La Tunisie passe par sa plus grave crise depuis l'indépendance. Une crise à multiples facettes : politique, sociale, sécuritaire, économique et même culturelle. En période de crise il est important de communiquer, or nous passons par une grande crise de communication, aussi. La chute du gouvernement de Ghannouchi est causée par un déficit clair de communication, et la « mauvaise communication » des médias a contribué à cette chute. Les entreprises de leurs côtés n'ont pas bien communiqué et sont dans des situations économiques difficiles. Les partis politiques ont d'autre part mal communiqué, ou n'ont pas communiqué du tout, ce qui a confirmé leur démission totale de la scène. A ce moment c'est la mauvaise communication et la recherche de la sensation qui refait surface, avec le désastre que ceci peut rapporter. La communication en temps de crise est un art dont nous ne maîtrisons pas, malheureusement, le moindre détail.
Un déficit de communication Plusieurs analystes affirment que le gouvernement de Ghannouchi, est animé de bonne volonté et de compétences indétrônables dans leurs domaines. C'est un gouvernement qui a réussi à prendre des décisions importantes en peu de temps, et qui a donné des signes d'ouverture et de rupture avec l'ancien régime. Or les bonnes intentions ne suffisent plus. Il faut aussi communiquer pour expliquer ces décisions et montrer la feuille de route du travail du gouvernement. Mohamed Ghannouchi détient à ce niveau une grande part de responsabilité, ainsi que ses ministres. Même les présidents des 3 commissions n'ont pas établi une stratégie de communication pour expliquer leurs travaux et leurs manières de procéder. On sentait que le gouvernement est déconnecté des préoccupations et des questions posées par plusieurs milliers des jeunes, qui croient qu'on vole leur révolution. Au moment ou les milliers de jeunes s'entassent à la Kasbah, le gouvernement fait la sourde oreille, et ne répond pas à certaines revendications illogiques, telles que la dissolution du parlement et de la deuxième chambre. Ils n'ont pas aussi communiqué à propos des résultats des enquêtes menées sur les premiers évènements de la Kasbah, non plus sur ce qui s'est passé avec Larbi Nasra et sa chaine Hannibal TV. Même le communiqué du porte parole du gouvernement, monsieur Taieb Baccouche, ne durait pas plus que 7 minutes, dans un style télégraphique, sec. Les fautes de ce gouvernement sont multiples et tournent toutes autour du manque de communication ou de la mauvaise communication. Au moment ou la société tunisienne est en pleine ébullition, une véritable stratégie de communication aurait du être adoptée pour essayer de calmer les esprits et tranquilliser les citoyens sur le sort de leur révolution.
Quand on communique bien, on gagne Le seul moment où le gouvernement de Ghannouchi a bien communiqué, il a gagné beaucoup. C'était le moment le plus sensationnel des 40 jours de ce gouvernement. C'était le jour où le ministre de l'Intérieur, avec simplicité, clarté, spontanéité, sans langue de bois,…a expliqué la situation sécuritaire du pays, et a rassuré toute la population, tout en appelant à la vigilance. Tout le monde a apprécié cette manière de communiquer, et le gouvernement a marqué un bon point sur le chemin de la réconciliation et du retour à la normale. Cette communication est malheureusement restée, un acte isolé, sans suite après. Au contraire, le gouvernement de Ghannouchi, commettait un deuxième faux pas, celui de la nomination des gouverneurs, et les troubles que ceci a causés dans plusieurs régions. La communication pour expliquer ces nominations n'a pas suivi, ce qui a mené à des manifestations, et scènes de limogeage populaire de certains gouverneurs, dans un cafouillage total.
Les médias versent dans et la sensation, au lieu de la communication Les médias tunisiens, qui étaient muselés durant 23 ans, se sont lancés dans une course effrénée pour dire tout, et n'importe quoi. C'est l'anarchie totale dans le paysage médiatique, dans le cadre de l'ouverture totale et de la libre expression. Plusieurs médias, de tout genre, cherchaient plutôt la sensation que la vraie communication en temps de crise. On donnait le micro à tout le monde et sans réserve. On publiait des informations, sans vérifier leur véracité. On invite les analystes qui « matraquent » le gouvernement, seulement, pour s'ériger comme les défenseurs de la voix du peuple. Les médias n'ont pas eu conscience de leur vrai rôle dans cette période critique de l'histoire du pays. Ils ont une grande responsabilité dans ce qui se passe aujourd'hui en Tunisie, que ce soit sur le plan sécuritaire, politique, et social. La chaîne nationale, qui a succombé au chantage des jeunes de la Kasbah, leur a ouvert les plateaux, pour qu'apparaisse quelqu'un qui appelle à appliquer la peine de mort pour Ghannouchi, sans un véritable rappel à l'ordre, ou refus de cet appel à la haine. L'ex premier ministre a été bien touché par ces paroles, venant d'une chaîne publique. La stratégie de communication des médias tunisiens a connu des dérapages impardonnables, qui dénotent d'une immaturité flagrante. Mais, ils ont leur excuses : ils ne sont pas habitués à cette marge de liberté.
Les partis politiques : quasi absents Dans les pays développés et démocratiques, ce sont les partis politiques qui portent la voix des peuples. Ils expriment leurs revendications, parlent en leurs noms, proposent à leur place, critiquent l'action du gouvernement...Or en Tunisie, les partis politiques étaient tous muets et ne communiquent plus. Ce mutisme a laissé la place à plusieurs voix, irresponsables, qui ont manipulé et diffuser les informations qui poussent au soulèvement populaire, plutôt que celle qui calment. Les partis politiques sont encore une fois dépassés par les évènements, et pris à contre-pied par « facebook », twitter et autres vrais canaux de la libre expression. Or ces jeunes ont besoin d'encadrement et de canalisation pour rationaliser leurs demandes et expliquer la portée de leur revendication.
Les entreprises doivent faire leur communication Les entreprises tunisiennes vivent actuellement une crise profondre, suite à une crise mondiale qui n'a pas fini de les faire souffrir. S'ajoutent les conflits sociaux dans plusieurs entreprises, avec des revendications syndicales urgentes et qui ont paralysé plusieurs secteurs et entreprises. C'est pour cette raison que les entreprises tunisiennes doivent communiquer pour expliquer la situation de leurs affaires, les risques pour l'entreprise et sa situation financière. Cette communication doit être faite dans la transparence totale et avec la participation des partenaires sociaux. La communication de l'entreprise permet de lever certaines incompréhensions et certains malentendus et ainsi éviter des conflits sociaux et établir un climat social propice pour une meilleure productivité et une amélioration de la compétitivité.
L'UGTT tire les ficelles ? Durant les 20 derniers jours et après avoir été très active sur la scène politique, l'UGTT s'est soudainement retirée, après avoir donné son aval pour le deuxième gouvernement. Les portes-paroles, et les membres de l'UGTT se faisaient de plus en plus rares sur les plateaux de télévision, les journaux et les radios. Un retrait qui traduit un consentement vis-à-vis des actions de ce gouvernement. Il s'est avéré, selon mon analyse, que cette stratégie de ne pas communiquer, cache derrière elle, une communication dans les couloirs. La preuve de cette communication en silence, s'est avérée après la démission du gouvernement de Ghannouchi, demandée au dernier jour, c'est-à-dire Dimanche dernier, par l'UGTT. Comment la centrale syndicale, ne laisse que 20 jours pour juger le gouvernement ? Comment l'UGTT, qui a eu satisfaction sur plusieurs points de ses revendications, juge aujourd'hui que le gouvernement n'a pas respecté le programme préétabli ? La centrale syndicale, exige qu'elle soit consultée sur toutes les décisions, mais de quel droit, et au nom de quelle légitimité ? Pourquoi on se tait sur certains documents qui circulent sur le net sur les lots de terrains à Carthage octroyés pour toute la famille Jrad ? Autant de questions, qui sont des énigmes et sèment le doute sur le rôle apparent et caché de l'UGTT, qui a adopté durant des jours la stratégie de la communication secrète.
Comment communiquer en temps de crise ? Si le gouvernement de Ghannouchi, a échoué à communiquer, et non pas à faire avancer le pays et le stabiliser, le gouvernement de Bèji Kaid Essebsi, ne doit pas tomber dans le même piège. Le peuple a besoin aujourd'hui qu'on lui parle et qu'on lui explique, pour le rassurer sur sa révolution et sur son avenir. Cette communication doit être faite d'une façon honnête et avec transparence, sans entrer dans les discours de démagogie et de politique politicienne. Dans ce cadre le gouvernement doit définir des messages clés à faire passer, tels que le processus démocratique, l'emploi, l'aide aux entreprises affectées et en difficulté, les aides sociales d'urgence et la sécurité des gens. Il est important aussi de ne pas stéréotyper le message pour tout le monde. Il faut les classer selon leurs catégories. Le message adressé aux sensibilités politiques, n'est pas le même adressé aux jeunes de la révolution, ou celui aux chômeurs demandeurs d'emploi. Le gouvernement est tenu durant la prochaine période de se doter de plusieurs portes paroles professionnels afin de communiquer avec les medias nationaux et internationaux et tenir des points de presse quotidiens pour expliquer l'action du gouvernement. La communication en temps de crise est nécessaire car elle permet d'anticiper les avis et les critiques, et d'annoncer la vérité avant qu'elle soit découverte par les autres et spécialement à travers les medias. Cette situation peut mettre le gouvernement dans une position critique et qu'il doit justifier ce qu'il aurait dû faire avant. De leurs côtés les members du gouvernement doivent être plus disponibles pour répondre aux questions des journalists et faire des interviews et des apparitions publiques. Depuis leurs nominations, des ministres comme celui des finance ou de l'agriculture n'ont fait aucune declaration ou interview, ce qui est paradoxal en situation de crise que vit la Tunisie actuellement. Selon des experts en communication, il est important en temps de crise de: § Ne pas mentir. § Ne pas essayer de cacher les faits. § S'en tenir aux faits. § En d'autres termes, de dire la vérité, toute la vérité, et rien que la vérité Conseils à bon entendant, afin de ne pas être obligé de voir un troisième gouvernement de transition, si celui de Kaid Essebsi continue d'exister déjà.