Au moment où les rumeurs allaient bon train quant à un remaniement ministériel, voire, carrément, le départ du chef du gouvernement, Habib Essid, le président de la République, Béji Caïd Essebsi a fini par sortir de son silence pour annoncer une initiative que certains qualifient, d'ores et déjà, de majeure. Même si certains commençaient à en parler en privé, BCE l'a annoncé publiquement lors de l'interview accordée, hier soir à Elyès Gharbi, à l'émission « Hadith Essaâ » sur la chaîne de télévision nationale 1. Il s'agit, en fait, d'une proposition pour la formation d'un gouvernement d'union nationale groupant les partis de la coalition actuelle au pouvoir, en l'occurrence, Ennahdha, Nidaa Tounès, l'ULP et Afek Tounès, les deux organisations nationales principales, à savoir l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) et l'Union tunisienne pour l'industrie, le commerce et l'artisanat (UTICA). « J'ai fait un tour d'horizon avec les différentes parties, aussi bien politiques que sociales, avant d'annoncer cette proposition, a précisé le président de la République. Mais nous devons attendre l'accord de tous les intervenants possibles. Et en cas d'accord, a-t-il ajouté, ce gouvernement d'union nationale peut être dirigé par Habib Essid ou par une autre personnalité qui recueillerait l'appui de la majorité. Car il faut dire que le chef du gouvernement actuel a fait bonne œuvre et si ce n'était lui et son équipe, la situation générale dans le pays aurait été pire Le président de la République reconnaît, ainsi, que le pays se trouve à la fin d'une phase et doit entamer une autre étape d'une meilleure efficacité, car si M. Essid a réalisé des actions positives, il aurait pu faire mieux. Béji Caïd Essebsi a reconnu, toutefois que le cabinet gouvernemental actuel a hérité d'une situation des plus difficiles et a dû faire face à des aléas aussi bien structurels que conjoncturels. « Il a fait preuve, toutefois d'une lacune de taille dans la mesure où la communication n'a pas été à la hauteur, car il fallait informer clairement et franchement, l'opinion publique, de la gravité de la conjoncture avec les chiffres alarmants à l'appui ». Autre fait mentionné et répété par le président de la République est la non application de l'Etat de droit, sachant qu'il en avait fait son cheval de bataille lors de sa campagne électorale. Ce qu'il appelait, fièrement, le « prestige de l'Etat ». Cette non application de l'Etat de droit a coûté énormément à la Tunisie, affirme Caïd Essebsi. Qu'on en juge : l'arrêt de travail, les grèves et les sit-in ont fait perdre au pays le montant de 1millard 210 mille dollars par an depuis 2011, et ce rien qu'au niveau de l'exportation du phosphate, l'interruption des tractations avec la Libye nous a causé 8 milliards de dinars de manque à gagner, le terrorisme nous a coûté autant soit 8 autres milliards de dinars ; la chute du tourisme nous a causé des pertes d'un milliard 700 millions de dinars. Autre chose, ajoute BCE, la masse salariale a coûté à la caisse de l'Etat un milliard de dinars supplémentaires par an depuis 2011. Cette masse, qui était de 6 milliards de dinars en 2010, est passée à 12 milliards de dinars en cette année, soit pratiquement le double ! Or, a-t-il tenu à préciser, le travail et la production ont été, en cette même période, absents ou presque. Ainsi, a indiqué, encore le président de la République, si les deux organisations nationales accepteront d'entrer au sein d'un gouvernement d'union nationale, ils sauront mieux la réalité de la situation et sauront que celui ne possède pas quelque chose ne peut pas l'offrir. Interrogé si les partis de l'opposition peuvent faire partie dudit gouvernement proposé, le chef de l'Etat a affirmé que certains partis ont prouvé qu'il est inutile de le leur proposer, mais d'autres tels qu'Al Joumhouri ou Al Massar ou encore des indépendants peuvent y adhérer. A noter que le président de la République n'a pas explicité ce qu'il adviendrait ou ce qu'il compte faire si sa proposition n'était pas acceptée dans le sens où il n'a offert aucune autre alternative à son initiative. Toutefois et en conclusion, Béji Caïd Essebsi a adressé une sorte de mise en garde à peine voilée aux formations politiques et autres organisations se plaçant au sein de l'opposition, dans le sens où il indiqué qu'on ne vienne pas lui reprocher l'application des dispositions prévues dans le cadre du respect de l'Etat de droit et des institutions et qu'on ne vienne pas mettre en doute les décisions qui peuvent être prises dans ce sens. Le président de la République vient d'annoncer son initiative. Place aux réactions et aux éventuelles réponses. Les observateurs sont curieux de savoir la suite que donnera l'UGTT. D'ailleurs, ils assurent que la réussite d'une telle proposition dépendra, en très grande partie, de la position prise par la Centrale syndicale.