Un récent article paru « Jeune Afrique » a fait le point sur les dossiers chauds traités par le gouvernement provisoire. Début juin, les chiffres de la croissance tunisienne sont tombés, dressant un implacable constat: sur les quatre premiers mois de 2011, le PIB enregistre un recul de 7,8 % par rapport au dernier trimestre 2010. Un manque à gagner de 5 milliards de dollars (environ 3,4 milliards d'euros) se profile déjà pour la fin de l'année. Si le gouvernement provisoire, dont la mission vient d'être prolongée jusqu'au 23 octobre, a déjà mobilisé 2 milliards de dollars auprès de divers bailleurs – Banque mondiale, Banque africaine de développement (BAD), Agence française de développement, Union européenne… –, le Premier ministre Béji Caïd Essebsi a avoué, le 8 juin, être à la recherche d'un soutien immédiat de plus de 1 milliard de dollars. Une situation financière délicate qui n'empêche pas les observateurs d'envisager l'avenir avec optimisme. Pour sa politique de relance, le gouvernement tunisien estime ses besoins sur les cinq prochaines années à 125 milliards de dollars. Un montant qui comprend une aide extérieure de 25 milliards de dollars dont le principe a été défendu par Béji Caïd Essebsi lors du G8 organisé en France en mai. Message entendu: 40 milliards de dollars devraient être débloqués au profit de l'Egypte et de la Tunisie sur la période 2011-2013. Reste maintenant à entériner cet accord de principe, sur la base de propositions concrètes qui seront examinées le 12 juillet à Bruxelles, lors d'une réunion regroupant les ministres des Finances et les ministres des Affaires étrangères du G8. 1. Satisfaire les attentes sociales Selon le Bureau international du travail. Six mois après, la situation est pire que jamais: le ralentissement économique qui a suivi la fuite de Ben Ali, le 14 janvier, aura produit environ 200000 chômeurs supplémentaires. Les demandeurs d'emploi seront plus de 700000 en juillet, soit plus de 19 % de la population active. 2. Surmonter le conflit libyen La guerre en Libye est le plus grand accident qu'ait connu la Tunisie cette année . Le voisin est le deuxième partenaire économique du pays, derrière la France. L'enlisement du conflit pénalise fortement le rythme des exportations tunisiennes, et ce au plus mauvais moment. Industries mécaniques, phosphates, ciment, textile… Tous les secteurs sont touchés. Sur les quatre premiers mois de 2011, le commerce vers la Libye a chuté de 32 %. Sans parler des 80000 réfugiés à gérer et du retour de près de 120000 expatriés, désormais à la charge de leurs familles, notamment dans les régions les plus pauvres. 3. Désenclaver les régions le centre de la Tunisie fait aujourd'hui pâle figure. Ses habitants ont été les principales victimes de la politique de l'ex-président Ben Ali, qui ne leur consacrait que 20 % du budget de l'Etat. Routes défoncées ou inexistantes, hôpitaux à l'abandon, accès à l'eau potable non généralisé… Les gouvernorats de Kasserine, de Sidi Bouzid ou du Kef vivent une incurie permanente. Déjà en 2008, la population du bassin minier de Gafsa avait courageusement manifesté son ras-le-bol. Conscient du retard pris par les provinces intérieures et de l'exaspération de leurs habitants, le gouvernement provisoire a annoncé au printemps qu'il allait inverser dès cette année l'ancienne répartition des deniers publics. Mais à plus long terme, seule une décentralisation du pouvoir semble en mesure de changer les choses. 4. Relancer le secteur touristique Insécurité, mouvements sociaux, conflit libyen et attentat de Marrakech… Rien n'aura été épargné cette année au secteur touristique tunisien. Les réservations seraient en repli de 60 % pour la saison estivale. Au centre des récriminations des professionnels: la lenteur du gouvernement à débloquer des aides pour assurer la survie des entreprises. Sur 104 hôtels à Sousse et Port el-Kantaoui, 30 ont fermé; 5000 emplois sont menacés, alors que 5000 autres personnes n'ont toujours pas repris le travail à cause de la conjoncture . Et ce malgré les campagnes de promotion de l'Office national du tourisme tunisien (30 millions d'euros en 2011). 5. Rassurer les investisseurs Secoué par l'onde de choc de la révolution, le pays n'a pas encore donné tous les gages de stabilité attendus par les entreprises étrangères en quête de nouvelles opportunités. Sur les quatre premiers mois de 2011, les investissements directs étrangers ont enregistré une chute sans précédent de 24,5 % par rapport à la même période l'an passé, alors que les entreprises étrangères emploient plus de 300000 salariés. Mais pour les dirigeants tunisiens, la situation n'est que transitoire. Après une période de flottement, le retour de la sécurité aurait rassuré nombre d'entreprises. D'ailleurs, 65 sociétés à capitaux étrangers auraient entamé des projets d'extension. 6. Renflouer les caisses de l'Etat Ralentissement économique, cadeaux fiscaux, embauches dans la fonction publique… Le budget de l'Etat est mis à rude épreuve. D'autant que le gouvernement a permis aux entreprises de réduire fortement le montant de leurs impôts prévisionnels, face à la perspective d'une croissance négative. Du coup, l'impact sur les rentrées fiscales est immédiat. Autre sujet d'inquiétude pour l'économiste: une partie des fonds prévus pour les investissements est actuellement utilisée pour payer des dépenses courantes, dont la dette. D'où la nécessité de bénéficier d'une aide extérieure – 5 milliards de dollars par an pendant cinq ans – pour financer, entre autres, les grands projets d'infrastructures, estimés entre 10 milliards et 15 milliards de dollars. 7. Reconnecter les banques Avec environ 20,5 milliards de dollars d'actifs en 2010, les principales banques tunisiennes sont loin derrière leurs consœurs égyptiennes (137 milliards) et marocaines (102 milliards). Le secteur est de plus très atomisé, avec 21 établissements, quand le Maroc en compte 25 pour une population trois fois supérieure. Compte tenu de leur taille, les banques se sont davantage concentrées sur le développement des crédits aux particuliers (+ 19,5 % par an sur la période 2003-2011) que sur le financement des entreprises (+ 4,8 % par an). En outre, une partie d'entre elles ont privilégié des sociétés appartenant à l'entourage de l'ex-président Ben Ali et dont les mauvais résultats pèsent aujourd'hui sur le cours de la Bourse de Tunis, en repli de 19 % sur un an.