Personne n'aurait imaginé l'impact de la crise financière actuelle sur l'économie mondiale, à l'exception de quelques visionnaires, qui l'ont vu venir, mais on ne les a pas cru. On baignait tranquillement sur « la plage » de la croissance économique, et voilà que le tsunami nous vient en « pleine figure ». Témoin de l'effet surprise de la crise économique, les différentes révisions des prévisions de croissance par le FMI, la Banque mondiale, l'OCDE, et plusieurs pays développés, et même en Tunisie. Les premiers signes qui sont parus au cours du premier trimestre 2009, ne sont pas rassurants, et tout le monde s'attend au pire. Sans tomber dans le pessimisme et la morosité certaines lueurs d'espoirs peuvent apaiser la pression de cette économie mondiale « perturbée et imprévisible ». Tout le monde perdra au cours de cette crise économique. La question est qui perdra le moins ? Qui arrivera à limiter les dégâts et à « éteindre le feu à la maison ». Les prévisions du budget économique de la Tunisie pour 2009, et qui ont été préparées au cours de la mi 2008 sont devenus obsolètes, de nouveaux rebondissements sont à attendre.
Des prévisions et des révisions : A l'échelle mondiale, les prévisions de croissance économique ont toutes étaient revues à la baisse. La dernière mise à jour a été réalisée par la Banque Mondiale. En effet, selon les estimations de cette institution, la croissance du PIB dans les pays en développement se ralentira pour ressortir à 2,1 % en 2009, contre 5,8 % en 2008. Compte tenu de la détérioration rapide de la situation économique et financière à l'échelle mondiale, la Banque a revu à la baisse ses prévisions de novembre 2008, qui tablaient sur une croissance de plus du double (4,4 %) dans les pays en développement. Selon cette même source, l'activité mondiale devrait se contracter de 1,7 % cette année, ce qui marquerait le premier déclin de la production mondiale depuis la Deuxième guerre mondiale. Le PIB continuerait de reculer de 3 % dans les pays de l'OCDE et de 2 % dans les autres pays à revenu élevé. Les échanges mondiaux de biens et de services devraient diminuer de 6,1 % en 2009, un recul historique. La région du Moyen-Orient et Afrique du Nord enregistrera une croissance à peine 0,3 % en dessous du taux de 3,3 % initialement prévu. Le PIB des pays exportateurs de pétrole ne devrait augmenter que de 2,9 % en 2009 contre 4,5 % en 2008, par suite de la baisse des recettes pétrolières et de la réduction de la production de pétrole.
Un départ difficile : La Tunisie, qui a été épargnée des effets de la crise dans sa sphère financière, s'est trouvée touchée au niveau de son économie réelle. 3 secteurs piliers sont menacés : les textile et habillement, l'Industrie Electrique et Mecanique, et le tourisme. Le premier trimestre écoulé, a apporté les signes d'un recul dans tous les indicateurs économiques. La confirmation est venue il y a deux jours, de la bouche de Monsieur le Ministre des Finances. Au cours du premier trimestre, le commerce extérieur tunisien a sombré dans les chiffres négatifs. En effet, les exportations tunisiennes ont baissé de 18,8 %. Les importations ont fléchi de 16,4 %. Le solde diminue encore en demeurant déficitaire de 976,4 MDT, le taux de couverture baisse à 82,9 % (contre 85,3%). Les baisses enregistrées étaient surtout au niveau des entreprises du régime général (-23,7 % pour les exportations et -17,6 % pour les importations) que chez les entreprises totalement exportatrices du régime offshore (-15,6 % en export et -13,6 % pour l'import). Les principales rubriques de nos exportations ont accusé des baisses considérables. Au niveau de l'industrie agroalimentaire la baisse était de 25,5 %, le textile et habillement perd 15,7 %, les industries électriques et mécaniques perdent 16,4 %, sans oublier les -11,4 % de baisse chez le groupe énergie et lubrifiants et la baisse de 43,6 % des phosphates tunisiens. Au niveau du tourisme, les performances ne sont pas éloquentes. Selon les chiffres de l'UTICA, le tourisme tunisien, a été affecté par la crise économique mondiale et a subi une baisse sensible de la demande touristique au cours du 1er trimestre 2009 variant de 10% à 15%. La conférence de presse faite par le Ministre des Finances il y a deux jours est venue confirmer les craintes du gouvernement. En effet, une nouvelle baisse des prévisions de croissance pour 2009 a été annoncée. Après les 6.1% annoncé au mois d'octobre 2008, on est passé à 5%, pour se fixer à 4.5% selon les dernières actualisations. Une remise des pendules à l'heure, selon le déroulement de la crise économique à l'échelle mondiale. Nous aspirons également à maintenir le déficit budgétaire à un niveau de 3% ou 3,5%, a précisé M. Kechiche, tout en rappelant que le budget de l'Etat prévoit une croissance des importations de 9,1% et des exportations de 8,7%. Sur un autre plan, le Comité d'accompagnement des entreprises en difficulté a reçu, jusqu'ici, 99 dossiers d'entreprises demandant la réduction des heures de travail ou la mise en chômage technique de 21 mille employés, et la prise en charge de l'Etat est estimée à 2 MDT. Nous tenons à saluer au passage la nouvelle attitude du gouvernement qui étale la réalité de la situation économique de la Tunisie avec la clarté et la franchise nécessaires, dans un sentiment de devoir et de responsabilité.
Une lueur d'espoir : Dans ce tableau morose, pouvons nous trouver une lueur d'espoir ? Pour la Tunisie, ce pays béni par dieu, il y a toujours une sortie de crise. 5 éléments nous poussent à ne pas sombrer dans la psychose de la crise : 1- La mise en œuvre des mesures présidentielles prises pour soutenir l'exportation et aider les entreprises exportatrices : ces mesures auront pour effet d'aider des entreprises à passer le cap de la crise économique, et surtout aider à sauver les emplois qu'on risque de perdre. 2- La pluviométrie : Les dernières pluies ont été accueilli par les agriculteurs avec joie et bonheur vu leur impact éventuel sur la production céréalières, les fruits et légumes et le bétail. Ces pluies sont porteuses de bonnes récoltes qui pourront réduire nos importations de blé qui nous coûtent les « yeux de la tête », maintenir les prix à un niveau raisonnable, et augmenter les ressources des petits agriculteurs. 3- La capacité de réaction de nos entreprises : depuis des années la Tunisie a été soumise à plusieurs rebondissements de l'économie et de la politique mondiale, sans pour autant connaître un effondrement considérable. En effet, notre économie, et à travers ses entreprises, a acquis une capacité à répondre aux chocs, et à surmonter les crises. Ce n'est pas moi qui le dis, mais ce sont les plus importantes instances internationales et agences de rating. 4- La baisse du prix de pétrole : La crise mondiale n'a pas que des impacts négatifs sur notre économie, mais aussi des impacts positifs. En effet, la crise a été accompagnée par une baisse des cours du brut, après des pics à 145 dollars en 2008. Cette donne est de manière à permettre à nos finances de « souffler un peu », puisque les subventions pour les carburants ont atteint l'année dernière 1200 millions de dinars. Les baisses de recettes fiscales prévues à 5% pour cette année peuvent être comblées, puisque le budget a été établi sur les prévisions d'un baril à 90 dollars, or il est aujourd'hui entre 40 et 55 dollars. 5- La demande interne : Plusieurs mesures ont été prises pour stimuler la demande interne pour faire face à la baisse de la demande externe, tel que la baisse du taux d'intérêt de 0.75 point. D'autres éléments vont certainement stimuler cette demande, surtout les récentes augmentations salariales, et la baisse de l'inflation au niveau de 3.5% après des pics à 5.7%. Ce sont les éléments qui vont améliorer le pouvoir d'achat et stimuler la consommation des ménages.
Personne ne peut dire que 2009 sera de toute joie pour notre économie et nos entreprises. Ce sera dur, dur. Certains disent que le pire est à venir. Le blocage des négociations salariales au niveau de certains secteurs du privé ou du public, est un signe inévitable de la crise qui s'installe. Il est important que le mot d'ordre doit être « la compréhension ». Peut-on voir le bout du tunnel ? Difficile de le prévoir. Selon les estimations, au cours de 2010 il y aura une légère reprise, et 2011 sera l'année du retour à la normale. D'autres prévoient une crise mondiale qui durera 3 années successives pour pouvoir reprendre son cours normal. Tout est flou. L'essentiel c'est que les entreprises et le gouvernement voient clair.