Le film « Maisons sans portes » est réalisé par le Syrien d'origine arménienne Avo Kaprealian. La première internationale du film a eu lieu le 12 février 2016 au Festival International du film de Berlin. Les JCC l'ont programmé parmi la compétition long-métrage. Le film montre les changements qui ont eu lieu dans la vie d'une famille arménienne qui vit dans la rue d'Al-Midan, située sur la ligne de démarcation dans la ville d'Alep, et son déplacement vers Beyrouth. Il peint les changements dans la vie de cette famille. Depuis son balcon, le réalisateur filme avec sa petite caméra les changements progressifs dans son voisinage et dans sa propre famille. Le film brosse un tableau amer illustrant la fin de la communauté arménienne d'Alep, jadis prospère, formée au Moyen Age et devenue le cœur battant de la diaspora arménienne après le génocide de 1915 perpétré par les Turcs ottomans. Cette terre (la Syrie) qui fut un havre de paix pour une majorité de réfugiés et de survivants arméniens, il y a un siècle, est actuellement dévastée; son peuple autrefois accueillant se voit déraciné et plongé dans la misère. La vie de la communauté est un microcosme de la société syrienne en général, qui revit les expériences d'il y a un siècle. C'est une histoire dramatique, faite de mort, d'exil et de survie. Le personnage principal du film d'Avo est sa mère, Lena, qui finit par plier bagage et abandonner sa maison avec toute la famille en direction du Liban. C'est à elle que revient le mérite du titre de ce film.en effet, sa mère Lena a fait un rêve où elle voit sa maison d'Alep sans portes pour la guider à l'intérieur, elle comprend qu'il n'y aura pas de retour. Elle traverse le même périple douloureux que ses ancêtres entreprirent 100 ans plus tôt depuis l'Arménie Occidentale. Le film livre un tableau intime de la vie quotidienne d'une famille arménienne d'Alep, avec des scènes de genre comme les offices religieux, les processions solennelles, les naissances, les funérailles, les réunions de famille et les échanges en privé. Tout au long du film, la caméra du réalisateur est braquée sur le balcon de la maison familiale (arménienne) qui donne sur une avenue où les scènes de rue représentent un échantillon de ce qui se passe généralement à Alep, la capitale du Nord de la Syrie. On découvre alors à travers ce balcon, la vie privée, le salon et ses meubles, les soirées et même les moments du sommeil... La caméra épie donc ce qui se passe dans cette avenue et à l'intérieur de la maison. Au son des tirs et des projectiles, elle capte la précipitation des gens vers leurs balcons pour savoir ce qui se passe. La mère du réalisateur, Lena, qui joue un rôle important dans le film, est filmée en train de regarder la rue à partir de son balcon. Le bruit des missiles et des explosions commencent alors à s'intensifier. La peur s'installe et la rue perd de son éclat quotidien : la vie festive et sereine de tous les jours est remplacée par un paysage désolant. Il y a peu de jours, face à l'église du quartier arménien d'Alep, des gens chantaient des hymnes joyeux à l'occasion d'un mariage et alignaient leurs voitures pour parader dans les rues; aujourd'hui, ils s'alignent à nouveau, pour les obsèques d'une jeune femme victime d'un bombardement nocturne. Cependant, le réalisateur associe parfois les images prises par sa caméra et des extraits de films classiques pour faire un parallèle entre le génocide arménien et la réalité syrienne d'aujourd'hui. Les barrages et les points de contrôle s'implantent et les parades militaires commencent un peu partout. Ensuite, on voit de nombreux exilés venus des quartiers environnants. C'est alors que la caméra du réalisateur se braque sur les abris des refugiés pour nous décrire leur misère quotidienne, ce qui nous donne à réfléchir sur leur sort : une scène saisissante montre cette famille nombreuse dans la cour d'une école sans toit sur les murs de laquelle on voit des slogans du part Baath et la photo de Hafez Al-Assad. On ne saurait être que triste devant la vie des habitants en temps de guerre et de privations que le film présentée avec réalisme à travers les files d'attente pour le pain et les bébés en poussette observant des missiles en plein ciel. Dans le générique de fin, il dédie son film à la mémoire de Soghomon Tehlirian, survivant du génocide arménien, qui rendit justice au million et demi de victimes en abattant le cerveau de ce crime, Talaât Pacha, dirigeant Jeune-Turc, en plein jour à Berlin. Avo Kaprealian, né en 1986 à Alep, est d'une famille syro-arménienne. Il a quitté sa ville natale pour faire des études théâtrales à l'institut supérieur d'art dramatique d'où il obtient son diplôme en 2011. Il a participé à plusieurs ateliers de cinéma organisés par DocMed, Bidayyat pour l'art audiovisuel et Ecran Beirut pour le développement des idées de films. «Manazil bila Abwab» son premier long-métrage a été filmé en entier par lui-même. En 2012, Il a réalisé « juste encore deux pas » un court-métrage (04:09 min) qui a été projeté au Festival international du film d'Erevan. D'une durée de 90 minutes, « Maisons sans portes » aurait la qualité d'un film et d'un documentaire à la fois. Un film parce qu'il rassemble des acteurs interprétant des rôles dans le cadre d'un scénario; un documentaire parce qu'il présente des recherches et des témoignages sur des questions concernant la vie de personnages réels. Techniquement, le film est réussi et les scènes sont habilement ficelées par un réalisateur de grand talent.