Maintien du gouvernement Chahed Nouvelle volteface en vue d'Ennahdha ? L'EXPERT – Le mouvement islamiste Ennahdha est comme une couleuvre qui change de couleur, chaque fois que la situation l'exige et les déclarations faites dimanche par le président du mouvement Rached Ghannouchi ont suscité diverses réactions dans la classe politique tunisienne. Les Islamistes avaient tenu tête au président de la République, Béji Caïd Essebsi, en soutenant le gouvernement de Youssef Chahed, après y avoir apporté les remaniements qui lui servent. Elle avait argué que l'objectif était la stabilité politique du pays. Mais, maintenant, cela semble que ce n'est plus sa préoccupation. Rached Ghannouchi avait assuré dimanche à Monastir que son parti se concerte avec toutes les parties au sujet de la possibilité de maintenir le gouvernement Chahed jusqu'aux élections prévues fin 2019 ou de le remplacer par un cabinet de technocrates ou par un gouvernement chargé de l'organisation des élections. Selon certains politiques, les déclarations de Ghannouchi viennent confirmer la conviction que le mouvement Ennahdha continue ses manouvres politiques pour faire pression sur ses alliés et les utiliser dans le but d'imposer ses positions et ses agendas. D'autres estiment que les positions d'Ennahdha ne constituent pas une surprise. La volteface du parti au gouvernement Chahed et le fait d'insinuer la possibilité de le changer par un gouvernement de technocrates ou d'élections étaient prévisibles. Ennahdha développe des craintes face à l'extension du nouveau parti Tahya Tounès. Mais selon le député Ali Larayedh, Ennahdha a déjà exprimé clairement sa position envers le gouvernement qui doit se focaliser, d'après le parti, sur la lutte contre la cherté de la vie, la lutte contre la corruption, la réalisation de réformes et la réussite des prochaines élections. Larayedh a affirmé que son parti continue à soutenir le gouvernement Chahed. « (…) Nous constituons avec Machrou Tounès, Al Moubadara et le nouveau parti Tahya Tounès, la ceinture politique du gouvernement ». Et d'Ajouter « nous sommes persuadés que ce gouvernement doit rester jusqu'au parachèvement des élections ». Le député a toutefois souligné l'importance, pour le gouvernement, de se tenir à égal distance de tous les partis et de ne pas utiliser les ressources de l'Etat au profit d'un quelconque parti. Larayedh a précisé que le président du mouvement avait affirmé au début de sa déclaration que le gouvernement Chahed sera maintenu jusqu'à l'organisation des élections et que toute autre opinion ou possibilité sera discutée en temps voulu. De son côté, SlahBergaoui (Machrou Tounès) considère que les déclarations de Rached Ghannouchi étaient prévisibles. Il a fait remarquer que ceux qui connaissent Ennahdha savent pertinemment, que ce parti utilise ses alliés pour imposer ses positions. Des partis comme Ettakattol, Le Congrès pour la République et Nidaa Tounès ont fait les frais des manouvres politiques d'Ennahdha, a-t-il dit. Les déclarations de Ghannouchi pourraient être une réaction à l'idée de voir Youssef Chahed utiliser sa fonction à la tête du gouvernement dans la promotion de son parti. Walid Jalled, membre du parti Tahya Tounès (en cours de création), a fait savoir que le groupe de la Coalition nationale qui soutient le gouvernement Chahed et dont est issu le nouveau projet politique Tahya Tounès, est attaché à la stabilité politique « qui a donné ses fruits », selon ses dires. Jilani Hammami (Front populaire) estime, pour sa part, que le mouvement Ennahdha doit être aujourd'hui convaincu que Youssef Chahed se tourne vers l'élection présidentielle et qu'il profite de sa positon à la tête du gouvernement. Ce qui explique, selon lui, les insinuations de rupture Ennahdha-Chahed. La position d'Ennahdha sera plus explicite et plus stricte dans les prochains jours en exigeant la destitution du gouvernement Chahed et la composition d'un nouveau gouvernement qui prendra en charge l'organisation des élections, surtout que le mouvement Ennahdha sait parfaitement que Chahed utilise les appareils de l'Etat pour le compte de son propre parti. Ce dernier a pour objectif de rafler 109 sièges au sein de l'ARP lors des prochaines élections législatives et garantir ainsi la majorité absolue. Ennahdha craint justement cette probabilité, parce qu'il veut demeurer le bloc majoritaire au parlement et maitriser ainsi les futures alliances. A ce propos, Hammami a estimé que les » vrais calculs » entre les composantes de la coalition au pouvoir ont d'ores et déjà commencé, entrainant ainsi le pays vers une nouvelle crise. De son coté la députée du bloc démocrate Samia Abou considère Rached Ghannouchi comme étant le » seul vrai dirigeant du pays, faisant observer que Chahed est resté dans ses fonctions car Ghannouchi n'a pas soulevé la question de son départ. Pour elle, il a suffit pour le président d'Ennahdha d'aborder la question pour que le débat sur le sort du gouvernement Chahed soit relancé. « Ennahdha a besoin de se réconcilier avec le président de la République pour garantir la paix et le déroulement des élections », a-t-elle estimé. Pour sa part Zouhaier Maghzaoui (Echaâb) a indiqué que la déclaration de Ghannouchi sur la possibilité de se débarrasser de Chahed prouve qu'Ennahdha ne respecte pas ses principes quant à son alliance avec le chef du gouvernement et vis-à-vis de la stabilité du gouvernement. Hassan Amari du Bloc Nidaa Tounès, a estimé que les propos de Ghannouchi démontrent le changement radical de sa position vis-à-vis du chef du gouvernement, surtout après la visite de Chahed à Paris, qui, a-t-il dit, visait à faire connaitre son nouveau parti » Tahya Tounès « . « La position de Nidaa Tounès quant au départ du gouvernement n'a pas changé, étant donné la crise politique actuelle causée par ce même gouvernement. Le revirement dans la position d'Ennahdha vise à mettre la main sur les rouages de l'Etat surtout avec le mouvement attendu dans le corps des gouverneurs et délégués », a déclaré Amari. Les prochains jours seront, certainement, pleins de bouleversements, si Ennahdha ose changer son orientation à propos du gouvernement Chahed. Et là ce sera un véritable nouveau bras-de-fer dont l'issue demeure, encore, inconnue.