Alors que le gouvernement actuel cherche à s'endetter auprès des bailleurs de fonds, à réduire les dépenses de l'Etat, et à imposer des hausses de prix de plusieurs produits et services, d'autres voix s'élèvent exigeant la nécessité d'entamer une réforme fiscale et une amélioration des recettes fiscales. Des experts ont affirmé que la fraude fiscale peut engendrer l'équivalent des recettes actuelles. Sur ce point, l'UGTT a mis certaines exigences pour un retour sur la table du dialogue national économique, et parmi lesquelles la levée du secret bancaire. Une mesure qui aura un impact important sur l'économie et le paysage bancaire tunisien. Nous venons d'apprendre de sources dignes de foi, et bien placées au ministère de l'Economie et des Finances, que le gouvernement est en train de réétudier la question, qui sera négociée en conseil des ministres, et qu'un projet de loi est en cours de préparation, ou peut-être dans le projet de loi des finance complémentaire. La levée du secret bancaire revient à permettre aux agents de la fiscalité d'exiger les extraits de comptes et les mouvements effectués par les personnes soumises au contrôle fiscal. Elle permet aussi à la Banque centrale d'avoir une copie des comptes bancaires des clients et pourra, elle-même, contrôler la gestion des banques et ses résultats. L'état actuel des choses : Le contrôleur fiscal, qui demande un extrait de compte du contribuable, et qui ne lé délivre pas dans les 10 jours qui suivent, pourra demander l'information directement à la banque. La levée du secret bancaire était une proposition du projet de loi des finances pour cette année, elle était même proposée dans la loi des finances complémentaires pour 2012. Sous la pression de certains lobbies, et vu l'impact économique important d'une telle décision, cette proposition a été retirée à la dernière minute. Le texte du projet de disposition dans la loi des finances était comme suit : « les services fiscaux pourront obtenir les extraits relatifs aux comptes ouverts chez les banques ainsi que la Poste Tunisienne, et ce, dans le cadre de l'harmonisation avec la convention d'assistance administrative et fiscale en vigueur pratiquée par le Conseil de l'Europe et l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) ». Actuellement, le secret bancaire est très réglementé en Tunisie. En effet, cette possibilité n'est valable que dans les cas suivants : -Redressement fiscal, et seulement pour une période de 3 ans, et après demande d'autorisation, -Soupçon de blanchiment d'argent, -Un jugement pénal, Selon l'article 17 du code des droits et procédures fiscaux, l'administration fiscale n'a le droit d'avoir, auprès des établissements bancaires et postaux, que les numéros des comptes (et non pas les opérations) qui se trouvent ouverts auprès d'eux durant la période non prescrite (vérifiable), et ce, uniquement, pour le contribuable qui se trouve en état de vérification fiscale approfondie. Dans le même cadre, l'administration fiscale n'a pas les moyens juridiques pour contraindre le contribuable vérifié à fournir ses relevés bancaires. Art. 17 du code des droits et procédures fiscaux « Le droit de communication, prévu par l'article 16 du présent code consiste, en ce qui concerne l'activité financière des établissements bancaires et postaux ,relative à l'ouverture des comptes, en la communication aux services compétents de l'administration fiscale sur demande écrite, dans un délai ne dépassant pas trente jours à compter de la date de la notification de la demande, des numéros des comptes qui se trouvent ouverts auprès d'eux durant la période non prescrite, de l'identité de leurs titulaires ainsi que la date d'ouverture de ces comptes lorsque l'ouverture a eu lieu durant la période susvisée et la date de leur clôture lorsque celle-ci a eu lieu au cours de la même période. Le droit de communication prévu par le paragraphe premier du présent article ne s'applique qu'aux contribuables se trouvant en vérification approfondie de leur situation fiscale à la date de la présentation de la demande. Le droit de communication prévu par le présent article s'exerce par les agents de l'administration fiscale habilités à cet effet. La levée du secret bancaire facilitera certainement le travail des contrôleurs fiscaux, et réduira la fraude fiscale et la dissimulation de certains revenus qui ne sont pas imposables. Cette mesure devient urgente, vu que, selon des études sérieuses, le secteur informel représente en Tunisie entre 40 et 50% du PIB. Des impacts désastreux Si une telle mesure pourra réduire l'évasion fiscale, et améliorer les recettes fiscales, elle aura un impact sur la situation économique et des banques principalement. En effet, on pourra assister à un retrait massif des avoirs en banques et par conséquent un manque de liquidité, qui ne fera qu'aggraver la situation des banques. L'investissement sera certainement frappé de plein fouet. Certains investisseurs étrangers pourront aussi retirer massivement leur argent, pour un rapatriement rapide, et cacher l'argent dans d'autres lieux plus sûrs. Cette mesure, si elle est confirmée dans les prochains jours, n'aura de sens que dans le cadre : -D'une réforme globale de la fiscalité, -D'une réforme du secteur bancaire. Notre source du ministère des Finances et de l'Economie nous affirme que le retour de l'UGTT autour de la table des négociations au dialogue national économique, est un signe fort dont le gouvernement a approuvé l'exigence et a promis de la concrétiser. Lors de la rencontre du président du gouvernement avec les directeurs généraux des banques, nous avons appris que la question a été posée, et que les banquiers ont montré un refus total, et une opposition farouche à ce projet. Sur un plan d'équité et de justice, la levée du secret bancaire est un bon outil pour convaincre les Tunisiens des réformes et augmentations de prix à faire. Le sentiment de voir tout le monde traité de la même manière, riche comme pauvre, facilite l'adhésion aux choix du gouvernement. Cette affaire risquera de faire couler beaucoup d'encre dans les prochains jours.