● Encore une fois, l'immobilier fait des siennes et fait chanceler les places boursières d'Abou Dhabi et Dubaï ● Le système bancaire des Emirats semble tenir le coup et fait montre d'une vigilance louable. Toutefois, l'effet domino de ce que l'on appelle «La crise de Dubaï» risque de laisser des traces
L'Etat des Emirats Arabes Unis a jusque-là fait preuve de dynamisme et de réussite que d'aucuns qualifient de «miracle du Golfe». La richesse, les signes d'opulence, la réussite sociale et économique, le mode de développement ultra libéral, l'argent à flot et enfin les réalisations pharaoniques et l'urbanisme hypermoderne; tout cela à la fois c'est ou Abou Dhabi ou Dubaï, ou les deux Emirats ensembles. Et pour simple exemple, le Burj Dubaï, avec ses 818 mètres s'impose comme la tour la plus haute du monde, le métro aérien en plein milieu du désert dans un supermarché digne des plus grandes villes américaines; les hôtels luxueux construits sur des îles artificielles en forme de palmier appelé «Ennakhla» et qui vient de faire l'objet d'un document télévisé dans la rubrique «Projets Grandioses»; les constructions quasiment surréalistes bâtis et vendus à coup de millions de dollars l'unité. Tous ces projets font partie d'un ensemble d'éléments stratégiques pour le développement de la Fédération des Emirats et qui reposent sur trois piliers, à savoir le Commerce international, le Tourisme et l'immobilier. On prend tout sur la mer et sur le désert. Le fameux conglomérat public appelé «Dubaï World» semble à bout de souffle après quelques années d'hyperactivité durant lesquelles des investissements colossaux ont été injectés sous différentes formes et pour plusieurs projets. C'était trop pour un état qui, malgré sa richesse, ne peut concevoir, créer et gérer de tels projets. En effet, Dubaï World détient à lui seul 70% de l'ensemble de la dette publique de l'Emirat qui se chiffre à 80 milliards de dollars. Que l'édifice s'écroule et voilà que les places boursières, plusieurs banques et les finances mondiales tremblent jusqu'à la panique.
Secours ou sauvetage? Les deux à la fois. Secours rapides pour essayer d'endiguer la dérive du géant immobilier «Dubaï World» qui donne des signes évidents de difficultés de paiement. L'Etat sort de son mutisme et tente de rassurer les marchés financiers et différentes bourses. Secours encore sous la forme de la mise à disposition de liquidités supplémentaires pour consolider et décontracter le système bancaire dans le but, entre autres, d'atténuer toute éventuelle chute. Le sauvetage, quant à lui, est une affaire d'organisation, de calme, de confiance et d'intervention nécessaire et judicieuse des pouvoirs publics par le biais de la Banque Centrale des Emirats Arabes Unis qui commence déjà à organiser l'opération sauvetage. Elle aura probablement à puiser dans ses réserves de changes en dollars engrangées et accumulées grâce à la manne pétrolière pour éponger les dettes de «Dubaï World». Cela est de nature à sauver la situation, à exclure la faillite aux conséquences désastreuses et à rassurer les investisseurs locaux et étrangers qui ont donné des signes de panique depuis l'annonce de l'ajournement de six mois du paiement des dettes du géant immobilier. En quelques jours, analyses, prévisions et avis sont carrément tombés dans la surenchère et les plus folles supputations. Ainsi est prédite l'éventuelle faillite de la filière immobilière «Nakhil» qui affiche 25 milliards de dollars de dette. Ce qui fait peur dans un Etat comme les Emirats Arabes Unis c'est, justement, l'installation de la peur. Elle sera source de doute et de fuite.
Le rêve était-il de courte durée? Un boom économique dix ans durant caractérisé par des projets aussi ambitieux que coûteux et apparemment au-dessus des capacités du petit émirat de Dubaï. Mais voilà que la crise mondiale vient frapper de plein fouet les économies de la quasi-totalité des pays du monde dont les Emirats Arabes Unis qui, à peine revenus du choc, se voient plongés encore une fois et en l'espace d'une année dans une crise qui ne serait qu'à ses débuts. En effet, il s'est avéré que pour l'immobilier l'offre est désormais nettement supérieure à la demande. Les prix auraient chuté de plus de 4% en un an selon des promoteurs qui crient à la spéculation. Nombreux sont les chantiers suspendus ou les projets carrément ajournés ou annulés. La frénésie immobilière de la dernière décennie a été trop belle pour durer. On parle même de nombreux expatriés, venus à l'eldorado du Golfe pour s'enrichir, le quittent au plus vite faute de pouvoir honorer leurs engagements ou éponger leurs dettes. Enfin, dans l'hypothèse où les appréhensions jusque-là exprimées se révèlent justes, les places boursières auront sûrement de quoi s'inquiéter et accuseront un coup dur. Cela se ressent déjà au niveau des bourses d'Europe qui terminent la semaine dernière en baisse de plus de 3% aussi bien à Paris, Francfort et Londres. Même les obligations islamiques se sont effondrées perdant jusqu'à 15%.
Une réputation financière à défendre Si le «Financial Times» estime que «Dubaï joue avec sa réputation financière», le média anglais pousse la critique jusqu'à l'ultime limite. Dubaï ressemblerait plus à l'Argentine qu'à Singapour, et en beaucoup moins prévisible… Personne n'est sûr de ce qui se passe… C'est opaque, ce n'est pas clair, c'est douteux même… Selon certains, la véritable signification de ce qui vient de se passer aux E.A.U., c'est tout bonnement l'effondrement du secteur financier. Dubaï n'a pas de pétrole, pas de ressources naturelles et pas de véritable secteur industriel, l'Emirat a été transformé en centre financier… Entièrement financé par la dette… Et voilà que la finance elle-même tombe en pièce! Cette approche dans l'analyse parait peu objective. D'ailleurs, le gouvernement de Dubaï ne garantira pas la dette du conglomérat public «Dubaï World». Le directeur du département financier de l'Emirat l'a bel et bien affirmé hier. Il persiste et signe: «Il est vrai que le gouvernement est le propriétaire de Dubaï World, mais comme la firme est engagée dans plusieurs activités qui sont exposées à tous genres de risques, il a été décidé dès la création du conglomérat qu'il ne sera pas garanti par le gouvernement. Et voilà que Dubaï World sait à quoi s'en tenir. Elle est en train d'étudier des projets de remboursement de dettes. Les schémas proposés n'ont pas encore été achevés, mais l'optimisme est de rigueur. Les responsables émiratis peuvent se donner une bonne dose d'espoir rien qu'en se référant aux situations anglaise et japonaise en matière de finance et de dette. Les finances publiques de la Grande-Bretagne sont parmi les plus mauvaises au monde. La dette publique japonaise représente déjà 200% du PIB national, elle grimpera davantage dans les années qui viennent. Pour l'Etat des EAU et pour revenir au Directeur général du ministère des Finances à Dubaï, les réactions à l'annonce relative à Dubaï World étaient exagérées et démesurées par rapport aux problèmes réels du conglomérat. Toutefois, «les créanciers doivent assumer leur propre part de responsabilité tenant à leur décision de prêter aux entreprises. Ils pensent que Dubaï World fait partie de l'Etat, ce qui est incorrect». Mais parallèlement, la Banque Centrale des EAU ne peut que suivre de près les réactions en chaine découlant éventuellement de la crise pour que l'économie ne soit pas durement touchée dans sa globalité.