La Tunisie a vécu hier soir l'un des week-ends qui marquent l'histoire d'un pays. Un week end qui semble consacrer à jamais la dorénavant évidente division d'un peuple. Ce samedi, alors que le commun des mortels vaquait à ses occupations habituelles, il lui était difficile de ne pas avoir une pensée pour une de la centaine de famille qui passait un week end pas commun. En effet, une centaine de familles tunisiennes, sans compter les proches, alliés et amis, passait, ce samedi, une soirée chargée d'émotions. Mais ces émotions n'étaient pas uniformes ou du moins du même registre. La 1ère moitié de ces familles vivait l'amertume, l'angoisse, le désespoir voire le deuil. Il s'agit en l'occurrence des familles de la cinquantaine de pauvres types qui sont « portés disparus » au large de « l'éldorado lampédusien ». La nouvelle était tombée tel un couperet sur des familles qui avaient pourtant passé des heures de prières et de vœux pour aider leur progéniture à traverser la barrière maritime sur laquelle ils se sont entêtés de voguer. Naufrage de la barque et disparition de la moitié des « pauvres diables ». Commença alors, la terrible attente d'une infirmation ou d'une confirmation. Le téléphone n'arrêtait pas de sonner, mais ce n'était jamais l'interlocuteur espéré, voire redouté. Une cinquantaine de familles tunisiennes vit en ces heures la terrible épreuve de ne pouvoir même pas faire son deuil. Par ailleurs, et parfois dans le même quartier ou le même pâté de maisons, une de l'autre cinquantaine de familles, vivait le bonheur, la joie et la liesse à l'occasion du mariage d'un fils ou d'une fille. En effet le parti au pouvoir a tenu, sous le prête-nom d'une certaine association caritative, à célébrer la noce de 25 couples. Ce parti Euh... Cette association n'a pas fait les choses à moitié, Robes de mariées exubérantes, location d'un train touristique pour transporter les amoureux, location de pas moins que l'hippodrome de Ksar Saïd, avec toute la logistique que l'on connait pour ce genre de fête, genre sono, troupe musicale, gâteaux, boissons…. Là aussi, on pouvait lire sur la face des convives, et même sur celles de quelques mariés, une ombre dans un tableau de supposé bonheur. Fêter ses noces « pas comme tout le monde », dans un cortège artificiel où on ne connait pas grand monde, en affichant son incapacité à gérer tout seul son mariage... et surtout, avoir la sensation de faire de la figuration dans un spectacle qui ne lui est nullement dédié. En effet, les organisateurs et convives présents au « spectacle » ne s'intéressaient que secondairement aux mariés, qu'ils ne connaissaient d'ailleurs ni d'Adam ni d'Ève, la vraie star de la soirée c'était, sans contestation aucune, le parti Euh... l'association organisatrice. A témoin, la présence sur le podium d'honneur des plus hauts dignitaires de... l'association, pour les félicitations en direct... Pour ce qui est de la consolation voire des condoléances, on attendra un peu. Finalement la Tunisie était bel et bien divisée ce samedi soir, une Tunisie qui pleure et une Tunisie qui rit. Mais finalement le point commun, car il y a toujours un point commun qui regroupe les tunisiens, c'était un sentiment d'incomplet. Il manquait toujours quelque chose aux deux scènes de ce week end, Il y avait un deuil sans dépouilles d'un côté, et une campagne électorale sans date d'élection de l'autre.