La Tunisie mise plus que jamais sur sa diaspora. Selon Lotfi Fradi, chef de cabinet du ministre de l'Economie et de la Planification, les transferts des Tunisiens résidant à l'étranger devraient progresser de 6,4 % en 2026 pour atteindre environ 7 900 millions de dinars. Pour 2025, les envois sont attendus autour de 7 600 millions de dinars, soit +8,3 % par rapport à 2024. À fin août 2025, ils s'élevaient déjà à 5,79 milliards de dinars, en hausse de 8,2 % sur un an. En 2024, les seuls transferts financiers ont atteint 8,2 milliards de dinars, l'équivalent d'environ 6,5 % du PIB. Sur la décennie 2013–2023, la progression est frappante : de 3 721 MDT à 8 817 MDT, soit +136 %. Ces données ont été rappelées à Tunis lors d'un atelier régional organisé les 24 et 25 septembre 2025 par le Bureau de la Commission économique pour l'Afrique du Nord (CEA) en partenariat avec le ministère de l'Economie et de la Planification. L'objectif : intégrer pleinement la composante « transferts des TRE » dans le Plan quinquennal 2026–2030, évaluer le cadre réglementaire et institutionnel, et arrêter des réformes opérationnelles pour maximiser l'impact de ces flux comme source alternative de financement du développement. Lotfi Fradi a souligné que, malgré le niveau élevé atteint, la part des transferts dans le PIB n'a pas progressé au rythme souhaité. D'où un appel à une sensibilisation renforcée de la diaspora pour intensifier les envois et, surtout, les orienter vers l'investissement productif. Il plaide pour des incitations fiscales adaptées, l'accès à des prêts extérieurs pour les Tunisiens à l'étranger et la création de fonds d'investissement dédiés. À ce stade, une fraction notable des transferts demeure captée par des usages traditionnels – construction de logements familiaux ou achat de véhicules – alors que la diaspora est, selon lui, « capable de lancer des projets dans leurs régions et de devenir un moteur de développement des territoires intérieurs ». L'Etat met en avant des opportunités ciblées : professions médicales, production pharmaceutique, informatique, développement logiciel et services. La dynamique tunisienne s'inscrit dans une tendance mondiale où les remises migratoires se montrent plus résilientes que d'autres flux. D'après la CEA, sur la dernière décennie, les transferts de fonds ont augmenté d'environ 55 %, quand les IDE ont reculé de 48 %. En 2023, les envois vers les pays à revenu faible et intermédiaire ont atteint 656 milliards de dollars (Banque mondiale), avec une croissance ralentie à 0,7 % après 10,8 % en 2021 et 8,3 % en 2022, avant un retournement haussier amorcé en 2024. La région MENA affiche la plus forte croissance attendue des remises en 2024 (4,3 %), avec un potentiel de 5,5 % en 2025. La CEA anticipe par ailleurs que l'écart entre remises et APD devrait continuer de se creuser, les premières dépassant aussi, durablement, les IDE. Pour la Tunisie, l'enjeu n'est plus seulement d'accueillir ces flux, mais de mieux les canaliser. Les réformes discutées durant l'atelier portent sur l'optimisation du cadre pour faciliter la contribution à l'investissement, le renforcement des instruments financiers et l'accompagnement des projets initiés par les TRE. La priorité affichée consiste à transformer la force de résilience des remises – précieuse pour les réserves en devises et la stabilité macroéconomique – en levier de croissance, d'emploi et de montée en gamme dans les secteurs porteurs. Le calendrier de 2025–2026 sera déterminant : si la trajectoire annoncée (7,6 MDT en 2025 puis 7,9 MDT en 2026) se confirme, la marge de manœuvre macroéconomique s'élargira, à condition de convertir davantage d'envois en capitaux patient et en projets ancrés dans les régions. À court terme, la feuille de route esquissée combine incitations fiscales, produits d'épargne et de co-investissement destinés aux TRE, mécanismes de financement mixte et guichets spécialisés pour faciliter l'implantation de projets. Autant de chantiers qui visent un objectif simple : aligner la courbe ascendante des transferts sur une création de valeur plus visible, plus diffuse et plus inclusive à l'échelle du pays. Commentaires Que se passe-t-il en Tunisie? Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!