Après la privatisation et l'ASSAINISSEMENT DES CREANCES DOUTEUSES, LES BANQUES CONSOLIDENT LEURS FONDS PROPRES ET SE PREPARENT POUR UNE NOUVELLE BATAILLE : LA QUALITE DES CONSEILS ET DES SERVICES. EN ATTENDANT UN ULTIME MARIAGE DE RAISON. « L'année 2008 a été excellente pour le secteur financier tunisien, avec des taux de croissance à deux chiffres pour la plupart des banques », confie avec un sourire entendu le vice-président directeur général d'Amen Bank, Ahmed El Karm. C'est sa réponse à ma question sur les risques encourus par la Tunisie à la suite de la crise économique mondiale. Le pays n'est pas à l'abri, loin de là, mais pour le moment les conséquences se limitent aux entreprises exportatrices qui approvisionnent en flux tendu les industries automobiles européennes et les magasins de prêt-à-porter. Les ventes ont baissé de 17,1% sur les deux premiers mois de l'année, mais elles restent bien supérieures à ce qu'elles étaient en 2007. Les exportations ont atteint 3 163 millions de DT(1768 millions d'euros) en janvier-février 2009, contre 3 814 millions en 2008 et 3 020 en 2007. Les secteurs du transport aérien et du tourisme, qui sont en période creuse, sont légèrement touchés. Quelques avions ont été cloués au sol faute de passagers et quelques hôtels ont tourné avec moins de dix touristes. Sur instruction de l'Etat, qui multiplie les aides et les mesures de soutien, il n'y a pas eu de fermetures de grandes usines…Mais tout le monde garde la main sur le cœur en espérant que les bonnes pluies de l'hiver se poursuivront au printemps pour donner de très bonnes récoltes de céréales et d'olives, et que cette valeur ajoutée inespérée de l'agriculture augmentera d'au moins un point de plus que prévu (3,5% au lieu de 2,5%, contre -0,5% en 2008), compensant la baisse attendue des industries manufacturières (mécaniques, électriques, textiles et cuir) avec une croissance de 2,3% (voire moins), contre 5,3% en 2008. AUGMENTER LE CAPITAL SOCIAL Dans cette atmosphère morose, les banques tirent leur épingle du jeu. « elles profitent de l'élan amorcé en 2008 pour continuer à décaisser au profit des projets déjà engagés », explique Ahmed El Karm, très serein. Selon lui, le secteur est maintenant assaini grâce aux réformes et aux restructurations conduites au cours des dernières années (signe de vigilance accrue, chaque banque est obligée d'utiliser les services de deux commissaires aux comptes). Les créances douteuses et litigieuses (ou accrochées, selon la terminologie locale), principal point noir, ont été réduites de moitié et ne représentent plus que 14% des encours bancaires. L'objectif est de ramener ce ratio à 10% en 2011. Des sociétés de recouvrement s'en chargent désormais. En parallèle, les banques ont renforcé leur fonds propres en augmentant sensibement leur capital social. Sur les onze banques cotées en Bourse, huit ont procédé à l'opération ou sont en voie de le faire à des niveaux divers. On peut citer notamment Amen Bank, dont le capital devra augmenter de 30 millions de DT (passant de 70 à 85 millions en 2007 et à 100 millions d'ici à la fin de cette année). La Banque nationale agricole a décidé, le 14 mars, de passer de 100 à 160 millions de DT d'ici à 2010 et l'Arab Tunisian Bank de 60 à 100 millions. D'autres banques ont déjà relevé leur capital, de 120 à 170 milions pour la Banque internationale arabe de Tunisie (Biat), de 75 à 90 millions pour la Banque de l'habitat, de 50 à 75 millions pour la Banque de Tunisie et de 100 à 150 millions pour Attijari Bank (ex-Banque du Sud). Ajoutées à la croissance des dépôts et à l'insuffisance des emplois (crédits et autres), ces ressources se traduisent par des excédents structurels de trésorerie. Pour relancer le financement de l'économie, la Banque centrale a décidé, le 17 février, de réduire son taux directeur de 0,75% (de 5,25% à 4,5%), entraînant une baisse des taux sur le marché monétaire (TMM) à 4,15% (interbancaire) et des taux d'intérêt pour les entreprises et les consommateurs (TMM+2 à 7 points maximum). Car l'argent existe abondamment. Les surliquidités quotidiennes dépassent les 500 millions de DT (elles sont atteint 660 milions de DT le 10 mars), que la Banque centrale est obligée d'éponger grâce à ces deux nouveaux guichets (facilité de dépôt rémunérée à 4% et facilité de prêt à 5%) DEVELOPPEMENT DES RESEAUX « Donnez-nous de bons projets, et on s'occupe du reste », s'exclame le patron d'Amen Bank, dont le chiffre d'affaires (produit net bancaire, PNB) a augmenté de 13% en 2008 et les bénéfices de 37%, à 40millions de DT. Sa bataille actuelle porte sur la maîtrise des coûts et l'augmentation du volume d'activités sans prendre trop de risques. Avec un staff de 970 personnes pour 105 agences, Amen Bank poursuivra son implantation sur le territoire national (+ 10 agences par an) et le développement de ses services. « L'agence sera de plus en plus un lieu de conseil, l'essentiel des opérations se faisant de manière électronique », estime Ahmed El Karm. Pour Salheddine Ladjimi, directeur général de la Biat depuis mai 2007, c'est le rôle de la banque qu'il faut reconsidérer. Ancien cadre pionnier de la Biat des années 1970 et 1980, il revient à sa tête après une longue expérience passée dans le secteur financier et industriel. Il a retrouvé- bonne surprise – un staff très attaché à l'entreprise (on est « biatiste » ou on ne l'est pas, dit-on) et une volonté d'aller plus que jamais de l'avant. C'est la moindre des choses que l'on attend de la première banque du pays par son chiffre d'affaires. « Les banques sont créatrices de richesse et cela va continuer. Dans ce mouvement, les métiers de la Biat vont se restructurer en trois pôles, explique –t-il : le pôle de la banque de détail, le pôle des grands comptes (entreprises) et le pôle du financement et de l'investissement. »La plus importante banque privée du pays, créée en 1976 par l'ancien ministre des Finances Mansour Moalla, est forte aujourd'hui d'un staff de 2400 employés et d'un réseau de 123 agences (qui seront plus de 160 en 2012). Son PNB s'est accru de 14% en 2008, ses dépôts de 18% et ses crédits de 10%. Résultat, son ratio de liquidités dépasse 130%, et son ratio de solvabilité Cooke 13% (5 points au- dessus de la norme). Que demander de plus au premier des « biatistes » ? Sauvegarder ses parts actuelles du marché (14% du chiffre d'affaires et 17% des dépôts) et développer les emplois (la Biat est au 4e rang, avec 11% des crédits).
LA BT EN PLEIN RENOUVEAU Car la concurrence sera de plus en plus rude, avec notamment l'arrivée de banquiers étrangers, comme Attijari, qui a pris en 2005 le contrôle de la Banque du Sud (publique)pour la somme de 61millions de DT(33,54% du capital). La banque marocaine, qui est associée au groupe espagnol Santander, est aujourd'hui à 54,61%. Elle est déterminée à aller plus loin pour augmenter sa part du marché. Idem pour la Société générale, qui a repris l'Union internationale des banques (UIB) en 2002 (52,36% du capital), ou le groupe Caisse d'épargne, qui a déboursé 300 millions de DT pour le rachat en 2007 de 60% de la Banque tuniso-koweїtienne (BTK). La Banque de Tunisie (BT), une des premières banques historiques du pays (elle a été fondée en 1884, cinq ans après la Banque franco-tunisienne), est en plein renouveau depuis sa reprise partielle par le groupe de Belhassen Trabelsi et la nomination à sa tête d'Alia Abdallah, une ancienne dirigeante de l'UIB et cadre de la Société tunisienne de banque (STB). La BT est la première banque tunisienne par sa capitalisation boursière (834 millions de DT au 31 décembre 2008). Il n'empêche. Sur le marché tunisien, les banques sont à l'étroit. On compte vingt-quatre établissements pour une population de 10,4 millions d'habitants. La Tunisie est certes le pays maghrébin le plus bancarisé, avec un réseau de plus de 1200 agences (autant pour le réseau postal), 1300 guichets automatiques, 6 millions de comptes bancaires et plus de 2 millions de cartes de crédits. Après les fusions –absorptions des banques de développement (par la STB et la Banque nationale agricole), le secteur gagne encore à être consolidé. Des projets sont en cours pour la création d'une grande banque mixte tuniso-libyenne (rapprochement de trois banques existantes) et la cession partielle de la Banque de Tunisie et des Emirats (comme ce fut le cas pour la BTK). Ces projets demeurent d'une envergure très limitée. La capitalisation des onze banques tunisiennes placés en Bourse (4,3 milliards de DT) pèse deux fois moins que le seul numéro un marocain Attijariwafa Bank… Quand Ahmed El Karm parle de la nécessité d'avoir une banque tunisienne capable de rayonner à l'échelle régionale, il ne se trompe certainement pas.
Les onze BANQUES COTEES EN BOURSE (Montants au 31 décembre 2008, en millions de DT, DT= 0,55 euro)
L'ASSOCIATION PROFESSIONNELLE TUNISIENNE des banques et établissements financiers (APTBEF) joue, depuis sa création en 1972, un rôle crucial dans la coordination des activités interbancaires (notamment la télécompensation, la monétique, les transports de fonds), la concertation entre les banques et les pouvoirs publics, la formation (présentielle et à distance), les études et la publication des statistiques. Animé par Naceur Garci, directeur central, son site Internet (www.apbt.org.tn) est très riche en informations et en liens. Il est quotidiennement mis à jour. Selon son délégué général, Amor Saadi, l'association emploie 70 personnes. Elle regroupe les 24 banques de la place ainsi que les 19 établissements financiers (leasing, factoring, recouvrement). Son Président, Mohamed Férid Ben Tanfous, directeur général de l'Arab Tunisian Bank, a été élu le 6 mai 2008. S.G.H
QUAND LA BVMT S'EVEILLERA…
Le MARCHE BOURSIER DE TUNIS a été ouvert en février 1969 pour accompagner la libéralisation de l'économie nationale. Quarante ans après, la Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT) est certes devenue adulte, mais elle n'est pas encore assez représentatitive des entreprises tunisiennes. Cinquante sociétés sont cotées pour une capitalisation boursière de 8,7 milliards de dinars (4,75 milliards d'euros). Soit seulement 16% du produit intérieur brut (PIB) du pays. La Bourse de Casablanca, à titre de comparaison, pèse dix fois plus (47 milliards d'euros) et représente 72% du PIB. Mais la place de Tunis continue de progresser, à pas mesurés. Elle est par ailleurs protégée des turbulances externes (très faible ouverture aux capitaux spéculatifs), ce qui permet à l'indice Tunindex d'afficher une hausse de 5% depuis le début de l'année, à 3071 points le 10 mars (+15% en an) S.G.H
ASSURANCE Les professionnels décidés à passer à la vitesse supérieure OUVERTURE A DES CAPITAUX ETRANGERS, ASSAINISSEMENT DES COMPTES, DEPLOIEMENT COMMERCIAL…. L'ASSURANCE TUNISIENNE VIT EN CE MOMENT SON « BIG BANG ».
Avec une croissance moyenne supérieure à 10% par an, le secteur tunisien des assurances connaît depuis 2000 une poussée continue, que la crise mondiale ne semble pas actuellement remettre en question. L'année 2009 confirmera en effet les engagements pris en 2008 avec un montant global des primes émises par les dix-sept compagnies d'assurances –hors la Société de réassurance Tunis Ré- proche de 1 100 millions de dinars (DT, 600 millions d'euros), soit une progression proche de 9%, deux fois plus que la croissance économique escomptée pour le pays (4% à5%). Cette expansion, qui a encore un bel avenir devant elle, s'explique par le potentiel encore inexploité du marché. La densité d'assurance (prime par habitant) a été multipliée par deux depuis 2002, passant de 55 DT à 105 DT aujourd'hui, soit environ 75 dollars. C'est sept fois moins que la moyenne mondiale et quarante fois moins que le niveau des pays développés (à titre d'exemple, la prime par habitant au Japon est de 4 000 dollars). La Tunisie présente le même retard en utilisant le second indicateur de performance : le taux de pénétration de l'assurance (rapport des primes émises au produit intérieur brut, PIB). Il se situe aujourd'hui à 2% du PIB, moins que le Maroc (3%), mais quatre fois plus que l'Algérie (0,5%). Le montant des primes pourrait encore être multiplié par trois pour atteindre la moyenne mondiale (6%) ou par cinq pour rivaliser avec celle des pays riches (10%, le Japon étant à 11%). « Avec une plus grande couverture des risques nous pourrions jouer un meilleur rôle dans l'économie » explique Mohamed Dkhili, président de la Fédération tunisienne des sociétés d'assurances (Ftusa) et patron de Tunis Ré.
La concurrence s'active face aux trois leaders et à leurs 45% de parts de marché.
Inspecteur général des finances et fin connaisseur du secteur, Mohamed Dkhili est détaché depuis avirl 2004 à la tête de Tunis Ré, l'unique réassureur du pays. « ce métier est par définition libre. Les assurances se réassurent où elles veulent », explique-t-il. Les actionnaires de Tunis Ré appartiennent en majorité au secteur public (53% du capital). La société a réalisé un chiffre d'affaires de 57 millions de DT en 2008, en hausse de 9,6%, dont les deux tiers en Tunisie, où elle représente 20% du marché. Le reste est réparti entre les pays voisins du Maghreb (18%), ceux d'Afrique sub-saharienne (7%) et d'Asie (7%). Avec des bénéfices nets entre 5 et 6 millions de Dt cette année (4,6 millions en 2007), Tunis Ré offre un taux de rentabilité de 13 % sur le capital. Ses placements confortables (120 millions de DT) et la qualité de ses comptes lui ont premis d'obtenir la note B+ et d'envisager un élargissement de son actionnariat à travers une introduction en Bourse par augmentation de capital (il est actuellement à 35 millions de DT). Elle lui permettra de se diversifier davantage à l'international.
RECHERCHE DE PARTENAIRES STRATEGIQUES
La meilleure couverture des risques qu'appelle de ses vœux le patron de Tunis Ré suppose une plus grande prise de conscience- de la part des particuliers comme des entreprises- de la nécessité de se prémunir contre les menaces qui pèsent sur la vie et les affaires. Cette évolution des mentalités ainsi que l'amélioration du niveau de vie constituent les deux conditions de croissance du marché tunisien de l'assurance. C'est pour instaurer cette nouvelle « culture » que les compagnies tunisiennes se battent aujourd'hui à coups de nouveau produits (assurance vie, habitation, maladie, accidents), que les réseau bancaire et postal- très répandu à travers le pays- se fait fort de placer. Mais cette bataille ne va pas sans restructuration : renforcement des fonds propres (augmentation du capital, incorporation de réserves), recherche de partenariats….Ce sont les « petites » qui bougent le plus pour rogner les parts de marché des trois leaders (Star, Comar et Maghrebia), qui concentrent, bon an mal an, 45% du marché.
QUI POUR REMPLACER MMA AUPRES DE LA CARTE ?
C'est ainsi que la Star, entreprise publique et leader du secteur, a décidé après les pertes subies en 2003 et 2004 de s'assainir et de trouver un partenaire stratégique. Cette recherche, qui a commencé en 2006, a abouti en juillet 2008 avec le choix de l'assureur français Groupama. Ce dernier a acquis 35% du capital pour un prix de 132 millions de DT, aussitôt incorporés à la trésorerie de l'entreprise, qui en avait bien besoin. Son cours en Bourse est aujourd'hui dix fois plus élevé qu'en 2004. Hassine Doghri, président de la Compagnie d'assurances et de réassurances tuniso-européenne (Carte), est lui aussi à la recherche d'un partenaire étranger. Avec près de 8% de parts de marché, sa compagnie s'est beaucoup développée depuis qu'il l'a reprise en main, en janvier 1987. « Nous misons sur la qualité des risques et la solidité de nos fonds propres » souligne t-il en exhibant la note BBB (good) accordée par Standard & Poor's de Londres. Le futur partenaire viendra remplacer le groupe frnaçais MMA, qui s'est désengagé en 2007 afin de se recentrer sur son propre marché. Leader de la branche industrielle en Tunsie, Carte compte s'implanter en Algérie-avec un partenaire local- pour accompagner notamment les 700 entreprises tunisiennes qui opèrent dans ce pays. Avec le doublement prévu de son capital (de 10 millions à 20 millions de DT), la société n'aura certainement pas de mal à réussir son introduction en Bourse d'ici à 2012. Mais l'essor du secteur dans son ensemble dépend aussi, selon les professionnels, de quelques actions énergiques des pouvoirs publics : poursuivre les incitations fiscales pour développer l'assurance vie, qui a fait un grand bond entre 2007 et 2008 (+20% en chiffre d'affaires), mais à laquelle l'écrasante majorité des citoyens ne fait pas encore appel. « Cette branche peut être multipliée par six ou sept », estime Mohamed Dkhili. A cela s'ajoute la généralisation des assurances multirisques habitation (qui sont encore facultatives), des assurnaces incendie (obigatoires pour les entreprises, mais pas très bien appliquées) et des assurances agricoles. Ce n'est qu'à ce moment-là que le secteur se mettra au diapason des pays développés.
LES 15 PREMIERES SOCIETES D'ASSURNCES EN TUNISIE (Montants 2007 en millions de DT, 1DT = 0,55 euro)