La Tunisie vit une situation économique et financière peu recommandable, surtout avec la multiplication des revendications sociales, l'acuité du chômage et la quasi-absence de programme de développement fiable, en plus de l'absence d'investissement, avec des hommes d'affaires locaux très réticents à investir, par manque de moyens et de visibilité, et des capitaux étrangers qui s'amenuisent de jour en jour, surtout en l'absence d'une législation incitative qui peut les allécher. L'assouplissement de la réglementation des changes est donc inéluctable, surtout que c'est un atout majeur pour la redynamisation d'une économie moribonde pour laquelle les politiciens continuent à mettre les bâtons dans les roues. Dans ce contexte peu reluisant, les compétences tunisiennes, loin de toutes visées politicardes cherchent des issues pour remettre l'économie et les finances tunisiennes sur les rails et, à cet effet, l'Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (APTBEF) et l'Institut arabe des chefs d'entreprises (IACE) viennent d'organiser, sous l'égide de la Banque centrale de Tunisie (BCT), un atelier de travail auquel elle a convié des financiers et des hommes d'affaires, sous le thème « Quel nouveau sequencing dans l'assouplissement de la règlementation des changes en Tunisie». Cette manifestation entre dans le cadre de l'élaboration des mesures visant à assouplir la règlementation des changes et à introduire de nouveaux mécanismes au niveau du marché des changes, de même qu'elle a pour objectif de partager les témoignages des opérateurs économiques sur les problématiques liées à la réglementation des changes en Tunisie. Un tableau noir de la situation Lors de son allocution introductive, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Chédly Ayari, n'a pas manqué de dresser un sombre tableaui de la situation financière en Tunisie, tout en évoquant les tergiversations à l'Assemblée des représentants du peuple concernant la nouvelle loi sur les banques dont la discussion n'a que trop duré et qui devait être présenté, hier devant les députés. Il a critiqué en passant certaines mesures gouvernementales qui alourdissent la balance commerciale, notamment l'importation des voitures populaires qui doivent coûter la bagatelle de 1,5 milliard de dinars en devises sonnantes et trébuchantes, alors que les réserves du pays ne cessent de régresser, pour atteindre les 109 jours d'importation. Parmi les mesures préconisées par le gouverneur de la BCT, il y a, en particulier, l'appel à ne pas dépasser le niveau programmé depuis le début de l'année, pour la dette, la sur-taxation des produits d'importation et de rendre chères les importations, tout en jugeant que les produits importés sont sous-payés, en cette conjoncture difficile. Le gouverneur de la BCT a, en outre, présenté le Policy Report dont il a rédigé la préface, en expliquant que l'assouplissement de la réglementation des changes en Tunisie est une nouvelle génération de réforme majeure pour le financement et l'attractivité des investissements. Il a expliqué que « les réformes engagées, récemment, par la BCT, qu'il s'agisse de la nouvelle loi fixant les statuts, adoptée en avril 2016, ou de la nouvelle loi bancaire, adoptée en mai 2016, constituent indéniablement des avancées majeures qui fournissent un cadre propice à une nouvelle phase de la libéralisation des changes en Tunisie ». Chédly Ayari a, d'autre part, affirmé que « Dans le contexte actuel de post-transition caractérisé par une pénurie de l'épargne nationale, la libéralisation envisagée est d'autant plus opportune pour la mobilisation des ressources externes nécessaires au financement des réformes, des déficits courants et budgétaires, mais aussi des investissements. L'attractivité recherchée des ressources va, aussi, de pair avec l'objectif de facilitation de la dynamique d'internationalisation des entreprises tunisiennes pour une meilleure compétitivité de l'économie nationale. La touche des professionnels La session plénière de l'atelier a été consacrée au thème de « l'assouplissement de la règlementation des changes en Tunisie : matrice des réformes, positions institutionnelles et témoignages des acteurs économiques » Le président de l'APTBEF, Ahmed El Karam, modérateur de la session plénière a introduit les débats et présenté un exposé des motifs de la manifestation. Il a, en outre, donné un aperçu sur le Policy Report élaboré conjointement par l'APTBEF, l'IACE et la BCT et qui dresse l'état des lieux en matière de réglementation des changes, en détaillant la matrice des propositions exécutives avancées par la BCT. Le document présente, en parallèle, les résultats d'une consultation élargie auprès des acteurs institutionnels, bancaires et financiers, ainsi qu'auprès des opérateurs économiques tunisiens, avec des recommandations pour la levée des obstacles majeurs de la réglementation des changes. Lui succédant, Mme Faiza Feki, directrice générale des opérations de change à la BCT a indiqué que la Banque centrale de Tunisie présentera, dans quelques mois, au gouvernement son projet d'assouplissement de la réglementation des changes en Tunisie. Ce projet vise principalement, la simplification des procédures de transferts des devises pour les non résidents et l'allègement des procédures relatives à l'internationalisation des entreprises résidentes, a-t-elle indiqué. La DG a fait savoir que la BCT a élaboré conjointement avec l'APTBEF et l'IACE, un rapport stratégique englobant toutes les propositions relatives à la réforme de la réglementation des changes en Tunisie. Promotion du commerce international L'objectif de cette réforme est d'assurer l'attractivité des investissements ainsi que la promotion du commerce international, en boostant les exportations tunisiennes, à un moment où la balance commerciale est déficitaire de 12 millions de dinars (MD) en moyenne par an, et en relevant également le niveau des réserves en devises, qui représente actuellement, 109 jours d'importation, a préciséMme Féki. Elle a souligné que, par rapport à la réglementation actuelle, la réforme de la réglementation des changes propose l'augmentation du plafond d'investissement permettant à une entreprise résidente de sortir sur le marché étranger, tout en fixant certaines conditions relatives à la durée de l'implantation de l'entreprise en Tunisie (5 ans minimum), à sa situation financière en terme de tenue des états financiers qui devront être certifiés par un expert comptable et à sa situation fiscale. D'après la responsable, ces conditions permettront de protéger l'économie des risques de la libéralisation du système des changes, notamment en termes de fuite des capitaux déguisés. De son côté, le gouverneur de la BCT a indiqué que cette réforme du système des changes permet de faciliter les opérations de change pour l'investisseur en terme de détention des devises, partant de l'idée que la croissance du pays est liée à la prospérité ou au déclin du secteur privé. Il a, en outre, expliqué que les réformes récemment engagées par la BCT constituent indéniablement des avancées majeures qui fournissent un cadre propice à une nouvelle phase de libéralisation des changes en Tunisie. Dans ce sens, Chédly Ayari a ajouté que dans le contexte actuel post- transition caractérisé par une pénurie de l'épargne nationale, la libéralisation envisagée est d'autant plus opportune pour la mobilisation des ressources externes nécessaires au financement des réformes, des déficits courant et budgétaire et aussi des investissements. Il a, en outre, appelé à ne pas avoir peur de la volatilité et souligné que cette année sera celle des réformes et de la rupture avec le conservatisme, surtout qu'on ne peut pas faire autrement, tout en affirmant que la Tunisie a une dizaine d'années de retard sur les pays émergents, dans le domaine de la réglementation des changes. Participation étrangère de 27% à la capitalisation boursière De son coté Mehdi Ben Mustapha, directeur au département des affaires juridiques et internationales au Conseil du Marché Financier (CMF) a appelé à la libéralisation progressive des changes, en concertation avec les différents intervenants, faisant remarquer que la participation étrangère en bourse représente 27% de la capitalisation boursière, ce qui place la Tunisie en très bonne position comparée à d'autres places et pourrait être améliorée avec l'assouplissement de la réglementation des changes. Pour sa part, Hichem Elloumi, président de la COFICAB et vice-président de l'UTICA a affirmé que la réforme du système des changes permettra à la Tunisie d'être une plateforme internationale compétitive et attractive. Il a, en outre, souligné que l'entrepreneur tunisien doit disposer d'armes pour se battre contre ses homologues étrangers La session parallèle de la manifestation a a été consacrée à la « levée des obstacles majeurs de la réglementation des changes : regards croisés des acteurs bancaires, financiers et de la profession comptables », avec des interventions de Lassaad Jouini, directeur à la Société tunisienne des banques (STB), Fadhel Abdelkefi, directeur général de Tunisie Valeurs et de Chiheb Ghanmi, représentant l'Ordre des experts-comptables qui a appelé à la création de beaucoup de missions pour son corps de métier qui est un élément moteur dans la réglementation des changes. Le ministre des Finances, Slim Chaker qui devait présider la séance de clôture a fait faux bond, ce qui a permis de gagner un peu de temps. F.S.