La situation de l'enseignement en Tunisie, dans le primaire, le secondaire et, maintenant, le supérieur, pousse à croire qu'il y a un plan ourdi pour mettre à mal le secteur de l'éducation et lui faire perdre la renommée acquise, depuis que le leader Habib Bourguiba. L'actuelle année scolaire et universitaire est un véritable désastre pour les élèves et les étudiants, parce qu'il est impossible de recoller les pots cassés et rattraper le temps perdu. Et dès lors, va-t-on poser des sujets d'examen sur mesure ou pénaliser les élèves, surtout, pour les cours qu'on ne leur a pas dispensés. Pour l'enseignement supérieur, c'est encore pire, avec le conflit entre le syndicat IJABA et l'autorité de tutelle Des milliers d'étudiants sont dans l'attente d'une solution entre ces deux belligérants, avec des enseignants universitaires chercheurs qui ont placé la barre très haut dans leurs revendications qui ont mis sur leur dos les simples enseignants universitaires, en plus, et le ministère qui ergote et qui fait-fi de l'avenir des étudiants, simplement pour avoir gain de cause. Les deux ont fait beaucoup de mal au pays et à leurs protégés qu'ils sont censés conduire vers davantage de connaissances et de savoir, pour devenir les futurs décideurs, pour beaucoup d'entre eux. Le mal qui a été fait aux étudiants est irréversible, surtout pour ceux qui sont en fin de cycle LMD (Licence, master, doctorat) dans certaines filières et qui n'ont obtenu leurs notes et ne disposent pas d'encadreurs pour leurs projets de fin d'études. Il y a, aussi, les étudiants qui voulaient chercher à s'inscrire dans des établissements universitaires à l'étranger et qui n'ont pas pu le faire, avec des délais qui sont, actuellement, dépassés. Le conflit est maintenant entre les mains du tribunal administratif qui doit trancher. « Nous appliquerons la décision du tribunal administratif quelle qu'elle soit », a souligné, récemment, Najmeddine Jouida, coordinateur général de l'union tunisienne des enseignants universitaires chercheurs tunisiens (IJABA). Dans une déclaration, le responsable syndical a indiqué que l'Union a intenté un procès en urgence devant le tribunal administratif le 22 mars dernier et elle attend actuellement sa décision pour trancher dans la crise entre IJABA et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Mais, la justice ne semble pas pressée de trancher, malgré l'urgence d'une solution pouvant dissuader l'une des deux parties… et cela ne fait que confirmer l'idée du complot contre notre enseignement public. Echange d'accusations Jouida a accusé le ministère de tutelle d'être responsable de cette crise qui s'est accentuée avec le gel des salaires des grévistes. Ces derniers défendent, selon la même source, leurs revendications légitimes. « Lancé depuis le 25 mars dernier, notre sit-in se poursuivra à l'intérieur du ministère de l'enseignement supérieur tant que la décision abusive et illégale de gel des salaires des enseignants universitaires n'a pas été suspendue », a-t-il dit. Dans ce contexte, il a signalé qu'environ 200 policiers ont tenté, jeudi soir, de suspendre par la force le sit-in des enseignants universitaires qui ont tenu à poursuivre leur mouvement de protestation. « Le ministère pouvait geler au moins une partie du salaire mais il a décidé d'aller plus loin en privant les enseignants universitaires de tous leurs droits y compris leur assurance maladie, ce qui est complètement illégal », a-t-il indiqué. Pour sa part, Driss Sayah, conseiller auprès du ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique a souligné que si aucune solution n'a été trouvée avant la fin du mois d'avril en cours, le ministère sera obligé d'avoir recours aux solutions alternatives pédagogiques et légales et ce, après concertation avec le conseil des universités et des instances élues afin de préserver les droits des étudiants. « Dans certains établissements d'enseignement supérieur, il existe des étudiants qui n'ont passé aucun examen depuis le début de l'année et c'est absolument inadmissible », a-t-il dit. Le responsable a précisé qu'ils sont environ 700 enseignants universitaires en grève, soit moins de 5% du total du cadre enseignant. Quelque 70 institutions supérieures et 10% des étudiants sont touchés par la grève des enseignants, selon la même source. Une honte pour le ministère Cela implique, que les responsables du ministère de l'Enseignement supérieur et à leur tête leur ministre nahdhaoui acceptent de faire le sacrifice de 10% des étudiants, ce qui est une honte pour un pays qui se prévaut de défendre les droits du citoyen à l'éducation. C'est une honte, aussi, de voir que les pouvoirs publics n'arrivent pas à se mettre d'accord avec un syndicat, juste parce qu'il ne représente que 700 enseignants universitaires chercheurs qui sont la crème de l'élite tunisienne et qui auraient pu aspirer à un avenir meilleur en allant monnayer leurs compétences hors du pays. Et le comble est que le ministère veut sacrifier aussi des étudiants, futures élites qui vont passer une année blanche. Sayah a souligné que le dialogue restera la meilleure solution pour sortir de la crise et terminer l'année universitaire dans de bonnes conditions. Dans ce cadre, il a indiqué que le ministère avait reçu la commission de l'éducation, de la recherche scientifique, de la jeunesse et des affaires culturelles au parlement qui a proposé d'être le médiateur dans cette crise. « Les députés ont approuvé les propositions du ministère qui appelle IJABA à reprendre le dialogue et à établir un calendrier des examens du premier semestre même si c'est à partir de la fin du mois d'avril en contrepartie du versement des salaires gelés des enseignants universitaires mais IJABA a refusé cette proposition », a-t-il dit. Selon lui, le gel des salaires a été décidé pour travail non-accompli et après de longs mois de patience puisque ces enseignants universitaires ont boycotté les examens depuis le début de l'année. Gare aux conséquences ! S'agissant de l'assurance maladie, Sayah a souligné qu'en coordination avec le ministère des Affaires sociales, cette problématique sera régularisée incessamment et les enseignants universitaires pourront utiliser normalement leurs carnets de soin. D'après la même source, le ministère a aussi proposé la reprise des négociations et le démarrage de l'application de l'accord du 07 juin 2018 avec ses répercussions financières faisant remarquer que le ministère avait reporté les négociations avec IJABA au sujet du statut en attendant de consulter les autres parties concernées comme la Fédération générale de l'enseignement supérieur, les conseils scientifiques et le conseil des universités. A noter que les enseignants universitaires chercheurs revendiquent essentiellement l'application de l'accord du 07 juin 2018 portant sur la révision du statut des enseignants universitaires et l'amélioration des conditions de travail ainsi que l'ouverture d'un concours de recrutement pour les titulaires de doctorat dans toutes les spécialités et selon les besoins des établissements d'enseignement supérieur. Etant une minorité, certes, les enseignants d'IJABA ne font pas le poids devant le ministère de l'Enseignement supérieur. Toutefois, il faut se rendre compte qu'ils sont à un niveau qui permet d'évaluer les compétences de nos élites, et c'est ce qui est important et conduire à prendre en considération leurs revendications, sous peine de faire perdre une année à leurs étudiants. En parallèle, le durcissement du ton des professeurs universitaires chercheurs est suspect, surtout qu'ils sont conscient qu'en plaçant la barre très haut, ils ne pourront pas obtenir satisfaction. Pourtant, on a appris que les syndicats demandent beaucoup, pour obtenir quelque chose de moyen. Le retour à la table des négociations est la seule solution, avec l'urgence de trouver une issue. Dans le cas contraire, on va assister à un désastre programmé… et il est possible que les étudiants qui ont trop attendu la fin de la crise ne vont pas l'entendre de cette oreille, sans faire de dégâts et du grabuge pour se faire entendre… et ils ont le droit de le faire. Abou Naïm