Suite au full audit des banques publiques lancé par le gouvernement tunisien, une éventuelle fusion est prévue entre deux ou trois banques publiques (STB, BH, BNA), entrant dans le cadre des réformes du secteur bancaire, entrepris par le gouvernement. M. Chedly Ayari, gouverneur de la BCT, a dernièrement déclaré que les banques publiques soumises à un full audit pourraient être fusionnées, tout en gardant leur statut actuel ou adopter la démarche PP pour être plus performantes. Cette fusion doit faire naitre un mastodonte, vu l'éventuelle augmentation des ressources et des fonds propres ainsi que l'amélioration de marge de manœuvre et des parts de marché surtout que le nouveau décret loi a donné plus de souplesse de gestion et, en conséquence, une maitrise des charges et un coût moindre. Face à ce mastodonte, comment vont répliquer les banques privées ? La fusion n'est pas un exercice nouveau en Tunisie. Rappelons que la première expérience de ce genre eu lieu en octobre 1989 en vue d'unifier les principales structures du crédit agricole, lorsque la Banque Nationale de Tunisie (BNT) et la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA) ont uni leurs sorts. La Banque a pris sa nouvelle enseigne : Banque Nationale Agricole. Dix ans plus tard –en 1999- la STB a absorbé la Banque de Développement Economique de la Tunisie (BDET) et la Banque Nationale de Développement Touristique (BNDT). Certains experts refusent l'idée de la fusion des banques publiques, rappelant, au passage, l'échec des trois banques, en l'occurrence la STB, la BNDT et la BDET. D'autres présument qu'aucun scénario (fusion ou privatisation) ne peut être envisagé et mis en œuvre avant d'assainir et de redresser ces banques. Tous ces avis ne peuvent pas dénier le succès que puisse réaliser une fusion des banques publiques, comme on en a déjà argumenté. Est-ce le cas pour les banques privées ?
Cartographie des banques privées Depuis sa création en 1958 jusqu'à la fin des années 80, le système bancaire tunisien était dominé par l'Etat. Toutes les manœuvres bancaires étaient strictement supervisées, les banques n'avaient aucune liberté : les taux, les crédits qu'elles pouvaient accorder, les méthodes de gestion, même les produits qu'elles proposaient devaient être conforme aux règles stipulées par la Banque centrale. Ce n'est qu'en 1990, que cette situation de récession a changé avec l'apparition de la réforme du marché financier qui a réduit relativement la répression financière. Vers la fin des années 90, le système bancaire tunisien a parallèlement consolidé la libéralisation financière, ce qui a permis un changement radical de la structure systémique. Cette dernière avait pour objectif de réduire cette situation de monopolisation en corrigeant l'inefficacité du surendettement et la déconcentration des banques tunisienne. Ce fut le cas, puisqu'elle a permis à un accroissement de la concurrence. En effet, les objectifs stratégiques du pays consistaient à l'ouverture du système financier tunisien, aussi bien au niveau régional qu'international. Ce changement leur a permis de se différencier en se spécialisant chacune dans une catégorie de métiers : à savoir les banques commerciales, les banques de développement, les banque offshores, les sociétés de factoring etc. De plus, le désengagement de l'Etat a aussi facilité l'entrée des investisseurs étrangers dans l'actionnariat des banques et l'implantation des banques étrangères dans le marché local. De ce fait, la structure de l'actionnariat bancaire étant plus équilibrée, elle a permis de classer l'essentiel des banques en trois catégories : – Les banques ayant une forte participation de l'Etat – Les banques à capitaux privés tunisiens, – Et enfin les banques à majorité étrangère La libéralisation financière aurait permis une augmentation massive et continue de la concurrence entre les banques tunisiennes mais aussi avec les banques étrangères. De plus, la globalisation a entrainé l'apparition de nouveaux produits, de nouvelles activités, etc. Ce qui a encore plus augmenté cette concurrence. Toutes les banques, qu'elles soient tunisienne ou étrangère, cherchent un seul objectif : « être meilleures que leurs concurrentes ». De ce fait, chacune vise à être efficiente, que ce soit au niveau du coût ou bien à celui des aspects techniques.
Les banques privées : un gros investisseur
Banque internationale arabe de Tunisie (BIAT) : Une des plus importantes banques privées de la Place avec comme principal actionnaire le groupe Mabrouk qui a entamé en 2005 une montée progressive dans le capital pour en devenir le premier actionnaire. Pour ce qui est de la qualité des actifs, la BIAT a payé une croissance trop rapide par un dérapage au niveau de ses créances classées qui sont longtemps restées insuffisamment couvertes par les provisions. Arab Tunisan Banque (ATB) : créée en 1982, son principal actionnaire est Arabe Bank avec 64% du capital. Elle est en partenariat avec des groupes privés tunisiens (Bayahi, Abbès…). Les groupes privés tunisiens ont constitué le fonds de commerce principal de la banque durant ses 25 ans d'activité. Le développement de l'ATB s'est fait de manière mesurée et la banque n'a entrepris que récemment une stratégie d'extension de son réseau (de 33 à 65 agences en 2 ans). La qualité des actifs de la banque se compare favorablement à la moyenne du secteur. Attijari Bank : ATTIJARI Bank, nouvelle dénomination de la Banque du Sud dont la privatisation a été achevée en 2005 avec l'acquisition des parts de l'Etat par un consortium formé de la banque marocaine Attijariwafa et de la banque espagnole Santander. La banque a entamé, depuis ce changement de contrôle, un plan d'assainissement d'un important stock de mauvaises créances qui s'est traduit par une perte record pour l'exercice 2006 : -176MDT ! Un assainissement qui devrait se poursuivre sur les 5 prochaines années, les fonds propres de la banque nécessitant d'être renforcés davantage malgré la levée de fonds, déjà réalisée fin 2006. Amen bank : banque privée avec comme principal actionnaire le groupe Ben Yedder. Elle opérait essentiellement dans le financement d'opérations foncières, et par la suite dans le financement des secteurs commerciaux et agroalimentaires pour devenir enfin une banque généraliste. Union internationale de banques (UIB) : banque privatisée en 2002 par la Société Générale qui détient 52% du capital. Les années qui ont suivi la privatisation (et à ce jour) ont été consacrées au nettoyage des mauvaises créances. Depuis sa prise de contrôle par SG, l'UIB a enregistré 4 exercices à l'équilibre, la banque ayant opté pour une constitution progressive des provisions (sans passer par des pertes). Union bancaire pour le commerce et l'industrie (UBCI) : banque commerciale privée dont le seul principal actionnaire est BNP Paribas qui détient 50% du capital. Créée depuis 1961, l'UBCI est longtemps restée une banque commerciale de taille moyenne enregistrant une expansion mesurée ; depuis 2005 la banque a entrepris une stratégie de développement plus ambitieuse avec un développement important de son réseau d'agence.
Banque tuniso Koweitienne (BTK) : créée en 1961, elle change d'appellation et devient la Banque tuniso-koweitienne BTK. Elle élargit son champ d'intervention par l'introduction de nouveaux métiers dévolus à la banque universelle. Ses principaux actionnaires sont l'Etat tunisien et l'Etat koweitienne. STUSID BANK : banque de développement mixte, elle sera transformée en un établissement de crédit en qualité de banque en 2005. Banque de Tunisie et des Emirats (BTE) : banque à caractère public. Elle a été une ancienne banque de développement à capitaux mixtes publics : Etat Tunisien – Etat des Emirats Arabes Unis qui détiennent respectivement 50% des droits de votes. Banque tuniso-Libyenne (BTL) : banque de développement mixte dont les principaux actionnaires sont l'Etat tunisien et l'Etat libyen. Tunisian Qatari Bank (TQB) : est une banque de développement à capitaux mixtes publics entre l'Etat tunisien et celui du Qatar. Elle a une forte chance pour qu'elle se développe en géant sur la place, vu l'engagement des Qataris. Il y a plusieurs possibilités de fusion telles qu'une fusion entre la BIAT et l'ATB, une deuxième fusion est possible entre UIB, UBCI et BTK..., et ce pour faire face à l'éventuelle méga fusion publique.
Un holding des banques privées est-il possible ?
Faute de fusion les banques privées, auront-elles recours à un holding ? En 2010, M. Taoufik Baccar, ex-gouverneur de la Banque Centrale, a déclaré la création d'un pôle bancaire public «Tunisie Holding». L'objectif était de satisfaire les besoins croissants d'investissement dans les secteurs stratégiques et des mégaprojets et accroître la taille de ses banques et de consolider leur positionnement à l'international afin de renforcer la compétitivité des établissements de crédit, particulièrement, des banques publiques et d'harmoniser leurs interventions. Ce pôle aura pour mission d'élaborer des stratégies et d'assurer le suivi des activités des banques publiques affiliées (STB, BNA, BH). Les banques à capitale mixte n'ont pas les mêmes structures des banques à capitale propre. Leur fusion peut donc générer une certaine problématique. Dans ce cas, il serait permis de se demander si leur fusion devrait se faire à l'intérieur du pays ou au contraire dans leurs pays d'origine. L'ex-gouverneur de la BCT a affirmé que la mise en place de ce holding n'aura pas d'impact sur la cotation en bourse de chacune des banques affiliées à cette structure, relevant la nécessité de déployer un effort d'information ciblant leurs actionnaires. Cette idée sera-t-elle reprise par les banques privées ??