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« Le syndicalisme n'a pas à se transformer en force politique »
Publié dans Le Temps le 28 - 08 - 2016

Suite à de longues semaines de tractations, le nouveau gouvernement d'union nationale a finalement réussi à obtenir la confiance du Parlement et pourra, dès, demain entamer sa mission. La nouvelle composition gouvernementale comprend plusieurs tendances politiques ce qui la rend, selon quelques analystes, assez fragile. Dans le cadre de notre interview hebdomadaire, nous avons été reçus par le syndicaliste et activiste de gauche, Salah Zeghidi, qui nous a exposé ses lectures et ses analyses quant à la nouvelle étape que s'apprête à vivre notre pays.
Le Temps : Suite à l'initiative présidentielle, le gouvernement d'Habib Essid a été remplacé par un gouvernement d'union nationale qui regroupe des figures islamistes, syndicalistes, libérales et nationalistes. Que pensez-vous de cette équipe qui vient tout juste d'obtenir la confiance du Parlement ?
Salah Zeghidi : Il faudrait au préalable rappeler les conditions dans lesquelles survient cette initiative présidentielle et ce nouveau gouvernement dit d'union nationale...Si tout le monde convient que le pays vit depuis le gouvernement de la Troïka , une crise profonde qui touche tous les secteurs et tous les aspects de la vie, et que rien n'a été fait par les gouvernements qui se sont succédé pour ne serait-ce que créer les conditions susceptibles de mettre le pays sur la voie de sortie de la crise, l'équipe qui vient d'être constituée après plusieurs semaines de marchandages, de pressions, de chantage, de menaces est disparate et très hétérogène.... Constituée dans le climat décrit plus haut, on ne peut qu'être sceptique quant à ses chances de succès...
On ne peut qu'être abasourdi de voir que toutes ces questions d'une urgence et d'une importance incontestable aient été intentionnellement occultées....On n'a pas négocié des programmes à appliquer, on a négocié des places à partager...Mais que vaut une prétendue « union nationale » constituée dans cet esprit? Ce gouvernement n'apporte guère de nouveau par rapport à celui qui vient de partir....Ce n'est pas en y incluant aux côtés de ministres nahdhaouis un homme jusqu'ici de gauche, et qui ne sera là que pour servir de « caution de gauche », que cela changera quoique ce soit ! Ce gouvernement est pompeusement qualifié de Gouvernement d'Union Nationale » , mais il reste fondamentalement un gouvernement Ennahdha / Nida , et même un gouvernement Ghannouchi / Essebsi....Ceux et celles qui croient naïvement que Chahed sera un vrai premier ministre qui dirigera son gouvernement hors l'influence et les pressions des partis et surtout de façon autonome par rapport au couple Ghannouchi /Essebsi se trompent lourdement en donnant à Chahed une dimension qu'il est loin d'avoir: il est et restera l'homme de Essebsi...et , indirectement au moins , celui de Ghannouchi !!
-Youssef Chahed a assuré que l'une des priorités de son gouvernement sera la lutte contre la corruption. Pour ce faire, il a nommé Abid Briki à la tête du ministère de la Gouvernance et de la Fonction publique. Que pensez-vous de cette nomination qui en a provoqué plus d'un ?
Laissez moi dire d'abord que Briki, comme Trabelsi, ne représente ni l'UGTT, ni les syndicalistes! Ni les Watad, dont il est « originaire »! Comme Taieb ne représente pas la gauche !...Ceci dit, je ne peux qu'exprimer ma surprise de voir l'inconséquence de certains ! J'ai devant moi une déclaration de Briki qui date d'un an et demi seulement dans laquelle il annonce son rejet catégorique d'une proposition que lui aurait faite Essid d'entrer dans son gouvernement en formation...Pourquoi ce refus indigné? Parce que, dit expressément Briki, il ne peut accepter d'être ministre avec Ennahdha qui a ruiné le pays avec sa Troïka et surtout parce qu'elle porte sur ses mains, de façon directe ou indirecte le sang de Chokri et de Brahmi !....Apparemment, en ce chaud mois d'août 2016, le sang de ces deux martyrs a séché sur les mains de Ennahdha !
Pour le nécessaire combat contre la corruption, je suis désolé de dire que ma confiance dans la réelle volonté de la plupart des membres de ce gouvernement est plutôt limitée. Ce n'est pas en en faisant un cheval de bataille facile et souvent démagogique que l'on combattra avec succès la corruption. Je crois que ce qu'il y a mieux à faire dans ce domaine , c'est de donner les moyens nécessaires - humains , matériels , psychologiques et politiques - à l'institution de lutte contre la corruption dirigée par Maitre Chawki Tabib pour qu'elle puisse faire son travail dans les meilleures conditions, hors de toute pression , mais aussi hors de tout populisme démagogique !
-Certains ministres sont critiqués parce qu'ils ne sont pas spécialisés dans les ministères dont on les a chargés. Etes-vous d'accord avec cela ?
Oui et non ! Si on était dans des circonstances normales , un ministre n'a pas besoin d'être un spécialiste du secteur dont il a la charge , sans être cependant totalement étranger à ce secteur et à ses particularités.....Dans la situation d'urgence dans laquelle nous vivons , il n'est pas normal qu'un ministre passe de deux à trois mois - c'est un minimum quand il s'agit d'un grand secteur -pour connaitre ce secteur...Et là , je voudrais rappeler –on l'oublie très souvent ! - qu'un ministre est certes responsable d'abord du secteur dont il a directement la charge , mais qu'il est coresponsable de l'ensemble de la politique du gouvernement...Les grandes décisions se prennent en Conseil des ministres , et il y a une solidarité gouvernementale indépassable. Chaque ministre est responsable de l'ensemble de la politique gouvernementale!
-Lors de son allocation au Parlement, le nouveau chef du gouvernement a dévoilé quelques chiffres relatifs à l'état des lieux de l'économie nationale et a expliqué qu'il se pourrait que la Tunisie aille vers la politique d'austérité. Pensez-vous que l'on finira par vivre cette politique ?
Il y a austérité et austérité....Au nom de l'austérité, on peut renvoyer 100.000 fonctionnaires ou plus comme l'exige le FMI. Au nom de l'austérité, on peut remettre en cause une bonne partie des dépenses de compensation, et il y a bien des choses à faire sur ce terrain. Je trouve qu'il n'est guère admissible que le gouvernement paie une partie du prix de la baguette ou de la « macarona » pour des millions de touristes et même, il faut le dire, pour des centaines de milliers de citoyen(ne)s comme moi disposant de revenus corrects sans plus, mais corrects quand même! Mais l'austérité veut dire aussi qu'on arrête l'importation de futilités comme les glibettes turques, ou les multiples facettes de petits chocolats qui coûtent un argent fou! L'austérité veut dire aussi qu'on entreprenne très vite une réforme profonde de la fiscalité! Il est socialement injuste et économiquement inacceptable qu'un salarié au revenu moyen 1.000 à 1.200 DT mensuels paie plus d'impôt qu'un commerçant ou un médecin ou un avocat ou un expert comptable....
-Les principaux enjeux seraient donc d'ordre économique. A-t-on les moyens, et la volonté politique, qu'il faut pour que l'état des lieux de l'économie s'améliore ?
Oui, les principaux enjeux, en tout cas les plus urgents, sont d'ordre économique. Il y a un fait incroyable qui doit être souligné: Si on exclut le petit document de Carthage, qui ne contient du reste que de vagues professions de foi, et déclarations d'intention, tout au long des négociations sur ce texte et puis sur la composition du gouvernement, aucun débat majeur devant l'opinion publique n'a eu lieu! Des questions majeures et déterminantes pour l'immédiat et pour l'avenir ont été ignorées à la fois par les « politiques » et par les médias! Que devons-nous faire concrètement pour réduire le chômage au cours des 5 prochaines années? Que devons-nous faire pour réaliser le développement des régions tant réclamé et tant attendu et dont tout le monde admet qu'il constitue une priorité majeure? Que devons-nous faire pour arrêter la chute vertigineuse du dinar? Que devons-nous faire pour mettre fin à la constante détérioration du secteur de la santé, de celui de l'enseignement, de celui des eaux? Que devons-nous faire pour sauver notre système de sécurité sociale au bord de la faillite? Que devons-nous faire face aux dictats de plus en plus contraignants du FMI , de la Banque mondiale , des USA et de l'Union européenne ?.... Que va faire un gouvernement quand ces questions majeures n'ont pas été débattues par les partis qui l'ont constitué? Chahed, comme Essid va naviguer à vue, seul ou quasiment seul face à ces partenaires redoutables que sont le FMI, la Banque Mondiale, Qatar et les Emirats !
-Répondant aux différentes déclarations des députés, Youssef Chahed a assuré que son gouvernement n'a aucune intention de réviser la Constitution. Cette déclaration survient dans un contexte où cette même Constitution est critiquée de la part de plusieurs experts. Qu'en pensez-vous ?
Ce n'est pas tant la Constitution qui est en cause, même s'il y a dans ce texte constitutionnel né dans les contraintes des insuffisances et des incohérences auxquelles il faudra un jour remédier. Le plus grave est ailleurs. A tous les aspects connus de la crise , s'ajoute aujourd'hui - et on ne le dit pas assez alors que c'est d'une extrême gravité - ce qu'il faut bien appeler une crise politique. Les développements que connait la scène politique au cours des derniers mois notamment montrent à tout observateur impartial que les institutions républicaines ne fonctionnent pas de façon naturelle et efficiente, les pratiques politiques et l'exercice des différents pouvoirs s'éloignent de plus en plus souvent des dispositions et de l'esprit de la Constitution. La classe politique, dans sa grande majorité, donne à voir aux citoyen(ne)s un spectacle désolant fait de manœuvres, de calculs souvent sordides, d'alliances contre nature, de déloyauté érigée quasiment en système, de combines de coulisses, d'instauration d'espaces et de centres de décision et de pouvoir hors des institutions de la République, de pressions, de marchandages et de chantages, et de manière générale de pratiques, discours et comportements politiques qui créent un fossé entre une grande partie de ce qu'on appelle la classe politique et les citoyen(ne)s. La politique et l'action politique sont devenues une sorte d'exercice tout à fait obscur, complexe, fait de volte- faces, de jeux de rôle. On ne sait plus qui est de droite, qui est de gauche, qui est du Centre! On ne sait plus qui est islamiste, pro-Ennahdha et qui ne l'est pas. Ennahdha a largement - et malheureusement - réussi son opération de banalisation tendant à se présenter comme « un parti comme les autres ». De façon très nette, la « mandhouma » du système politique qui s'est imposé après le 14 janvier n'a pas été capable, avec un personnel politique d'un niveau très largement rudimentaire, de construire cette 2è République qui devait normalement remplacer la dictature que le pays a vécu durant 60 ans.
-A quelques mois de son congrès électif, le bureau exécutif actuel de la centrale syndicale est de plus en plus critiqué et ce à cause des différents mouvements protestataires qui se tiennent un peu partout sur le territoire tunisien. Comment évaluerez-vous le travail de Houcine Abassi et son bureau lors de ce mandat ?
En tant que militant de gauche et en tant que syndicaliste, je ne suis pas tout à fait satisfait de la gestion de la Centrale syndicale depuis le 14 janvier ! Il faut dire que je n'aime pas les volte-face et les retournements à 180 degrés. La direction de L'UGTT, au cours des dernières années de la dictature, avec Sahbani et Jrad, n'a rien fait pour combattre la dictature ! Elle s'est contentée, dans le contexte difficile de la dictature de tenter de garder ses positions, son statut, de soutirer à Ben Ali des mesures au profit des travailleurs! Un jeu très compliqué, mais dans lequel elle a été amenée à soutenir le régime de Ben Ali, à même d'appeler, quoique dans la douleur, à voter pour lui dans les présidentielles de 1994, 1999, 2004 et 2009 ! Le discours de Jrad le 13 janvier 2014, tout de suite après le dernier discours de Ben Ali, est dans toutes les mémoires! J'ai bien l'impression que, une fois Ben Ali parti et bien parti, les dirigeants de l'UGTT ont agi comme s'il fallait « blanchir » la Centrale syndicale et montrer que «plus révolutionnaire que l'UGTT, tu meurs ! ». En réalité, une vague de populisme « radical » a secoué le pays, encouragé par la faiblesse de l'Etat et l'incurie de la Troïka et de tous les gouvernements depuis le 14 janvier! Ce populisme a touché la plupart des Tunisiens, et également les syndicalistes, surtout au niveau des cadres petits et moyens. Le rôle positif de l'UGTT, comme soutien à I3tissam erra7il, dans la chute du gouvernement nahdhaouis de Laârayedh et le Prix Nobel qui a suivi, a contribué à renforcer l'influence de L'UGTT et de sa direction. Il faut cependant que les syndicalistes fassent très attention: ne jamais oublier que le syndicalisme n'a pas à se transformer en force politique ! Notre adage à L'UGTT doit rester : L'UGTT n'est ni un allié politique du pouvoir, ni un adversaire politique du pouvoir. Notre identité en tant qu'UGTT doit rester = L'UGTT est une organisation démocratique, progressiste. Elle ne peut en aucun cas être neutre face aux idéologies ou aux mouvements réactionnaires, obscurantistes, anti-syndicalistes et qui veulent ramener le pays des siècles en arrière.


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