La Commission des compromis peine à trouver un accord Le seuil électoral de la discorde… L'EXPERT – Depuis un certain temps, la question du seuil électoral occupe la première place, dans l'esprit des membres des partis politiques, surtout ceux qui sont considérés comme petits, alors que la question a plus d'importance que leurs préoccupations personnelles, ainsi que leur bien-être à l'Assemblée des représentants du peuple où ils pavanent comme des coqs, alors que le sort de leurs électeurs ne les préoccupe que, juste le moment où ils ont besoin d'eux pour une possible réélection. Comme on l'a, toujours, dit, le mouvement islamiste Ennahdha s'est taillé une constitution « révolutionnaire » sur mesure pour rester présent, éternellement, sur la scène politique. En parallèle, avec la manne de l'absence de seuil électoral, tous les créateurs de partis qui sont au nombre de plus de 219, actuellement, peuvent aspirer à se faire élire, avec, tout simplement, le plus grand reste… ce qui est le comble de l'ironie. Pourtant, un seuil électoral de 5% des électeurs peut permettre d'avoir une majorité solide à l'ARP, avec les moyens pour diriger le pays, grâce à programme économique et social pour lequel elle doit rendre des comptes, auprès des électeurs. Mais, cela ne semble pas plaire aux dirigeants des 219 partis qui circulent, dans le pays, parfois à travers le simple quitus qui leur permet d'exister, parce que leur égo leur fait penser qu'ils peuvent manger une part du gâteau qui est distribué à nos honorables députés. Ainsi, et vu la situation de tous les partis politiques, même ce qui sont considérés comme grands, la terreur s'est installée dans la classe politique qui est, sûrement, consciente qu'elle a perdu toute crédibilité auprès du citoyen. C'est pour ces raisons qu'aucun consensus n'a pu être trouvé concernant ce seuil électoral de la discorde, avec des chefs des blocs parlementaires qui cherchent de trouver une échappatoire, pour avoir une chance de faire, encore, une fois, partie des membres de l'Hémicycle. De nombreuses réunions de la Commission des compromis de l'ARP ont été vouées à l'échecet n'avaient pas permis de trouver un accord sur les points de friction concernant le projet de loi amendant et complétant la Loi organique sur les élections et référendums. Les principaux amendements sont liés au seuil électoral et au financement des partis. Au cours de l'une de ces réunions, la commission a procédé en urgence à l'audition du président de l'Instance Supérieure Indépendante pour les Elections (ISIE), Nabil Baffoun. Ce dernier a tenu à préciser que l'avis de l'Instance au sujet du seuil électoral serait purement technique. Ainsi, le président de l'ISIE a présenté une simulation des élections législatives de 2014 en appliquant le nouveau seuil électoral de 5 pc dans le but de montrer les effets de la prise en compte dudit seuil sur le nombre de voix, ainsi que la différence entre l'adoption de ce seuil et sa non-adoption. Baffoun a fait observer que le critère du seuil électoral n'a pas été appliqué dans les élections législatives précédentes, lesquelles ont adopté la méthode au plus fort reste. Il a mentionné, également, que le seuil de 3 pc a été appliqué uniquement lors des municipales de mai 2018. Pour le président de l'ISIE, le problème réside dans le nombre de voix qui ne seront pas comptées et qui n'auront aucune représentativité au sein du parlement, d'autant plus qu'aucune partie ne pourra en tirer un certain avantage. « La prise en compte du seuil électoral est une question purement politique. Certes, l'ISIE a des solutions pour cette question mais elle préfère s'abstenir », a déclaré Baffoun. De son côté, le député Ghazi Chaouachi (Bloc Démocratique) a fait savoir qu'il existe des voix concordantes pour convenir d'un seuil électoral de 3 pc, cependant le problème demeure pour ce qui est de la méthode de décompte du quotient électoral (le nombre total des voix). Chaouachi a estimé qu'on pouvait faire le décompte du quotient électoral pour ceux qui ont réussi à avoir un nombre de voix proche du seuil électoral, et ce, dans le but de diversifier le paysage parlementaire, de donner plus de chance à la représentativité et éviter le gaspillage des voix des électeurs. Toutefois, la diversification du paysage politique ne permet pas de mettre en place un gouvernement solide à qui on peut demander des comptes, ce qui est le cas, actuellement. Le député du bloc démocratique a souligné que les mouvements Ennahdha et Nidaa Tounes ont raflé 71 pc des sièges lors des élections législatives de 2014. Avec l'application d'un seuil électoral de 5 pc et la non prise en compte du quotient électoral, les deux mouvements auraient à, eux seuls, 85 pc des sièges. « Avec ce nouveau paysage parlementaire, l'opposition se trouvera dans l'impossibilité de déposer des recours pour inconstitutionnalité des lois, parce que le recours exige l'aval de 30 députés au moins », a-t-il ajouté. Par ailleurs, un des différends exposés lors de cette réunion consistait en la suppression ou non du 5e paragraphe de l'article 121 de la loi sur les élections et référendums. C'est une proposition présentée par le bloc al-Horra de Machrou Tounès et approuvée par celui de Nidaa Tounès. Le groupe d'Ennahdha et le bloc démocratique rejettent cette proposition. Le 5e paragraphe de l'article 121 dispose que « Ne peut figurer parmi les membres ou les présidents des bureaux de vote, toute personne ayant assumé une responsabilité au sein des structures du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD dissous) conformément aux dispositions du décret n°2011-1089 du 3 août 2011. Le président du bloc al-Horra, Hassouna Nasfi, a indiqué dans une déclaration aux médias, plus tôt, que le groupe Ennahdha n'a pas encore tranché concernant l'annulation ou non de ce 5e paragraphe. Cela a une explication, parce que le mouvement islamiste veut offrir cette opportunité aux membres du RCD qui ont rejoint ses rangs, et ils sont nombreux, plutôt qu'aux autres. Autre différend débattu lors de cette réunion : une proposition d'amendement de la loi électorale, présentée par le groupe parlementaire de Nidaa Tounes, relative à l'interdiction de ce qu'on appelle « le tourisme partisan ». Celle-ci stipule l'ajout d'un nouvel alinéa à l'article 34 selon lequel tout élu perd automatiquement son siège s'il démissionne du parti, du mouvement ou de la coalition qui l'a porté candidat à toute instance élue (…) ou du bloc parlementaire auquel il appartient. Dans des déclarations à l'Agence TAP, plusieurs députés ont remis en question la constitutionnalité de cette proposition d'amendement. Selon eux, la proposition d'amendement de Nidaa Tounes est une « initiative législative et non un amendement de la loi électorale ». De ce fait, il faut s'interroger d'abord sur le degré de constitutionnalité de cette proposition et la manière de l'examiner, ont-ils préconisé. Mardi, la plénière de l'Assemblée des représentants du peuple consacrée à l'examen des amendements apportés au projet de loi relatif aux élections et référendums a été marquée par de vives tensions entre les députés réfractaires et ceux favorables aux propositions d'amendement, notamment celle relative au seuil électoral. Les députés indépendants et de l'opposition rejettent le fait de porter le seuil de représentativité électorale à 5 pc et soutiennent son maintien autour de 3 pc. Et, en effet, comme le démontre le spectacle actuel, il sera difficile de passer à une autre étape qui peut aider le pays à redécoller, par la simple volonté de ces moins que rien qui ont bénéficié du plus fort reste et qui croient qu'ils sont importants dans ce paysage politique des plus médiocres. Faouzi Snoussi