La régulation de la croissance économique pose le problème de l'emploi. Il y a une obligation géopolitique pour les Etats-Unis de réguler la croissance économique. Se préoccuper des Etats-Unis est important d'un point de vue géopolitique. Au siège de l'Association des Etudes Internationales s'était tenu, le 20 octobre 2010, un séminaire sur le thème: «L'environnement économique international» dans le cadre du cycle annuel de l'Institut des Relations Internationales. Une synthèse de la conjoncture économique mondiale actuelle a été présentée à cette occasion. Nous vous présentons ci-après un spot sur l'environnement économique international. Il y a deux années, le diagnostic de la crise état pessimiste et l'on se disait que l'économie mondiale allait plonger dans une récession très profonde et on avait prévu que 2010 serait encore un état de grande crise. La réalité des choses, c'est que les moments les plus difficiles de la crise, les moments les plus dangereux ont été dépassés beaucoup plus vite que prévu. La plupart des experts étaient alors très pessimistes. La reprise a eu lieu plus rapidement que prévu, mais néanmoins beaucoup de fragilités demeurent. Ce qui est survenu au milieu de l'année 2010, au printemps 2010, c'est la crise dite grecque, ses prolongements et le redémarrage d'une certaine forme de crise considérée par les économistes comme la crise de l'endettement des pays européens. Depuis quelques temps, le plus fort de cette crise grecque est dépassé et nous sommes maintenant dans un retour de croissance économique. Actuellement, nous sommes dans un contexte où le cycle de la croissance économique a repris. Il tend sur le plan mondial à se raffermir, mais néanmoins nous sommes en présence d'un certains nombre de risques majeurs qui font suite aux effets de la crise financière initiale partie des Etats-Unis et qui font, aussi, suite à la crise de la zone euro du printemps dernier. Tout d'abord, nous avons les risques sociopolitiques qui sont en connexion avec la mise en oeuvre des mesures et des plans d'austérité. Le deuxième risque de la croissance mondiale, c'est l'emploi. La croissance a repris mais l'emploi ne reprend pas comme escompte. Le troisième risque, c'est l'état de solidité du système financier international qui n'est pas encore éprouvé. Il y a d'importantes fragilités financières. Tout au long de ces deux dernières années, le système bancaire international a été soumis à un nettoyage assez profond mais il reste des éléments de fragilité très sensibles. Les marchés financiers internationaux ont repris mais avec des aléas très sensibles. Le protectionnisme commercial et la pression sur les matières premières notamment les biens alimentaires céréaliers constituent aussi des risques importants. Sur le plan géopolitique mondial, il y a un risque financier et commercial. C'est la guerre des changes. C'est un facteur déterminant pour la conjoncture mondiale et qui doit être suivi par tous les pays. Dans cette guerre l'élément connu c'est Chine-Etats-Unis. On impute aux Chinois le fait d'établir la valeur de la monnaie chinoise à un niveau bas pour entretenir des flux d'exportation très forts et donc pour investir les Américains et les marchés mondiaux. Au cours de ce séminaire a été présentée, également, une lecture de l'indicateur composite livré par l'OCDE qui a le mérite d'être précurseur de ce qui va suivre dans les six prochains mois (mais avec beaucoup de nuance). Ces indicateurs sont explicatifs de la tendance. La conjoncture économique par le bien et dans le mal se transmet. Autrement dit, la croissance se transmet et la dépression se transmet, aussi. La tendance à la reprise économique mondiale est très sensible. Beaucoup d'analystes font prévaloir le scénario de poursuite de la reprise. Toutefois, la reprise est inégale. Elle a été à un moment jusqu'au début de cette année assez nette aux Etats-Unis. Maintenant, elle décline. Elle a été faible, voire très faible dans la zone euro, forte chez les pays émergents et maintenant, en octobre, elle va beaucoup mieux, de plus en plus forte, dans les pays émergents. La zone euro, dans sa faiblesse de croissance, est en voie d'actualisation positive (un peu mieux dans le mal). L'activité économique dans les pays de la zone devrait progresser, selon le FMI, de 1,7% en 2010. Naturellement, les prévisions initiales étaient bien moindre. La locomotive de l'Europe c'est l'Allemagne avec une reprise de croissance forte. La régulation de la croissance économique pose le problème de l'emploi. On n'a pas encore trouvé un rythme probant de croissance de l'emploi. La reprise de l'emploi se fait toujours avec un décalage par rapport à la reprise de la croissance. Le problème de l'emploi reste aigu puisque depuis le démarrage de la crise et jusqu'à maintenant l'Organisation Internationale du Travail a recensé 34 millions de nouveaux chômeurs dans le monde et, en terme de stocks, à ce jour nos sommes à 210 millions de personnes sans emploi dans la planète. La question de la maîtrise de la croissance est tellement importante et tellement décisive en terme géopolitique qu'actuellement aux Etats-Unis tant du côté de la Réserve Fédérale que du côté du gouvernement américain, il y a une volonté manifestée par les décisions récentes pour soutenir la croissance et ne pas laisser s'installer l'incertitude. La Réserve Fédérale a établi un nouveau programme de rachat de bons du trésor pour soutenir l'activité économique. C'est un engagement fort. Le gouvernement du président Obama a dans son intention de lancer un autre programme de soutien de la croissance économique par une intervention publique. Il y a une obligation géopolitique pour les Etats-Unis de réguler la croissance économique. L'intérêt se focalise sur les Etats-Unis, car ils représentent le leader économique mondial. Ce qui conditionne la croissance économique mondiale ce sont encore les Etats-Unis. S'il n'y a pas de reprise aux Etats-Unis, la reprise européenne ne peut pas aller trop loin. C'est un jeu d'interdépendance entre les grandes zones. La Chine tire une grande partie de son dynamisme et de son commerce des Etats-Unis. Nous sommes dans une situation où les Etats-Unis conditionnent la croissance économique mondiale (et aussi la Chine). Se préoccuper des Etats-Unis est important d'un point de vue géopolitique. La plupart des analystes font prévaloir l'hypothèse de poursuite de la reprise mais nous restons préoccupés et le prochain G20 reste préoccupé. La préoccupation de la régulation financière est posée. Il y a plusieurs initiatives et plusieurs actions qui sont menées. Il y a trois étapes de la régulation financière. Pour la première fois dans l'histoire des Etats-Unis, le président Obama a lancé l'initiative de réforme de Wall Street. L'objectif de cette réforme est de surveiller de plus près les activités des banques et d'alerter si une nouvelle crise apparaît. C'est la dérégulation totale. Surveiller pour éventuellement démanteler les sociétés financières en difficultés et savoir si l'économie dans son ensemble risquerait d'en être affectée. On voulait éviter le scénario de Lehman Brothers. Il ne fallait pas qu'une entité, fut-elle la plus importante, entraine l'ensemble du système. Imaginer des modalités de surveillance et d'intervention pour empêcher une institution de faire quelque chose, dans l'esprit américain, c'est d'aller très loin dans le jeu du néolibéralisme américain. Parmi les éléments de surveillance, les autorités fédérales américaines surveilleront de plus près les fonds spéculatifs et les sociétés de capital investissement sous tutelle de la Réserve Fédérale Américaine. Parmi les éléments d'intervention spécifiques, adoptés maintenant par les instances parlementaires américaines, c'est que les transactions sur les produits dérivés sont réorganisées et devenus transparentes. Les échanges pour les produits dérivés transiteront désormais par un mécanisme dit une Chambre de Compensation. La Chambre de Compensation a comme finalité de retrouver la trace de l'acheteur et du vendeur. Deuxième élément, les banques doivent dorénavant rendre au compte à une autorité unique pour les crédits aux particuliers. Il y a désormais un bureau de protection financière du consommateur, des mécanismes de prêts accordés et des échéances de remboursement demandées. Il faut s'assurer de la capacité du client à rembourser. Dans le système de Wall Street, des institutions et des mécanismes qui surveillent les plus grandes entités financières, qui suivent la traçabilité des produits dérivés et des transactions qui s'y rapportent, qui suivent les modalités d'attribution des crédits, qui étudient les mécanismes de prêt et les échéances de remboursement, pour l'éthique de Wall Street c'est une violation très forte du libéralisme. La deuxième étape de la régulation financière ce sont les Stress tests. Ils ont été d'abord initiés aux Etats-Unis, puis, ils ont été appliqués à l'Europe. Il est à signaler qu'il y a un débat autour de la fiabilité de ces tests de résistances. Ils restent valables mais avec des limites. La troisième étape c'est Bale III qui permettra aux banques de faire face aux risques et d'affermir leur solidité financière. On est en train d'aller vers des critères de plus en plus restrictifs et durs qui attestent que les banques sont en mesure de faire face aux chocs et de ne pas transmettre la crise à leurs clients et à l'ensemble du système économique. Au cours de ce séminaire, il a été présenté un clin d'oeil sur les situations économiques des grandes zones à savoir les Etats-Unis, la zone euro (France et Allemagne), l'Asie (Japon et Chine) et les zones émergentes. A. Bouchoucha