Dans un entretien accordé à « lepoint.fr », le président de l'Instance nationale de lutte contre la corruption, Chawki Tabib comprend les ressorts de ce fléau qui ronge le pays. Chawki Tabib répond à plusieurs questions. Nous avons choisi 3 réponses qui concernent le bilan de Yousef Chahed:
-Quel est le bilan de cette opération personnifiée par Youssef Chahed ? Ch .T : Il y a deux bilans à faire. Celui de l'effort national de la lutte contre la corruption que je qualifie de positif même si on a perdu beaucoup de temps. Lorsque vous avez quelqu'un qui a un cancer, la première étape est qu'il en soit conscient et qu'il accepte d'être soigné. Cette étape, nous l'avons franchie. Je peux vous assurer que jusque début 2016, certains ministres se sont permis de me contredire de façon violente, genre « le président de l'Instance exagère lorsqu'il s'attaque aux cadres et aux compétences de l'administration, lorsqu'il parle de la malversation dans les marchés publics, les douanes... » Et le bilan du chef du gouvernement ? Ch .T : Ça fait deux mois. C'est un peu tôt. On le fera après cent jours. Supposons que l'on exprime des doutes, des choses qui ne sont pas encore confirmées, on risque d'affaiblir cette campagne. Il faut des opérations mains propres ! Avec une stratégie de démantèlement du système parce que la corruption en Tunisie est un système. Pour revenir à ce chiffre que 52 % de l'économie est parallèle, on dépasse le critère international qui dit que si la contrebande dépasse les 20 %, elle ne peut se faire qu'avec la complicité des agents de l'Etat et des politiques. Nous, nous avons dépassé les 50 %. Le chef du gouvernement est le chef de la Douane, des entreprises publiques, des 600 000 fonctionnaires, ce qui va l'obliger à s'attaquer à ses proches. A-t-il la capacité et le courage de le faire ? Il faut lui laisser un peu de temps. Qui a intérêt à semer le doute sur Youssef Chahed ? Les corrompus. Si Chahed jette l'éponge parce qu'il ne se sent pas soutenu, nous l'aurons sur la conscience. Politiquement, il est très seul dans ce combat... Ch .T : Si on fait le bilan des principaux partis politiques au pouvoir en matière de lutte contre la corruption, c'est zéro résultat. On ne les entend jamais sur le sujet de la corruption. Jamais. Ils sont derrière toutes les entraves envers l'INLUCC. Ils ne veulent pas d'une instance indépendante de lutte contre la corruption. Le loup est dans la bergerie.