L'une des réformes qui a été murement réfléchie et engagée sur le dossier des entreprises publiques, c'est certainement le choix et le mandat des représentants de l'Etat dans les conseils d'administration des entreprises publiques. Une réforme qui a été engagée par Taoufik Rajhi, alors ministre des grandes réformes, à la suite de multitudes tractations et réunions. L'aboutissement est la publication du décret gouvernemental n° 2020-314 du 19 mai 2020, fixant les principes relatifs au choix, à l'évaluation des performances des administrateurs représentant les participants publics et des administrateurs indépendants et à leur révocation. Ce décret prend effet à partir du mois de Janvier 2021, mais aucun signe de mise en œuvre n'est à l'horizon. La nomination des membres des conseils d'administration avant la réforme : Le grand sésame pour un fonctionnaire était sa nomination comme représentant de l'Etat dans un conseil d'administration d'une entreprise publique ou à participation publique. Pour être nommé, il faut soit avoir des compétences avérée dans le domaine d'activité de l'entreprise publique à laquelle on siège, ou être proche du pouvoir de décision c'est-à-dire le ministre en place, ou occuper un poste qui impose votre nomination tel que le Directeur général de l'aviation civile, qui siège au conseil d'administration de TunisAir,.... La pratique la plus courante dans les différents départements est que les nominations aux conseils d'administration se font sur la base des relations personnelles et les affinités politiques ou administratives. Le jeton de présence que perçoit le représentant de l'Etat dans le conseil d'administration, est assimilé à un complément de salaire. Cette conception de la représentation, et la méthode de nomination, a fait que dans une majeure partie des cas nous nous sommes trouvés avec des représentants incompétents et incompatibles avec le domaine d'activité de l'entreprise. Leur apport dans la gouvernance et la prise de décision est très réduit et inefficace. Cette situation est l'une des causes qui a impacté la performance des entreprises publiques. Afin de remédier à cette lacune, le gouvernement d'Elyes Fakhfakh, et sous la pression du FMI, avait engagé la réforme du mode de gouvernance des entreprises d'Etat, et qui était la réforme la plus simple et sans encombre. Le gouvernement doit s'appliquer : La publication du décret 2020-314 était en soi une révolution, car elle apporte un changement considérable dans le mode de gouvernance. Selon l'article 3 du décret 2020-314, les administrateurs représentant les participants publics et les administrateurs indépendants sont choisis par voie de concours. Le concours doit obéir aux principes de transparence, d'égalité de traitement des candidats, d'égalité des chances, de liberté de candidature. L'Article 5 du décret fixe les conditions à remplir par le représentant de l'Etat dans les conseils d'administrations, avec une nouveauté. En effet, les fonctionnaires des organes de contrôle et d'inspection ne peuvent pas postuler à ces postes, afin d'éviter tout conflit d'intérêt. Un contrôleur ou un inspecteur peut être amené à inspecter les affaires d'une entreprise publiques à la quelle il siège dans son conseil d'administration. « Les administrateurs représentant les participants publics aux conseils d'administration des entreprises publiques ou aux conseils de surveillance, sont choisis parmi les agents publics en activité ou en retraite, remplissant au moins les conditions suivantes : L'obtention de qualifications académiques adaptées aux missions assignées à l'administrateur, Les compétences nécessaires à l'optimisation de sa performance, La justification d'une expérience professionnelle d'au moins 5 ans dans le domaine de gestion ou de direction au secteur public ou privé ou dans les disciplines sectorielles dans lesquelles, l'entreprise objet de nomination, exerce ses activités. Le candidat ne doit pas être en situation de conflit d'intérêts au sens de la loi relative à la déclaration du patrimoine et d'intérêts, et à la lutte contre l'enrichissement illicite et les conflits d'intérêts, L'intégrité et la réputation, L'absence des interdictions légales prévues par la législation en vigueur. Les agents publics exerçant dans les instances de contrôle et les structures d'inspection ministérielles, administratives et techniques, et les instances de régulation, ne peuvent pas faire acte de candidature pour être membre aux conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques ». Selon l'Article 11 du décret, le choix des représentants n'est pas tributaire du ministre de tutelle, mais il est attribué à une commission qui est chargé de : Choisir et révoquer les administrateurs représentant les participants publics et les administrateurs indépendants. L'évaluation périodique de la performance des administrateurs. La proposition des programmes de formation des administrateurs. La commission est composée d'un contrôleur d'Etat, de la présidence du gouvernement (tutelle des entreprises publiques), du ministère des finances, … « Sont ajoutés obligatoirement à la composition de la commission deux experts au minimum choisis selon des conditions fixées par arrêté du Chef du Gouvernement », cet arrêté n'a pas vu le jour jusqu'à présent. Pressentant une résistance au changement, l'article 24 du décret était sans appel « La composition des conseils d'administration et des conseils de surveillance, est modifiée au plus tard le 31 décembre 2020, et à l'expiration de ce délai cessent d'être applicables les dispositions règlementaires contraires aux dispositions du présent décret gouvernemental ». Selon ce texte, tous les conseils d'administrations cesseront d'exercer d'ici le 1er janvier 2021. Face à ce texte, l'actuel gouvernement ne semble pas aller dans le bon sens. Une réforme qu'il a engagée, mais n'arrive pas à mettre en œuvre. Pour ne pas anticiper, laissons le doute de la bonne foie. Mais le scénario le plus probable sera certainement, l'allongement des délais d'application de ce décret, par un autre décret. Et les réformes atteindront encore plus.... ABOU. FARAH