Ce fut un bien beau discours que celui prononcé par Rached Ghannouchi sur les ondes de Nessma TV. Un discours mielleux, plein d'amour et de tendresse, plein de paternalisme et de bonne volonté, hélas contrecarrée par certains esprits machiavéliques qui ne cherchent qu'à saborder tous les efforts et les concession douloureuses consenties par le Cheikh et ses fils. Mais attention, sous ses airs de gentil vieux monsieur, Rached Ghannouchi n'a pas pour le moins pu s'empêcher de distiller des menaces et enfouir çà et là, à l'intérieur de ses phrases plusieurs mines, qu'il serait judicieux de prendre le soin de déminer avant de comprendre le fin mot de l'histoire. Et encore, çà ne sera certainement pas chose facile, vu qu'un esprit machiavélique bâti sur les bases de la haine et la soif de revanche, pourrait être capable de tisser un réseau de mines de sorte qu'un engin donné pourrait être conçu, pas pour exploser, mais pour déclencher l'explosion d'un autre engin, quelque part, à un moment donné. Nous allons néanmoins essayer de déblayer un tant soit peu ce champ de mine : 1ère mine : D'entrée Ghannouchi a essayé de mettre dos à dos les leaders de l'opposition et le peuple en affirmant que la crise n'existe que dans la tête de ces politiciens, alors que le peuple ne demande qu'a vivre, et en insinuant à l'occasion que les opposants seraient entrain d'œuvrer pour aller vers une année scolaire blanche, créant de la sorte la zizanie au sein de la population pour laquelle tout serait permis, sauf de « rigoler » avec l'avenir de sa progéniture ! 2ème mine : Ce que tout le monde a pris pour une boutade drôle et idiote n'en est, hélas, pas une ! En vantant le mérite du gouvernement de fournir l'eau et l'électricité et en déplorant que l'opposition appelle à ne pas payer les factures, Rached Ghannouchi, et mine de rien, est entrain d'agiter la menace des coupures d'eau et d'électricité, comme moyen de pression, sachant que de larges franges de la population en ont suffisamment bavé par le passé. 3ème mine : En faisant trainer les choses et en insistant d'un autre côté que la reprise des travaux de l'ANC sera la seule condition pour le démarrage du dialogue et la sortie de crise, et en insinuant que le travail de l'ANC est presque achevé, et que c'est un travail de tous les tunisiens et non du sur mesure pour Ennahdha, Rached Ghannouchi démontre qu'il veut avoir les tunisiens à l'usure, en insistant sur le fait que tout ce qui se passe actuellement ne changera en rien ç l'énorme travail de son neveu Habib Khedher, qui finira par passer, le jour où le tunisien en aura marre et décidera qu'il serait d'accord pour reprendre les travaux de l'ANC si cela ne tenait qu'à çà. 4ème mine : Destinée à le centrale syndicale, quand il parle d'accords conclus avec l'UGTT, et que celle-ci n'oserait pas refuser les contre-propositions d'Ennahdha, car les syndicalistes seront guidé par un sentiment nationaliste et vont faire prévaloir l'intérêt du pays. Il met de la sorte l'UGTT devant une énorme responsabilité, celle de pouvoir à elle seule faire aboutir le processus, et semant le trouble entre la puissante centrale et ses adhérents en insinuant certaines zone d'ombre dans les pourparlers. 5ème mine : En parlant des excellents rapports qui le lient, désormais, à BCE, Ghannouchi espère le couper de sa base et casser ainsi le front du salut en mille morceaux, surtout quand il se fait un point d'honneur de ne jamais citer sur plus d'une heure de parlotte le front populaire. En ignorant de la sorte cette frange de l'opposition, Ghannouchi leur donne l'impression d'avoir été le dindon de la farce dans un lugubre jeu d'intérêts politiques duquel ils sont sortis les mains vides. Et il se permet d'enfoncer encore plus le clou, en insinuant qu'il préserve le poste de président de la république à BCE, alors que ce sont les militants du front populaire qui se tapent l'action dans la rue et qui payent le prix du sang, en sacrifiant leurs leaders. 6ème mine : Il fait exprès de parler de la hantise des membres d'Ennahdha d'un éventuel retour en prison, si jamais le scénario égyptien vienne à se répéter en Tunisie. C'est une sorte d'avertissement à ses partisans et un appel à ne jamais baisser les bras et à tout faire, tout tenter pour préserver leur liberté. 7ème mine : Quand le sujet des LPR a été soulevé, Ghannouchi a sciemment fait le rapprochement entre ces milices et les médias ainsi que des hommes politiques, histoire de rejoindre le discours de ces milices qui ont de tout temps prôné le nettoyage du secteur des médias et celui des hommes politiques. Il les invite en quelque sorte à réagir à toute tentative de les dissoudre, en leur indiquant leurs cibles pour ce faire. 8ème mine : Quand il annonce en des termes à peine cachés, son intention d'évincer Marzouki de son poste provisoire, et comptant sur la réaction de celui-ci et de son ex-parti pour relancer les débats et s'acharner à ne rien lâcher. D'ailleurs ne sont-ce pas eux qui ont toujours exigé l'impunité aux LPR et béni leurs interventions. Donc, en faisant des mécontents des LPR et des CpR, il compte atteindre un mélange explosif qui pourra faire son effet, le temps voulu. 9ème mine : Quand sur la fin de son discours Ghannouchi a fini par faire un petit clin d'œil à « ceux qui refusent le dialogue » entendre par là, le front populaire et consorts, en leur disant qu'il est désolé que le dialogue qui va finir par s'instaurer sera dans l'obligation de laisser en rade ceux qui refusent d'y participer et qui finiront aux oubliettes. Il est évident que nul esprit sain ne pourrait énumérer en détail toutes les mines semées par Ghannouchi le long de son discours, mais nous avons quand même essayé d'en repérer quelques unes qui nous ont paru les plus « parlantes », sachant qu'on en a certainement omis plusieurs plus insidieuses et plus sournoises les unes que les autres.