Saloua Mestiri nous présente son deuxième recueil de poésie. Après « d'une rive... l'Autre » voilà qu'elle nous propose « Je te nommerai » publié chez Contraste Editions. Etalés sur cent douze pages, ses poèmes partagent les espaces avec des champs de lavis noir sur lesquels sont tracés à la main quelques-uns de ses vers. Les textes comme les dessins sont de son œuvre. Engageant une écriture en osmose avec l'univers, elle écrit : « Tu ne pourras fleurir De la lune en éclat et du croissant béat Qu'à l'heure ou ma page Pourra s'écrire, liée à l'encre du ciel mouillé ! » La poétesse semble vouloir inscrire le regard dans la plasticité des lettres et des mots, souvent négligés par l'usage de polices codifiées, tant il est vrai que les caractères manuscrits véhiculent un quelque chose qui souvent s'égare dans les touches du clavier. Une forme qui initie le lecteur à un mode du regard singulier qui propose une lecture plurielle. Notons que la poétesse, universitaire dans une école des beaux-arts, maintient que la pratique artistique telle qu'elle la conçoit ignore les murs virtuels qui séparent les différentes disciplines. Ecrire c'est à l'occasion aussi, dessiner. Les mots étant des figures qui racontent le monde dans lequel nous vivons. Elles le racontent par leur surface, leur mémoire accumulée, leur matière, leur légèreté et leur potentielle consistance. Nourrie par un souffle mystique, elle nous fait pénétrer par la magie des images figurées et mentales qu'elle invente un univers personnel et étrange mais si cohérent par l'unité qui le fonde. « J'ai la nostalgie de ce qui n'a pas été un poème ou les chrysanthèmes sont des lettres de feu allumées par des cierges décrochés des cieux… » Un enchantement par les mots qui n'a pas laissé Monsieur François Cheng, de l'Académie Française, insensible. Ayant reçu un exemplaire de l'ouvrage, il lui fait l'infinie privilège de recopier, à la main, deux de ses textes. La poésie de Saloua Mestiri, comme l'art dans ses formes multiples, nous sont urgents en ces temps ou nous piétinons, nos journées teintées de grisaille. Elle rappelle à celui ou à celle qui viendra à la rencontre de son recueil que, « C'est dans la fange que poussent les soleils .Leurs innombrables feuilles ont un gout de miel… »