« Tous les arts sont comme des miroirs où l'homme connaît et reconnaît quelque chose de lui-même qu'il ignorait » d'Alain. On s'émeut devant la destinée souvent brisée des héros de livres, on s'émerveille devant la chorégraphie d'une danse qu'un danseur étoile effectue, on s'attache à la personnalité d'un personnage qu'un acteur endosse le temps d'un tournage ou d'une représentation, on reste méditatif devant une toile ou une photographie et on demeure admiratif face aux traits uniques d'une sculpture. L'expression artistique fait naître en nous les sentiments contradictoires. Elle ne nous laisse jamais indifférent face au génie créateur et face à la fougue artistique. Tous nos sentiments sont animés par un mouvement inconscient qui suscite en nous l'émerveillement ou le dégoût face à l'art qu'on nous soumet sous les yeux. Alors, on prend conscience que l'ouvrage d'autrui nous a révélé une part de notre personnalité. En s'identifiant ou en refusant les traits d'un personnage, en adhérant ou en réfutant la verve verbale d'un auteur, en s'abandonnant ou en s'éloignant de l'attraction d'une toile ou d'une statue, on se reconnaît dans le miroir concave que l'artiste dresse en filigrane de son œuvre. Ce qui nous capte ou nous fait fuir – cela dépend – est cet autre nous-même (peut-être l'enfant qui est en nous et qui ne disparaît jamais) qui est révélé à nous par et grâce à l'art. Si Jean Starobinsky voyait dans le fait de se pencher pour écrire le retour sur soi et par là une « mélancolie dans le miroir », on pourrait élargir sa réflexion à toute œuvre artistique. En effet, nul ne peut nier les liens solides entre Flaubert et Emma Bovary, Balzac et Rastignac, la Joconde et De Vinci, Mozart et le Requiem, Rodin et son Penseur etc. mais nul ne peut nier que toutes ces œuvre ont marqué une époque et des gens et continue à exercer leur fascination sur des génération, leur révélant leurs talents cachés, l'étoffe du grand artiste qui sommeille en eux. Si l'art est un moyen de connaissance et de reconnaissance de soi dans le travail d'autrui, ce n'est qu'une concomitance tacite entre l'être et l'artiste à travers l'espace et le temps. Si l'art est un miroir, ce n'est que le reflet de l'âme, sa trace immuable dans les traits d'une œuvre à chaque fois recommencée dès que le regard se pose sur elle à nouveau. Et notre aventure de l'exploration de soi reprend dans la catimini des esprits et dans le silence de l'osmose entre amateur et artiste…