Le Temps-Agences- L'agitation politique s'amplifie au Pakistan, à l'heure où le général-président Pervez Musharraf et ses proches collaborateurs mettent la touche finale à la composition d'un gouvernement intérimaire. Des protestataires hostiles à l'assignation à résidence de l'opposante Benazir Bhutto ont ouvert le feu hier à Chakiwara, un quartier de Karachi, tuant deux enfants, selon la police. Les individus ont échangé des tirs avec les forces de l'ordre qui ont eu recours à des gaz lacrymogènes pour les disperser. Deux garçons âgés de 11 et 12 ans ont trouvé la mort dans cette fusillade et huit blessés, dont un policier, étaient recensés. Il s'agit des premiers décès rapportés dans le cadre des troubles politiques depuis l'instauration de l'état d'urgence début novembre. Ces violences ont été commises alors que Benazir Bhutto et Nawaz Sharif, les deux principaux adversaires de Musharraf, ont entamé des discussions sur la création d'une coalition contre le général, dont le mandat présidentiel devait officiellement expirer hier -date marquant également la fin des cinq ans de l'actuelle législature. Mme Bhutto a par ailleurs exprimé l'espoir de former un gouvernement d'unité nationale avant les élections, souhaitant dans un entretien téléphonique avec l'Associated Press que les autres partis d'opposition la rejoignent. Dans ce contexte, l'administration intérimaire que le président Musharraf a entrepris de mettre sur pied aura pour mission de préparer la tenue des législatives le 9 janvier prochain. D'après Sheihk Rashid Ahmad, ministre des Chemins de fer du gouvernement sortant, le président de la chambre haute du Parlement Mohammedmian Soomro semble le candidat le mieux placé pour prendre la place de Premier ministre. Deux autres candidats sont pressentis, selon des médias pakistanais: Iftikhar Hussein Shah, un ancien général ambassadeur en Turquie, et Ishrat Hussain, un ancien gouverneur de la Banque centrale. La télévision d'Etat a précisé que l'annonce de ce gouvernement était attendue dans la journée. Mardi, l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto, rentrée d'exil le mois dernier, avait appelé Musharraf à quitter le pouvoir et s'était jointe à d'autres partis d'opposition en menaçant de boycotter le scrutin. Les autorités l'ont assignée à résidence ce même jour pour la deuxième fois en une semaine pour l'empêcher de prendre la tête de rassemblements hostiles au président. Malgré son assignation, la cheffe du Parti populaire du Pakistan (PPP) s'est entretenue avant-hier par téléphone avec Nawaz Sharif, dont le gouvernement avait été évincé lors du coup d'Etat de Musharraf il y a huit ans. Mme Bhutto et M. Sharif se sont entretenus de la possibilité de créer une coalition d'opposition, a précisé un porte-parole du PPP, Farhatullah Babar. Musharraf refuse de laisser Nawaz Sharif rentrer d'exil en Arabie saoudite avant les élections. Mme Bhutto a aussi parlé avec l'ancienne star du cricket Imran Khan, figure de l'opposition arrêté avant-hier. Hier, trois de ses sœurs et quatre de ses cousins ont été arrêtés par la police lors d'une manifestation contre son arrestation. Quelques 2.000 étudiants s'étaient rassemblés sur le campus de Lahore où il a été arrêté. Hier, Bryan Hunt, consul américain à Lahore (est), a été autorisé à franchir le cordon des forces de police autour de la maison où Benazir Bhutto est confinée. Le diplomate est revenu une heure plus tard, déclarant avoir informé la dirigeante du PPP du souhait de Washington de voir Musharraf lever l'état d'urgence, quitter son poste de chef des armées et libérer opposants et médias. De son côté, Mme Bhutto a expliqué à l'AP que Washington était préoccupé par une vacance du pouvoir au Pakistan au cas où Musharraf serait contraint de quitter ses fonctions. Mais elle a dit à Bryan Hunt qu'elle ne pouvait pas travailler avec le général-président. Le secrétaire d'Etat américain adjoint John Negroponte est attendu aujourd'hui à Islamabad. Musharraf a affirmé avant-hier qu'il comptait quitter la tête des armées fin novembre et n'a pas exclu une future coopération avec Benazir Bhutto si elle remportait le scrutin de janvier. Mais il a rejeté toute pression occidentale pour mettre rapidement fin à l'état d'urgence.