De retour en Tunisie, le luthiste Khaled Ben Yahia mûrit une nouvelle performance et des rencontres artistiques à la confluence des expressions contemporaines. Après un passage réussi à la Biennale de Dakar et un dialogue oud-sitar avec le musicien indien Ashok Pathak, quelles nouvelles surprises prépare celui qui fut le disciple de Salah El Mahdi et Mohamed Saada... Luthiste tunisien de renommée internationale, Khaled Ben Yahia se produit régulièrement au pays et continue ses recherches musicales au Conservatoire national de Nice où il est professeur. Ses derniers passages en Tunisie l'ont mené sur la scène du festival international de Carthage en 2011 sans oublier le récital mémorable qu'il donna en 2010, à la clôture de l'événement "Kairouan capitale culturelle islamique". Un parcours de confluences et de fusions Depuis, Khaled Ben Yahia a beaucoup produit et créé des oeuvres qui mettent le oud à l'honneur. "Tesnime" sa dernière création était sur les scènes tunisiennes en 2015 tout comme "Raga Maqam" créé avec la complicité de Mounir Troudi. Prolifique et ouvert à toutes les influences musicales, Ben Yahia est aussi très actif à Nice. Il y créait récemment "Roses à malice", une oeuvre jazz composée avec Jean-Paul Alimi. Auparavant, il signait un spectacle de musique arabo-andalouse, toujours à Nice, à l'auditorium du conservatoire. Dans cet esprit, "les Quatre vents" n'est pas la moindre de ses oeuvres. Avec ce concept musical élaboré avec des musiciens marseillais, il a réalisé une belle tournée à cheval sur les années 2012 et 2013. Toujours sur la brèche, Khaled Ben Yahia a aussi été à l'origine d'une rencontre artistique avec le joueur de sitar indien Ashok Pathak à la salle philharmonique de Liège, en Belgique. Il a aussi animé d'innombrables conférences, master-classes et autres ateliers tout au long de ces dernières années. En mai 2016, il participait avec succès à la Biennale de Dakar au Sénégal. Comment interpréter Mozart au oud? Le dernier travail de Khaled Ben Yahia porte le titre plutôt tentant de "Le oud et ses amis". Il s'agit de la réunion de plusieurs musiciens aux instruments variés et profondément différents pour célébrer la musique. Performance de métissage musical, cette nouvelle aventure de Ben Yahia réunit autour du oud le piano, la clarinette, le cello, la contrebasse et les percussions dans un dialogue ouvert sur tous les horizons musicaux. Ce projet en cours de réalisation s'articule entre concerts et master class pour découvrir différents langages musicaux et rencontres instrumentales. Comment interpréter Mozart au oud? Comment jouer une partition orientale sur un piano? Comment naissent les inspirations jazz entre deux instruments de traditions différentes? Au fond, la démarche de Khaled Ben Yahia dans "Le oud et ses amis" cherche à sonder les origines des fusions musicales, la source de l'énergie jazz qui nait de ce qui semble de prime abord disparate mais qui est lié par l'essence de toute rencontre musicale. De la rencontre des musiciens et des sonorités de leurs instruments naissent des convergences inédites à la croisée de plusieurs univers musicaux, à la confluence de cultures en dialogue/fusion. Le maître du oud qu'est Khaled Ben Yahia connait bien ces lieux secrets où s'ébauchent et se construisent les complicités musicales. D'ailleurs, le luth, notre oud, est bien un pont entre les cultures. N'a-t-il pas rencontré le violon et le clavecin depuis un passé lointain? N'a-t-il pas joué les rythmes d'Orient et d'Occident depuis deux millénaires qu'il existe? L'inlassable arpenteur des territoires de la fusion musicale Dans un univers de convergences, Khaled Ben Yahia renoue avec le coeur de sa démarche, avec le projet artistique qui structure son oeuvre depuis près d'un quart de siècle. Depuis "Wissal", son premier album en 2003, ce virtuose n'a jamais cessé d'arpenter les territoires de la fusion musicale. Que ce soit avec Lassad Hosni, Bechir Selmi ou Dorsaf Hamdani, il poursuit une quête inlassable entre jazz contemporain et inspirations soufies. Ces recherches musicales, il les mène aussi avec des artistes aussi divers que le percussionniste Jacky Detraz ou le collectif lyonnais "La Tribu Hérisson". Ses créations musicales scindent son oeuvre en deux pans complémentaires, en deux tentations siamoises qu'il fait se rencontrer. Entre la puissance soufie de son "Bouhour el ichq" et le world sound de "Hi jazz" se trouve le secret de la méthode de celui qui sait aussi bien marier les tonalités du chant spirituel de diverses traditions musulmanes que se lancer dans des solos vertigineux sur un oud sublime. Telle est la musique de Ben Yahia dont l'apprentissage auprès de Salah El Mahdi et Mohamed Saada a cultivé aussi bien un jeu instinctif qu'une virtuosité savante. Est-ce un hasard si Ben Yahia a été consacré meilleur instrumentiste en Tunisie et meilleur artiste étranger en France? Bien sûr que non et le dernier-né de ses concepts "Le oud et ses amis" est là pour souligner cette constante progression et cette volonté inébranlable d'aller à la rencontre de nouveaux horizons musicaux...