Avec pour thème « Bilan des politiques européennes en Méditerranée », le Centre de la ligue arabe en Tunisie a servi de cadre à la conférence donnée hier par le professeur Bichara Khader. Eminents professeurs, représentants diplomatiques et experts des questions arabes et Méditerranéennes se sont ainsi retrouvés pour échanger sur ce sujet qui attise les passions et suscitent très souvent le débat. Professeur à l'Université Catholique de Louvain où il dirige le Centre d'Etudes et de Recherches sur le Monde Arabe Contemporain (CERMAC), Bichara Khader a été membre du Groupe des Hauts Experts sur la PESC et membre du Groupe des Sages pour le dialogue culturel en Méditerranée. Auteur et éditeur de vingt quatre ouvrages sur le Monde arabe, la Méditerranée et l'Union européenne, il est considéré comme l'un des meilleurs analystes des relations entre l'Europe, le Monde arabe et la Méditerranée. « La Méditerranée est ma projection, ma passion, mon obsession et ma profession », tel pourrait être le crédo de l'éminent professeur qui a commencé son exposé en posant des questions fondamentales pour le monde arabe : pourquoi la Ligue des Etats arabes ne prend pas l'initiative de créer une chaire sur le monde arabe contemporain ? Pourquoi les Etats arabes ne créent-ils pas des centres d'Etudes sur les questions arabes ? Avec une démarche simple et scientifique, le professeur a ainsi donné une vue panoramique et une approche multidisciplinaire des questions arabes. Comme un voyage patient au cœur des grandes problématiques arabes, une interrogation sur l'histoire ancienne et plus récente, une analyse des défis et des enjeux, et une réflexion sur les sentiers du futur ; la conférence nous a permis de découvrir un homme pour lequel il est important de situer tout discours, tout texte, dans le contexte et le prétexte. On comprend donc que dans sa démarche, il ne s'agit pas de glorifier, encore moins de vilipender les politiques européennes. Au contraire, alerter ces politiques en les situant dans un contexte historique précis, sans quoi elles seront inintelligibles. Le professeur Bichara Khader subdivise le dialogue euro-arabe en 3 phases. Les années 70, de loin pour lui les plus édifiantes, où les questions arabes se discutaient au cœur même de l'Europe, dont la question palestinienne est la seule qui a permis à l'Europe d'avoir une position commune. La deuxième phase, qui s'est étendue de 1981 à 1989, est considérée comme celle de "l'hibernation", et a été caractérisée par l'arrivée au pouvoir des certains dirigeants européens et américain, notamment François Mitterrand, Margaret Thatcher et Reagan. Selon le professeur, les Américains ne comprenaient pas pourquoi les européens étaient tant intéressés et même considéraient tant les Arabes. La chute du mur de Berlin en 1989 ouvrit la troisième phase, avec l'Allemagne qui s'ouvre à l'Est, et le 20 décembre 1989, François Mitterrand renoue le dialogue euro-arabe. Ainsi, l'élargissement de l'Europe en 2000, oblige l'Europe à redéfinir sa politique de voisinage, et se demande s'il est avantageux d'avoir des voisins avec une économie stable, ou une économie désarçonnée. A ce propos, et s'agissant des relations bilatérales, il estime que c'est l'Europe qui propose l'idée, c'est l'Europe qui dispose des moyens financiers notamment pour promouvoir sa politique, et c'est encore l'Europe qui impose ses choix et options politiques. Si vous êtes un bon élève, vous avez des faveurs sinon vous restez à la traîne. Israël-Palestine A ce propos, le professeur est contre l'imposition de la participation d'Israël par l'Europe. Il pense notamment que la question israélo-palestinienne s'invite toujours à tout ce qui a trait à l'Europe et au monde arabe. Il a pour exemple le choix d'un jordanien comme secrétaire général de l'Union pour la Méditerranée, simplement parce que la Jordanie est en accord avec Israël. A cet effet, il pense et martèle que si l'Europe ne manifeste pas une plus grande empathie envers les Etats arabes à cause de la question palestinienne, elle risque de se faire devancer par les autres acteurs (Amérique, Inde, Chine…). Le professeur qui ne partage pas la position de ceux qui pensent que le processus de Barcelone était un échec, pense qu'il est temps d'arrêter de parler de coopération, mais plutôt de partenariat. Ainsi il propose un partenariat régional privilégié, en commençant par les pays du Maghreb. Statut avancé : une récompense Le statut avancé est qualifié par le professeur comme récompense lorsque vous avez fait du "bon boulot". Ce statut représente un engagement, un itinéraire, une direction à suivre ; et aussi une émulation pour les autres pays à suivre votre exemple, à vous imiter. Le professeur Bichara Khader :La Méditerranée est ma projection, ma passion, mon obsession et ma profession. Je propose un partenariat régional privilégié, en commençant par les pays du Maghreb.Si l'Europe ne manifeste pas une plus grande empathie envers les Etats arabes au sujet de la question palestinienne, elle risque de se faire devancer par les autres acteurs (Amérique, Inde, Chine…)