Kais Nouira, membre du Conseil de l'Ordre des médecins, a tiré la sonnette d'alarme sur la migration croissante des praticiens tunisiens, un phénomène qui menace directement la viabilité du système de santé. Invité jeudi 25 septembre 2025 sur Express FM, dans une émission consacrée au tourisme médical, il a qualifié la situation de « critique ». Le médecin a rappelé l'exemple de l'Inde, qui a réussi à rapatrier une partie de ses compétences parties au Royaume-Uni et aux Etats-Unis grâce à des mesures incitatives. « Cela a permis de créer un pont de santé et de tourisme médical vers l'Inde. La Tunisie doit s'en inspirer et mettre en place des incitations concrètes », a-t-il plaidé. Selon lui, les jeunes médecins quittent le pays en quête d'un avenir meilleur, tandis que les plus expérimentés cherchent des revenus plus attractifs. « Ils doivent pouvoir trouver cela en Tunisie », a-t-il insisté, avant de constater qu'un nombre croissant de praticiens tunisiens opèrent déjà en Libye, où les infrastructures hospitalières se modernisent rapidement. Résultat : les patients libyens, qui venaient traditionnellement se soigner en Tunisie, se tournent désormais vers leur pays, dans ce qu'il qualifie de « transfert de compétences ».
La situation des médecins de famille illustre la gravité du problème. « Sur 1.100 médecins de famille, seuls 70 restent pour passer leur spécialité. Les autres partent massivement en Allemagne et en Suisse. C'est dramatique », a-t-il affirmé. Et le phénomène dépasse le corps médical : les cadres paramédicaux quittent eux aussi la Tunisie pour le Maroc, les pays du Golfe ou encore l'Europe. Une fuite des compétences d'autant plus préoccupante que leur formation représente un investissement public considérable. « Nous vivons aujourd'hui une guerre où chaque pays cherche à se positionner », a résumé Kais Nouira, soulignant la concurrence féroce entre Etats pour attirer des praticiens qualifiés.
Face à cette hémorragie, il appelle à des mesures urgentes : instaurer un cadre légal clair, améliorer les conditions de travail, moderniser les infrastructures de santé et offrir aux médecins tunisiens de réelles perspectives de carrière. L'enjeu n'est pas uniquement sanitaire mais aussi économique. La Tunisie dispose d'un potentiel important pour se positionner sur le marché mondial du tourisme médical, en pleine expansion. Mais pour en tirer profit, encore faut-il disposer des ressources humaines nécessaires. « Il est impératif de fidéliser nos médecins et de valoriser leur rôle dans un système de santé plus attractif et mieux organisé », a conclu Kais Nouira.