L'ancien ministre des Affaires religieuses – lors du premier gouvernement d'Habib Essid – et actuel mufti de la République, Othman Battikh, a publié, en début de cette semaine, un communiqué où il appelle tout le monde à se pencher sur la production et à délaisser toute forme de protestation. Dans le communiqué, Othman Battikh a expliqué que la situation économique du pays nécessite que tous les acteurs économiques (qu'ils soient étudiants, enseignants, fonctionnaires, ouvriers, commerçants ou autres) se penchent sur leur travail sans relâche et avec sérieux. Pour le mufti de la République, tous les Tunisiens sont aujourd'hui appelés à délaisser les protestations et à travailler en n'accordant aucune attention aux conditions du travail. Se basant sur un verset coranique, le communiqué a pris fin sur une note extrêmement religieuse qui explique que le pays est devant une étape déterminante pour son avenir. Le lendemain de la publication de ce communiqué, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux a vivement réagi en estimant que les propos d'Othman Battikh dépassent, de loin, son domaine de compétences. Pour le FTDES, le communiqué du mufti est une tentative de légitimer toute une politique officielle qui œuvre dans le but de criminaliser les mouvements et les protestations sociaux. Par ailleurs, le Forum a appelé la présidence de la République à assumer ses responsabilités et à respecter son engagement quant à sa mission en matière de la bonne application de la Constitution. Le FTDES a, aussi, exigé que le mufti soit entendu par le chef de l'Etat. De son côté, l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) a exprimé son étonnement quant au communiqué en question. Lors d'une déclaration radiophonique, le secrétaire général adjoint de l'UGTT, Bouali Mbarki a appelé Othman Battikh à ne plus se mêler d'affaires pareilles pour ne pas impliquer toute son institution dans des affaires qui risquent de nuire à son image. Le communiqué d'Othman Battikh n'a pas non plus manqué d'alimenter la polémique sur les réseaux sociaux où les internautes se sont posé des questions quant à la délimitation entre les affaires de l'Etat et celles de la religion. Si le mufti pensait bien faire en écrivant un communiqué pareil, il a probablement oublié que mêler des affaires économiques, sociales et politiques à des lectures religieuses peut facilement empirer la situation et provoquer même des situations de débordement. Si nous avons une importante bataille en Tunisie postrévolutionnaire, c'est bien celle relative à la séparation des affaires religieuses de la gestion de l'Etat et de ses institutions. En dépit de l'appel du FTDES, la présidence de la République et celle du gouvernement n'ont encore rien publié en réponse à ce communiqué provocateur.