C'est même l'outil idéal en ces temps de flous et de perturbations. La fragilité des différents secteurs économique, et l'imprévisibilité des changements, nécessitent une attention particulière aux flux informationnels, à l'interprétation exacte des évènements pour pouvoir anticiper. Le secteur touristique tunisien est l'un de ces secteurs fragiles et qui font face à des contraintes importantes que ce soit au niveau de la conjoncture internationale ou nationale. Les opérateurs viennent d'être secoués récemment par une affaire de faillite d'un important tour opérateurs « Royal Tours », et qui a laissé une ardoise salée dans les comptes des hôtels tunisiens. Une situation qui aurait pu être évitée si un processus d'intelligence économique est déjà mis en place que ce soit au niveau gouvernemental ou des opérateurs. Cet incident, qui laissera des séquelles, peut être un déclencheur pour la mise en place d'un système de veille et d'intelligence économique propre au secteur touristique. Une affaire qui fait, tâche d'huile : Avec une saison qui s'annonce plutôt bonne, le tourisme tunisien arrive à tirer son épingle du jeu avec les moindres dégâts. La destination tunisienne est toujours prisée par de nombreux touristes malgré une concurrence rude et une conjoncture économique très hostile. On s'attendait à une baisse considérable des réservations touristiques cette année et ce pour multiples raisons : - La coupe du monde à l'Afrique du Sud, - Les problèmes économiques de la zone euro et la montée du chômage, - Le mois saint du Ramadan, qui coïncide avec la saison touristique, et qui peut affecter l'arrivée de nos clients maghrébins, - Un temps plutôt clément dans les principaux pays pourvoyeurs de touristes, - Une intensification de la concurrence de la part des turques et des marocains, ainsi que d'autres pays du bassin méditerranéen. Et malgré ces contraintes, le nombre de touristes qui ont choisi la Tunisie n'a baissé que de 1%. Jusqu'au début du mois de Juillet, tout allait bien pour les tours opérateurs et les hôteliers, jusqu'à l'annonce le 8 Juillet dernier, de la faillite d'un des principaux tours opérateurs qui opèrent sur la destination Tunisie, Royal Tours. Cette déclaration a secoué tout le secteur. Elle a surtout laissé des impayés pour nos hôtels de l'ordre de 800 milles euros soit 1.44 millions de dinars. Le tour opérateur connaissait déjà depuis quelques mois des problèmes financiers et malgré tout le réceptif tunisien « LEADERS TOURS » a continué à travailler avec lui, espérant toujours un paiement qui ne vient pas. Cette affaire fait tâche d'huile dans l'actuelle saison touristique et a affecté plusieurs hôtels qui souffrent déjà de problèmes financiers. Elle a surtout gâché le séjour de plusieurs dizaines de touristes qui se sont vu refuser l'hébergement pour non paiement. La société Royel Tours France est la propriété de Ali Chaoui, aidé par son fils Mehdi Chaoui et qui opère depuis 1993, principalement sur le Maroc et la Tunisie. En 2006 il réalisait sur le Maroc 45 432 pax, la Tunisie 15 144, le Sénégal 1552 et le Cap Vert 972. Le TO, détient aussi un hôtel club 5* au Maroc « l'Eden Andalou ». Il a aussi une société réceptive au Maroc Excel Tours et une société de location de voitures Excel Cars. Les déboires de la société Royal Tours sont imputés à plusieurs raisons. Selon le PDG du TO, la Royal Tours est en difficulté « suite à la disparition du CA du réseau Thomas Cook (8,2 millions d'euros) qui l'a déréférencé, mais aussi les conséquences de plusieurs dépôts de bilan d'agences à qui il faisait crédit. Wasteel, VIPS, TDS voyages, Sirocco, Voyageurs Rablaisien etc. lui ont laissé une ardoise totale de 403.596 euros entre 2006 à 2009. Evidemment, les différentes crises qui ont affecté la profession ne l'ont pas épargné (grippes aviaire et H1N1, nuage volcanique, crise financière, baisse du pouvoir d'achat, etc.). Mais le plus important pour Royal Tours est sans doute de n'avoir su prendre le virage Internet. L'avènement en force des low cost sur le Maroc (sa principale destination) a entraîné la chute des ventes de package, tout comme l'achat en direct sur le web au détriment des réseaux classiques. En trois ans, le TO a vu plonger son CA sur le Maroc, sa principale destination, de 70% à 40%. L'ultime erreur stratégique de Royal Tours est de ne pas avoir su développer ses ventes B2C ». La faillite de Royal Tours n'est pas la seule cette année. Déjà au mois de Juin on assistait à la disparition d'un grand opérateur du marché Viajès Marsans. Sans entrer dans les détails de la faillite de Royal Tours ou d'autres tours opérateurs, il est important de poser la question si on aurait pu éviter ces problèmes ? La réponse est oui. Par quels moyens ? A travers la mise en place d'un système de veille et d'intelligence économique dans le secteur touristique.
L'intelligence économique dans le secteur touristique : L'intelligence économique est définie comme étant « l'ensemble des actions coordonnées de recherche, de traitement et de distribution, en vue de son exploitation, de l'information utile aux acteurs économiques. » Les impacts de la faillite de Royal Tours auraient pu être évités si le réceptif tunisien ainsi que les hôtels ou même les structures publiques ont détecté les problèmes financiers du tour opérateur et de ses principaux partenaires. En effet, la fragilité du secteur touristique, et l'existence de plusieurs intervenants dans la chaîne, imposent une très grande vigilance concernant l'état de santé financière de chaque partie. D'un côté, l'unité hôtelière ne doit pas se contenter d'héberger les clients qu'on leur propose et la prestation de service. Ils doivent aussi avoir un sens de la veille et de l'intelligence économique, en mettant en place un système de suivi des différents opérateurs avec qui ils travaillent, que ce soit des réceptifs ou des TO. Ce suivi doit se focaliser sur le volet financier et qualité de services, pour pouvoir anticiper une éventuelle déchéance ou un service d'une basse qualité. A ce niveau un hôtelier doit savoir si le TO a des problèmes de trésorerie, des difficultés sur d'autres destinations ou avec d'autres hôtels, la qualité du logiciel utilisé pour les réservations, son implantation régionale,…et pas mal d'autres informations qui peuvent aider à évaluer la viabilité du pourvoyeur de client. Ils doivent aussi suivre les nouvelles tendances et besoins des touristes, les nouveaux services à développer, les évolutions dans les destinations concurrentes, ….La collecte de ces informations, peut se faire à travers les alertes sur Internet, les moteurs de recherches dédiés, les médias…, et même les opérateurs eux même à travers des personnes qui font « du bouche à oreille ». Un effort d'investigation et d'analyse des informations, qui parfois ne coûte pas une fortune, mais qui peut éviter de perdre gros, ou de gagner beaucoup. De l'autre côté, les structures gouvernementales, et spécialement ceux de l'ONTT, et qui se trouvent à l'étranger, ont un rôle très important dans le développement de l'intelligence économique dans le secteur touristique. Leur rôle ne doit pas s'arrêter au niveau de la promotion de la destination tunisienne, à travers la participation aux foires et la distribution des dépliants ou l'organisation de manifestations. Ils doivent dépasser ce cadre traditionnel, pour être de véritables antennes de veille et d'intelligence économique. A ce niveau ils peuvent fournir des informations sur la situation financière des différents TO qui travaillent sur la Tunisie, ou leur stratégie d'avenir. Ils communiquent aussi les nouveautés dans le secteur, ou les tendances des touristes dans leur lieu d'implantation. Dans une vision plus stratégique, la création d'un véritable réseau de veille et d'intelligence économique, basé sur l'échange d'informations et leur traitement, est nécessaire pour développer le tourisme tunisien et le prémunir contre les défaillances des TO ou leur changement de stratégies, ainsi que son adaptation aux évolutions du secteur à l'échelle internationale. Ce réseau peut rassembler les hôteliers à travers leur chambre syndicale, les antennes de l'ONTT, les services du ministère du Tourisme et même nos ambassades à l'étranger. Investir dans l'information et l'intelligence économique au niveau du Tourisme tunisien, doit requérir la même importance que l'investissement dans l'infrastructure, la formation ou dans la promotion qui va atteindre 100 millions de dinars en 2011.