroqueville en lui-même et rougit de s'épancher, même devant le plus intime témoin! Mais non, et autant qu'il a été en lui, il a justifié madame Bovary, non d'avoir mal choisi, mais d'avoir cherché des compensations.
Qu'on ne s'y trompe pas, cependant. On n'aime pas, on ne peut pas aimer cette femme. Elle n'a pas de sentiments humains. Elle ne songe jamais à son père, exècre son mari, déteste sa fille. Elle a du tempérament ou de l'imagination, je ne sais pas au juste. Elle excite une vive curiosité, - rien de plus.


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