Dans le cadre de son étude stratégique globale « Quelle Tunisie dans 10 ans », l'Institut tunisien des études stratégiques (ITES) a organisé, en partenariat avec le ministère de la Santé et en collaboration avec la Fondation allemande KAS, un séminaire portant sur l'un des axes principaux du secteur de la santé, à savoir les établissements hospitaliers. En présence d'experts tunisiens et allemands, plusieurs thèmes ont été abordés lors de ce worshop d'une journée, portant l'état financier actuel des hôpitaux, les défaillances et autres manquement du point de vue services ou encore l'approche technologique en matière de gestion hospitalière. L'objectif de ce colloque: définir les grandes lignes de l'hôpital tunisien idéal de demain. « Bien souvent, ceux qui se rendent dans un hôpital tunisien, fût-ce pour une consultation, une hospitalisation ou une visite, en sortent déçus ». C'est ce qu'a déclaré Hatem Ben Salem, président de l'ITES, lors de son allocution de bienvenue. Un choix de mot courtois alors qu'en réalité, nombreux, voire trop nombreux sont ceux qui en sortent, d'après leurs témoignages et leurs expériences, amers, dégoûtés et en colère. Selon Sigma Conseil, 52% des Tunisiens ont un avis défavorable sur les structures hospitalières. Le taux d'insatisfaction par rapport à l'ensemble des services proposés est de 54%. Les hôpitaux, ou du moins certains d'entre eux, sont aujourd'hui synonymes de lieux déshumanisés et chaotiques. Encombrement, mauvais accueil, matériel manquant, équipements en panne, sous-effectif, absence de médecins spécialisés, mauvaise hygiène, lenteur administrative... Les maux sont nombreux et les mots ne suffisent plus pour y remédier. Le citoyen est le premier à pâtir de la situation et des actions concrètes à court, moyen et long terme s'imposent désormais pour revivifier ces établissements dont dépendent les vies de milliers voire millions de Tunisiens chaque année. Pourtant, ce ne sont pas les efforts et les stratégies de restructuration qui ont manqué durant ces deux dernières décennies. Depuis l'Indépendance, l'Etat tunisien a investi des millions de dinars dans le secteur hospitalier. Mais là aussi, tout est une question de mentalité et les formations ont beau être constantes, régulières et obligatoires pour le personnel médical et paramédical, les failles sont trop nombreuses et nécessitent un réel engagement et une implication personnelle de la part de tous les acteurs de ce secteur. Encore faut-il que l'Etat y adhère ! Pour Habiba Mizouni, Secrétaire générale du Syndicat général des médecins, des dentistes et des pharmaciens, les principaux axes de la stratégie de restructuration de la santé restent à ce jour flous et abstraits. Elle estime également qu'une révision de la politique salariale est impérative et que la lutte contre la corruption doit être menée sans répit. Enfin, pour elle, un mot d'ordre s'impose pour une restructure efficace et pérenne: la bonne gouvernance. Les dettes : talon d'Achille des hôpitaux En Tunisie, le nombre d'infrastructures sanitaires publiques dépasse les 2250 unités dont une vingtaine de centres hospitalo-universitaires (CHU) ainsi que d'hôpitaux spécialisés et plus d'une trentaine d'hôpitaux régionaux employant 60% du corps médical. Dans le cadre du XIème plan de développement (2006-2011), l'Etat tunisien a prévu des investissements de l'ordre de 549 MDT pour le secteur de la santé publique, notamment dans les domaines de la prévention, des infrastructures et surtout des équipements. Depuis des années, le secteur hospitalier fait face à de nombreuses difficultés mais son talon d'Achille est indéniablement d'ordre financier. En effet, les dettes cumulées s'alourdissent d'année en année et empêchent la mise en place d'une réforme efficiente. Présente lors du séminaire de l'ITES, Nebiha Falfoul Borsali, Directrice générale de la santé à Tunis, a avancé un chiffre inquiétant. Elle déclare en effet que les dettes de certains établissements hospitaliers et notamment les hôpitaux universitaires varient entre 4 et 7 MDT. L'Etat se serait toutefois engagé à débloquer des fonds pour améliorer la situation financière des hôpitaux en prise à des difficultés financières. Toujours selon Mme Borsali, des projets pilotes sont également en train d'être implantés dans une trentaine de dispensaires portant sur la numérisation et l'informatisation des procédures et du dossier médical des patients ou encore sur l'amélioration de la qualité d'accueil. Cette initiative sera prochainement généralisée au reste des structures qui sont au nombre de 2180. Une ambition et des objectifs Parmi les impératifs de l'hôpital de demain en Tunisie, la numérisation, la connectivité et l'adoption de technologies avancées à différents niveaux pour être en phase avec le 21ème siècle. En effet, l'un des défis majeurs des hôpitaux tunisiens réside dans le futur proche à mettre en place une procédure informatique généralisée et innovante pour une meilleure circulation de l'information et une meilleure fluidité des processus. Le deuxième objectif capital est de réduire les disparités régionales et fournir des soins d'excellente qualité avec des équipements adéquats et des médecins spécialistes dans toutes les régions. Troisième objectif, humaniser l'établissement hospitalier et en faire un lieu de séjour digne et confortable tout en veillant à désengorger la surcharge en patients et à restructurer les espaces de vie dans les hôpitaux. Quatrième objectif et non des moindres, renforcer le partenariat public/privé pour une meilleure efficience du système sanitaire tunisien.