La fin de la semaine passée a été marquée par plusieurs faits saillants qui risquent de laisser des empreintes négatives sur le paysage politique et social et sur l'avenir du pays. En effet, au moment où les tractations vont bon train pour avancer sur la voie de la formation d'un gouvernement d'union nationale suite à l'initiative, dans ce sens, prise par le président de la République, le 2 juin courant, des faits concrets et des déclarations ont été enregistrés chez des parties influentes parmi les composantes politiques. Alors que le chef de l'Etat procède, activement, à des concertations tous azimuts pour trouver un terrain d'entente sur la nature du futur gouvernement laissant entendre, une fois pour toutes, que les dés sont jetés, le chef du gouvernement, Habib Essid continue à travailler comme si de rien n'était: entretiens avec ses ministres, des visites presqu'inopinées d'inspection, une interview accordée à la chaîne de télévision « Al Arabiya » et même une présence remarquée à la soirée d'ouverture du Festival de la Médina ! Et avant de quitter le Palais des congrès, il aurait réclamé à Lotfi Bouchnaq de reprendre son tube: « Prenez les postes et les chaises, mais laissez la patrie » ! Pour rester dans l'ambiance de la Médina, on signalera cet autre événement consistant en l'inauguration d'un salon de thé-restaurant dénommé « Lemdina », mais dans la zone des Berges du Lac 2. Un événement qui créé un buzz énorme en attendant de faire couler beaucoup d'encre. Mais pourquoi tout ce tollé, s'interroge t-on ? Tout d'abord, le projet est monté par un jeune député de Nidaa Tounès, Kacem Makhlouf. Ensuite, il y a eu toute cette armada de ministres pour assister à cette mondanité. Ils étaient conduits par la ministre du Tourisme, Selma Elloumi Rekik, qui a procédé à la coupure du ruban conférant, ainsi un cachet officiel à l'événement. Mais il y avait, aussi, les autres ministres de Nidaa, Slim Chaker, Néji Jelloul, Saïd El Aïdi, Anis Ghedira et Khaled Chouket, les deux hauts responsables au Palais de Carthage, Slim Azzabi et Noureddine Ben Ticha, une pléiade d'élus de Nida à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), des hommes d'affaires, un grand nombre d'artistes-chanteurs et, bien entendu, un très grand nombre de représentants des médias. Certains avancent qu'on ne peut reprocher à toute cette smala de s'être déplacée à « Lemdina », s'agissant d'une affaire privée concernant un de leurs amis, mais alors que vient faire la coupure des rubans par la ministre du Tourisme et la déclaration faite par le ministre des Finances comme quoi il s'agit d'un grand événement qui entre dans le cadre des investissements qu'il faut encourager puisque le propriétaire a déboursé 7 millions de dinars pour une éventuelle création de près de cent postes d'emploi. Mais, n'avait-on pas dit que la priorité était accordée aux régions défavorisées de l'intérieur du pays ?! En voilà un investisseur, faisant partie du cercle du pouvoir, qui a énormément d'argent et qui donne le « mauvais exemple » ! Hafedh Caïd Essebsi, désormais number one de Nidaa, a fait une déclaration... sans queue, ni tête. En s'adressant à une journaliste d'une radio de la place, il lui dit en substance : « Vous étiez sûre de me trouver ici. La preuve, vous avez apporté votre micro avec vous pour me demander une déclaration... ». Sans commentaire ! L'autre grand parti, devenu number one à l'ARP, Ennahdha s'est occupé de choses sérieuses en finalisant l'élection des membres du Conseil de la choura et de son président. Et là, grosse surprise puisque c'est Abdelkrim Harouni qui a remporté la décision après un second tour et un duel fort serré avec Abdellatif El Mekki, pourtant, un des proches lieutenants de Rached Ghannouchi. Ainsi, à Ennahdha, on a la preuve que les faucons n'ont pas désarmé et semblent, au contraire, avoir les faveurs de la base et de la majorité chez cette instance où on prend toutes les décisions importantes. Inutile de rappeler les diatribes de M. Harouni dans un passé pas très lointain. Il n'y a qu'à faire un tour à travers la toile pour voir et écouter des dizaines de vidéos où les discours enflammés et incitatifs ont été, souvent, au rendez-vous. La ligne dure qui vient s'instaurer avec Abdelkrim Harouni et ceux qui ont voté pour lui au conseil de la choura, est venu faire planer le doute quant au langage « mielleux » tenu par le Cheikh lors du 10ème congrès d'Ennahdha. Déjà que les observateurs restaient dubitatifs sur les présumées nouvelles lignes suivies par le parti à Montplaisir. L'autre fait significatif a été celui enregistré chez l'Union patriotique libre (UPL) où aux accusations excessivement graves lancées par Jamel Tlili contre le président de son ex-parti, Slim Riahi, ce dernier lui a adressé un cinglant démenti, bien entendu, tout en lançant un pavé dans la mare avec cette phrase : « En tout cas, je n'ai plus d'argent... ». Entretemps, le gouverneur de la Banque centrale continue à tirer la sonnette d'alarme avec un dinar en dégringolade incessante et un endettement trop critique puisque le ministre des Finances, lui-même, indique que l'Etat est à la recherche de l'argent pour rembourser le prêt d'un milliard de dinars contracté auprès de l'Etat de Qatar du temps de la Troïka. A moins que le prêt dont il a annoncé l'obtention prochaine de chez l'Union Européenne va servir audit remboursement ! En dépit de toute l'importance des faits suscités, on pourrait les mettre sur le compte de l'intermède qui précède les choses sérieuses puisqu'on nous laisse entendre, du côté du Palais de Carthage, que la question du gouvernement d'union nationale va être tranchée d'ici la fin de la semaine en cours, voire avant. Mais, la partie ne s'annonce pas de tout repos puisqu'il va falloir compter avec les exigences d'Ennahdha qui veut avoir sa part conformément et proportionnellement à son poids et avec les desiderata de Nidaa qui « exige » un chef de gouvernement des siens, mais encore faut-il trouver l'oiseau rare qui réunit le consensus nécessaire à l'intérieur de Nidaa et d'Ennahdha, ce dernier pouvant même réclamer le droit de choisir le candidat au Palais de la Kasbah ! Entre les deux, Mohsen Marzouk, coordinateur du Mouvement Mchrou3 Tounès joue la carte de l'UGTT en rencontrant, hier matin, accompagné des deux membres de son parti et anciens militants syndicalistes, Abdelmajid Sahraoui et Mustapha Ben Ahmed, son secrétaire général, Houcine Abassi,. Alors, qui sera le successeur de Habib Essid qui « ne veut plus des chaises » !